Le kevlar n'arrête pas les lames.

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Je suis à la cafétéria, j'attends ma collègue un café à la main. On a arrêté un homme aujourd'hui. Cela va faire vingt minutes qu'on l'interroge et tout ce qu'il a dit depuis c'est : "Le kevlar n'arrête pas les lames." Il dit cette phrase à chaque fois qu'on lui pose une question. Il la dit avec fermeté, avec un regard dur et froid, déterminé. Personnellement, je crois qu'il culpabilise. Pour cause, il a tué cinq hommes aujourd'hui, avec une seule lame. Une lame qui ne coupait même pas... mais une lame qui pique. Ces cinq hommes portaient tous un gilet pare-balles, fait avec du kevlar bien sûr.

"Le kevlar n'arrête pas les lames." Je vais finir pas faire des cauchemars à force d'entendre cette phrase. Ou tout simplement à force de voir cet homme. On a beau chercher, on n'a rien trouvé sur lui. Pas de papier, pas de signe distinctif comme une croix ou un talisman, pas de portable, pas de tatouage, pas de bague ni d'alliance, presque pas de cheveux soit-dit en passant, pas de cicatrices. On n'a relevé ses empreintes mais l'ordinateur n'a rien trouvé. Pareil pour sa photo, de face ou de profil. Mais pourquoi répète-t-il cette phrase sans cesse ? Il y a d'autre manière de culpabiliser. Au fond peut-être que je me trompe et qu'il ne culpabilise pas. Son regard déterminé, il me fait presque peur.

Soudain un grand bruit se fait entendre ! Cela provenait de la salle d'interrogatoire. Une clé tourne dans une serrure. J'accours, sur le chemin j'entends une phrase, ferme et simple : "Les os n'arrêtent pas les lames."

Le spectacle que je vois est ignoble, ma collègue, tuée d'une lame dans la tête. Mais ? Où l'a-t-il trouvé ce couteau ! Il est juste devant moi. Une autre lame dans la main. Je sors mon arme et le vise. Un long moment sans que rien ne se passe s'écoule. Son regard froid me fait perdre le contrôle, je tire. à mon plus grand étonnement, la balle ne le touche pas. Il se met une fois de plus à parler : "Les balles n'arrêtent pas les lames." En une demi seconde, il est à quelques centimètres de moi. Je sens une chose longue, froide, et dure me percer les côtes. Avant de m'écrouler j'entends une phrase froide et dure comme la lame qui vient de me transpercer : "Rien n'arrête les lames."

La lumière vient, et je m'éloigne de cet être si étrange et qui semble tout puissant. Pour moi le monde est perdu, si de tels psychopathes traînent dans les rues. C'est alors que mon réveil sonne.

"Rêve de merde !!!!!" ça fait du bien...

Quelques heures plus tard, me voilà au taff. Ma collègue, bien vivante, me dit qu'ils ont arrêté un homme aujourd'hui. Il en a tué cinq autres avec un couteau, et n'a rien dit depuis qu'il est venu ici.

"Il n'a vraiment rien dit ? lui demandai-je effrayé.

-Si je crois qu'il a juste dit une phrase comme "Les lames traversent le Kevlar" ou un truc comme ça...

Petites histoires pour s'endormir...Where stories live. Discover now