Pandémie

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Témoignage de ma petite cousine éloignée :

"Le monde se meurt, les humains tombent les uns après les autres... Avons-nous mérité notre sort ? Ou l'avons-nous nous mêmes provoqué ? Mon frère est tombé, il n'avait que cinq ans. Ma mère est tombée, elle avait quarante-cinq ans... est-ce que quarante ans de plus est une raison suffisante pour que personne ne la pleure ? Mon père, lui, est mort, quelques mois avant ma naissance. Je ne le connais pas. Je crois que c'est un égoïste. Lui, il ne vit pas ce que nous vivons. Mon beau-père est vivant, il n'y a plus que lui et moi dans la famille. Mon beau-père je l'aime bien, il est gentil. Je veux pas qu'il tombe dans cette lutte infernale contre un simple virus. Le jour ou j'ai demandé ce qu'était un virus on m'a dit que c'était un être microscopique. Un être qui, pour vivre, doit faire du mal aux gens. J'ai répondu innocemment : "Comme les humains alors. Pour vivre ils doivent détruire leur planète." Ma mère m'a regardée d'un air étonné, et mon beau père a détourné le regard... Refusons-nous à ce point de voir le malheur que nous causons ? Certains se cachent derrière des illusions en disant que c'est la faute à quelqu'un d'autre. Ce quelqu'un d'autre, il a toujours fait parler de lui au cours des millénaires, c'est dieu. Ils disent que "dieu" nous punit de nos péchés. Je n'ai jamais compris ce que signifiait le mots "péché". Tout ce que j'ai compris c'est qu'un jour, un homme a écrit un livre qui dictait des lois, les péchés c'est quand on enfreint une de ses lois. Mais seulement les siennes, si j'enfreins le règlement de mon école je ne suis pas une "pécheresse". Je trouve ça idiot de la part des gens qui obéissent encore à ces vieilles lois. Des lois, c'est utile pour garder la paix, et des lois, elles évoluent avec le temps sinon elles ne servent plus à rien. Celles-là sont comme gravées dans le marbre... Ce qui amène seulement plus de chaos. Et le chaos, c'est ce que nous vivons. Et de qui est-ce la faute ? j'ai arrêté de chercher. Pourquoi toujours trouver un responsable ? Pour qu'il ne recommence plus ? Ma mère me disait que quand on ne trouve pas de responsable après des années d'acharnement, c'est que nous sommes nous-mêmes le coupable. Et, depuis deux ans, je cherche le coupable et je ne le trouve pas. Les coupables sont donc nous-mêmes, les humains. De toute façon je le sais moi, qu'il n'y a plus d'espoir, et ça ne me fait pas peur. Si je meurs j'irai voir mon père et je lui poserai les questions que j'ai sur lui depuis que je suis née. Mon beau-père, à lui, je crois bien que ça lui fait peur. Pas la mort, mais la manière dont il va mourir. Il ne veut pas contracter le virus, il ne m'a pas laissé voir maman mourir mais lui il l'a bien vu. Sous prétexte qu'il est "adulte" et que moi je suis une "enfant". Elle a souffert à en croire les cris que j'ai entendus. On me dit que je n'aurais pas dû les entendre. Mais je ne suis pas comme eux ! La vérité ne m'effraie pas ! Même si elle est ignoble, elle existe !

Que dire de plus...

-Tu ne voudrais pas me dire comment c'est arrivé ?

-Quoi donc ?

-La pandémie.

-Pourquoi faire ? Parce que que tu aimes te délecter des horreurs. Je vois la vérité en face, je ne l'accentue pas pour la rendre plus dramatique ou plus triste. Parce que tu cherches encore un responsable ? Crois-moi s'il y en a un, il a dû être le premier à mourir. Parce que tu veux absolument tout savoir sur tout ? Il y a des choses qu'on ne saura jamais, et c'est ainsi.

-Tout le monde mouraient ?

-Non, seulement les humains. Et les animaux semblaient en être heureux, plus de cadavres pour les charognards. Cadavres atteints d'une maladie qui ne les touchait pas... Les humains arrêtaient de construire sur les espaces vert, il n'y avait plus personne pour acheter. Beaucoup de villes se sont transformées en villes fantômes jonchées de cadavres qu'il ne fallait pas approcher.

-Tu les a approchés ?

-oui...

-Ton beau-père le sait ?

-Non.

-Elle te fait mal ?

-Quoi, les cloques sur mon bras ? Elles me faisaient un mal de chien, mais je suis allée chez une personne que j'ai payé très cher pour qu'elle me coupe les nerfs responsables de la douleur.

-Tu n'as pas peur qu'un jour ton beau-père le remarque ?

-Je serai morte avant qu'il ne le remarque. Pourquoi est-ce que tu notes notre conversation ?

-Pour les gens qui retrouveront ce message, des années plus tard...

-Arrête de rêver, l'humanité ne va pas tenir et de toute façon elle n'aurait jamais dû exister !

-Rêver c'est le propre de l'homme. Voir la réalité en face c'est le propre des gens comme toi. Les personnes insensibles !

-Et je le suis devenue dans tous les sens du terme !

-Très drôle ! Arrête de te ficher de moi, tu comptes tous nous contaminer en fait ?

-Maintenant ou plus tard...

-Tu sais quoi, je peux pas garder ça pour moi : soit je vais tout révéler à ton beau-père, soit tu pars mourir dans la nature ! Qu'est-ce que tu choisis ?

-Je pars.

-Sage décision. Adieu.

-À plus tard, je dirais."

Et elle partit, du moins je suppose. Je retrouve ces bouts de papier dans une maison en ruine, vingt ou trente ans plus tard. L'Humanité s'en est toujours sortie, et elle s'en sortira toujours. Que cela déplaise à cette petite cousine ou non.

Petites histoires pour s'endormir...Where stories live. Discover now