Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter...

98 10 0
                                    

"-Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter... tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Depuis deux jours, elle ne me quitte pas. Cette chansonnette vieille comme le monde fait allusion aux mélodies qui te rentrent dans la tête et qui ne veulent plus en sortir. Des gens sont devenus fous comme ça... je le sais mieux que quiconque, mon père l'est devenu et son grand-père avant lui. "Tourne, tourne, tourne et retourne..." on ne m'a jamais dit comment. Soit disant pour me protéger... J'ai du mal à y croire. Dire à quelqu'un de curieux qu'il existe une chose qui concerne sa famille mais qu'il ne doit pas la chercher est une énorme bêtise. "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Je ne sais même pas s'ils sont encore vivants. Je suppose que oui, dans un asile on soigne les gens, on ne les tue pas en théorie... à un moment, on a cru que mon frère était un psychopathe. Il avait dessiné un Donald Duck avec un œil au beurre-noir, une tête de pervers, un corps noir, long, surgissant tel un serpent de derrière un frigo en disant : "Petit n'enfants..." Mais il ne faut pas crier au fou trop vite. Dommage, j'aurais bien aimé qu'ils l'emmènent. Vous l'aurez deviné, je ne porte pas mon petit frère dans mon cœur. "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Ne vas-tu jamais me lâcher ? Satanée chansonnette ! J'ai beau chercher une autre chanson, n'importe laquelle, rien ne vient. "Tourne, tourne, tourne et retourne..." Cette mélodie macabre est comme le monde qui m'entoure quand j'y pense... Elle est sans but réel, sans commencement et comporte très peu de sens... "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Et si je devenais fou à mon tour ? Ma famille le supporterait ? En tout cas pas ma mère. Elle qui a fait une crise quand elle a vu le fameux dessin de mon frère. "Tourne, tourne, tourne et retourne..." Je crois que je n'entends plus rien, excepté cette infâme ritournelle. Le monde qui m'entoure ne produit plus de son. Où alors je ne les entends plus... "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter... Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Vas-tu enfin partir ? Je te l'ordonne ! Rien à faire, tu es dans ma tête mais tu ne m'obéis pas... Tous, tous les éléments de mon cerveau doivent m'obéir, sinon rien ne marche ! Ma tête commence à me faire mal... Comme si mes neurones me répondaient qu'ils n'étaient pas mes esclaves. "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Ma vue se trouble, je ne perçois plus que de la fumée noirâtre. "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." La chansonnette devient plus insupportable que d'habitude. Elle est plus forte, que moi et en volume. J'ai soudainement un mal de crâne intense. Il ne vient pas de l'intérieur, mais de l'extérieur. Je me suis cogné, mais à part la douleur, je ne l'ai pas sentie. Mes mains ont encore quelques sensations. Je sens un béton dur et froid... je suis allongé par terre. Je n'entends pas mon cœur battre sur mes tempes, mais je sais qu'il le fait. "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter... Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Soudain, tout se stabilise ! Les couleurs me reviennent d'un coup, mon visage sent le sol et le sang qui lui coule dessus. Absolument tout m'est revenu, sauf les bruits de la ville. Juste ce : "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter... Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." incessant. Je me relève d'un bond et cours vers la première personne que je vois "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." je lui attrape la nuque et lui enfonce mon genou dans l'estomac ! Je n'ai plus conscience de ce que je fais ! "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Je fais de même pour les six autres personnes que je croise. J'aurais sûrement continué si un officier ne m'avait pas maîtrisé... "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." je tombe dans les pommes.

à mon réveil, je suis dans une cellule aux murs blancs. Je me lève du lit. J'entends ! Je m'entends me lever ! Je m'entends marcher. Je m'approche de plus près d'un mur. Il n'est pas blanc mais gris. Il y est juste inscrit des milliers de fois une phrase que je n'arrive pas à lire... Soudain, j'entend une voix qui fredonne : "Tourne, tourne, tourne et retourne, sans jamais t'arrêter..." Je me retourne ! et distingue mon père...

Petites histoires pour s'endormir...Where stories live. Discover now