Chapitre 1

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Debout devant son chevalet, Harry fixe d'un œil absent la toile vierge qui se dresse face à lui. Il la regarde, son pinceau dans une main, un joint dans l'autre. Il attend que vienne l'inspiration, de voir des formes, une idée germer dans son esprit. Mais après des heures, tout ce qu'il voit, c'est une toile blanche. Déçu, frustré, il fini par jeter son pinceau avec les autres, détourne finalement le regard en rallumant le joint qui s'est éteint entre ses doigts fins, le porte à ses lèvres pour profiter de la fumée capitonnée qui envahi sa bouche, sa gorge et ses poumons. D'un pas décidé, il sort de son atelier, traverse l'appartement pour sortir sur la petite terrasse de laquelle il peut voir la ville s'étendre sous ses yeux.

Il y a quelques années, alors que lui et Louis cherchaient à vivre ensemble, Harry est tombé amoureux de cet appartement, de la vue, des poutres apparentes, de la verrière qui inonde de lumière son atelier et la salle de bain. Il aime entendre la pluie claquer contre le verre, la chaleur qui le prend au corps à chaque fois qu'il ouvre la porte de son atelier ou qu'il sort de la douche. Et même si Louis était récalcitrant au début, il a fini par céder malgré les températures torrides qu'ils peuvent subir en été, les cinq étages à monter chaque jour et l'espace restreint par la charpente du toit. Il a cédé en voyant l'enthousiasme dans les yeux de son amant, en l'entendant se projeter. Et s'il a réussi à réaliser la plupart de ses rêves, Harry désespère de voir le plus grand de tous se réaliser.

Proche d'un nouveau coup de blues, il ravale ses larmes et écrase dans un cendrier son joint en entendant la porte de l'appartement s'ouvrir à quelques mètres. Et malgré lui, l'angoisse qu'il a tenté d'ignorer, de chasser toute la journée revient l'assaillir de plus belle, le prend au corps et le cloue au sol, le laisse incapable de faire un pas, de détourner les yeux de la mer entrain de s'agiter à l'horizon.

''-Hey.

-Hey...''

Il ne se retourne pas, retient toujours plus les larmes qui s'accumulent dans ses yeux en sentant le torse de Louis se coller à son dos, ses mains qui se faufilent autour de sa taille, sa tête qui se pose sur son épaule, et son souffle chaud qui vient caresser son cou.

''-Tu es prêt?''

Non, il ne l'est pas. Il est terrorisé. Et si le médecin lui disait que c'est de sa faute s'il n'arrive pas à tomber enceinte? Et s'il lui disait que c'est trop tard, qu'il a raté sa chance d'être parent? S'il lui disait que ce qu'il a fait il a plus de dix ans en est la cause? Il n'a qu'une seule façon de le savoir.

"-Oui. On peut y aller.''

Quelques minutes plus tard, ils se retrouvent tous les deux en voiture. Le trajet est silencieux, pesant de non-dits et d'angoisses que ni l'un ni l'autre ne veulent partager. Chacun de leur côté, ils imaginent le pire, envisagent tous les scénarios. Et si après toutes ces années, l'un d'eux était vraiment devenu stérile? Et s'ils avaient vraiment loupé le coche?

C'est sur cette pensée terrifiante que Louis gare la voiture sur le parking du centre de fertilité où ils ont rendez-vous. Avec un soupir, il coupe le contact. Et quelques secondes plus tard, ils sortent tous les deux sans un mot, sans un regard. Ils ne veulent pas partager leurs angoisses, les laisser voir à l'autre. Malgré tout, lorsqu'ils se rejoignent devant la voiture, c'est sans hésitation que Louis glisse sa main dans celle d'Harry, entrelace ses doigts aux siens, écrase sa paume contre la sienne.

Et c'est en attirant les regards curieux qu'ils entrent dans la clinique, demandent leur chemin à une infirmière qui se retient de dire quoi que ce soit, les suit du regard jusqu'à ce qu'ils entrent dans la cage d'escalier de laquelle ils ressortent, deux étages plus haut.

Peins moi une belle histoire (LARRY STYLINSON MPREG) TERMINÉEWhere stories live. Discover now