(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

Geneviève (Partie 2)

Le lendemain matin, au moment où mes yeux rougis s'ouvraient sur le monde, j'eus l'impression que rien n'avait changé. Mais c'est en remarquant Dylan assis sur une chaise à mon chevet, le visage fermé, que tout me revint en mémoire comme une gifle magistrale.

— Salut toi, me lança-t-il doucement lorsque je me redressai sur mon lit, en passant une main dans mes cheveux en bataille.

— Dylan ? m'étonnai-je en rejetant l'épaisse couverture. Qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je suis juste passé voir comment tu allais, répondit-il en haussant les épaules. Mon père te fait savoir que tu as la journée libre. Tu as besoin de prendre du temps pour toi...

Je pris une profonde inspiration, avant de hocher le menton avec lassitude. En temps normal, j'aurais insisté pour ne pas rater ma journée de travail, mais pas aujourd'hui. Je tournai machinalement le regard vers la fenêtre de ma chambre, et aperçus au loin le toit de la maison où résidait la famille de Kat. Je détournai aussitôt la tête, le cœur battant à tout rompre.

— Tu sais que tu peux toujours compter sur moi, si tu as besoin de parler, murmura Dylan en posant sa main sur la mienne.

Ravalant de nouveau mes larmes, je me contentai de le remercier d'un sourire. Mon ami me toisa un moment de son regard soucieux, puis se leva lentement avant de se pencher pour m'embrasser sur le front.

J'attendis alors qu'il quitte la pièce en refermant la porte derrière lui. Une fois chose faite, je m'affalai de nouveau sur mon oreiller, en inspirant profondément. Je me sentais bien trop anxieuse pour pouvoir me rendormir. Mais je n'avais pas non plus la force de quitter la tiédeur réconfortante de mon lit. Aussi me contentai-je de rabattre la couverture sur ma tête, le regard torve, une série d'images défilant dans mon esprit, toutes plus terribles les unes que les autres.

***

Je passai la matinée à errer dans la maison d'un pas perdu, hagarde, sous l'œil anxieux de ma mère et les petits regards furtifs que me lançait Amy, lorsqu'elle croyait que je l'ignorais. L'après-midi, je reçus la visite de Laura, la cousine de Kat, une distraction dont j'aurais pu me passer. La seule chose que la jeune femme désirait, c'était savoir ce qui s'était passé. Et je me sentais incapable de revivre le terrible évènement de la veille. Pourtant, je compris vite que je n'avais pas le choix.

— Je l'ai entendue hurler. J'ai voulu sortir l'aider après avoir reconnu sa voix, mais mon patron ne m'a pas laissée sortir, prétextant qu'il m'aurait virée, mentis-je d'une voix monotone en dissimulant mes mains moites sous mes genoux.

— Heureusement que tu n'es pas sortie, Kylie, me dit Laura entre deux reniflements qui me donnaient envie de la faire sortir de chez moi.

Je savais pertinemment que ce que je ressentais était particulièrement égoïste, mais à vrai dire, je n'avais aucune envie de me retrouver face à toutes les personnes qui pleuraient pour Kat. Car ils n'avaient pas assisté aux horreurs de sa Cueillette, n'avaient pas eu à ressentir cet étouffant sentiment d'impuissance en voyant cet odieux Calvin l'embarquer de force...

Plusieurs jours passèrent ensuite, au cours desquels je me soumis à ma routine. Rester occupée empêchait mon cerveau de dériver vers des souvenirs trop sombres. Et me focaliser sur les gens que j'aimais me permettait de chasser les idées noires qui s'invitaient dans mon esprit depuis la Cueillette de Kat. Cependant, mon confortable quotidien ne tarda pas à être bafoué.

— Kylie, me dit un jour Daniel tandis que ses yeux fatigués balayaient une rangée de perles fixées sur un somptueux bracelet de cheville. J'ai une mission pour toi.