J'étais donc une Ravenswood. Je savais à présent où est-ce que j'avais déjà vu le portrait de Mélanie Ravenswood. C'était il y a bien longtemps, lorsque j'étais petite. J'étais chez ma grand-mère, et nous étions dans le grenier. Je fouillais dans tous les cartons et j'avais trouvé un gros album photo endommagé. J'avais ouvert une page un peu au hasard lorsque je suis tombée sur la photo d'un tableau avec une femme en robe de mariée, souriante. Ça m'avait beaucoup marqué car ma grand-mère avait accouru vers moi en hurlant de ranger tout de suite cet album et elle m'avait privée de dessert pour avoir fouillé dans ce qui ne me regardait pas. Et elle devait être vraiment en colère, car ce n'était pas son genre de me crier dessus.
D'ailleurs, j'y pensais, si ma grand-mère n'avait pas voulu que je touche ces photos, elle était peut-être au courant pour l'origine de notre famille ! Mais pourquoi me l'avoir caché ?
J'ai attrapé mon téléphone, en espérant avoir du réseau et de la batterie. Je n'avais qu'une barre, mais, j'ai quand même tenté ma chance... J'ai composé le numéro de ma grand-mère et j'ai porté mon appareil à mon oreille. Je croisais les doigts, en espérant que le téléphone veuille bien capter.
Après quelques secondes, mon téléphone a sonné. Il ne restait plus qu'à ce que ma grand-mère réponde.
— Allô ?
— Mamie, ai-je dit fermement en cachant mon soulagement en l'entendant, je ne veux que la vérité. Je suis une Ravenswood pas vrai ?
Ma grand-mère n'a plus répondu pendant une dizaine de secondes. Elle le savait. Elle le savait et elle me l'avait caché.
— Comment l'as tu su ? Je suis la seule à le savoir ! Je savais que votre emménagement à Thunder Mesa, cette maudite ville, ne vous attirerait que des ennuis !
— Arrête mamie ! Tu ne fais qu'empirer les choses.
— Chérie, je ne voulais pas vous mettre en danger avec toute cette histoire toi et les enfants ...
— Pourquoi tu ne nous l'as pas dit, l'ai-je coupée, tu sais, je ne pense pas que nous avoir avoué d'où venait notre famille nous aurait mis en danger.
— Ma grand-mère, a-t-elle expliqué, Marianne, ne l'a révélé qu'à moi. J'étais comme toi, curieuse, et j'étais tombée sur l'album photo de la famille. Elle ne l'a même pas expliqué à sa propre fille. Elle ne voulait plus entendre parler de cette ville. Elle ne voulait plus y retourner.
Sans vraiment écouter ce qu'elle disait, j'ai lâché mon téléphone qui est tombé par terre dans un bruit sourd. Je venais de réentendre le chant envoutant qui m'avait réveillé plus d'une fois au cours des nuits. J'ai couru vers celui-ci, en laissant les " Allô " de ma grand-mère loin derrière moi.
Les chants étaient de plus en plus forts, et c'est lorsque je suis arrivée devant une grande porte, qu'ils se sont arrêtés. Je l'ai ouverte sans faire de bruit, et ce que j'ai vu m'a horrifié. Cette vison allait rester dans mon esprit toute ma vie. C'était encore pire que le corps éventré de Barry Claude, le premier prétendant de Mélanie. Encore plus horrible que lorsque j'ai vu son premier fiancé se faire trancher de manière sanguinolente juste devant moi. Pire que le corps de Mme. Evers pendu dans le vide et sans vie.
Ma fille, dans une robe de mariée bien trop grande pour elle, flottait dans l'air en me regardant sans jamais cligner des yeux. Elle était entourée d'une lueur blanche, fantomatique. Elle s'est rapprochée m'a adressé un grand sourire, et a prit la parole.
— Vous êtes Gwenda ? C'est un plaisir de vous rencontrer, nous vous attendions depuis bien longtemps.
J'en étais sûre et certaine, à sa façon de parler, à la robe de mariée et à la lueur blanche, c'était Mélanie Ravenswood.
— Mélanie ! Qu'avez-vous fait à ma fille ?
Mélanie, ou plutôt ma fille, m'a regardée de manière bienveillante avant de m'expliquer :
— Je suis obligée de prendre le corps de votre fille. Henry, mon père, était en train de la tuer. Mais je l'ai possédée et je me suis enfuie. D'ailleurs, elle est blessée. Il faut trouver un moyen de la soigner.
— Comment ça blessée, me suis-je affolée.
Mélanie a tendu le bras de ma fille. Son poignet pendait vers le bas.
— Il lui a cassé le poignet, ai-je chuchoté les larmes montant aux yeux.
Cette fois si était celle de trop. Je me suis lancée sur elle, comme une lionne, et j'ai ramené ma fille contre moi.
— Vous êtes tous des malades mentaux ici, ai-je pleuré.
Une lueur blanche s'est échappée de ma fille puis est allée se réfugier dans la glace d'une coiffeuse derrière moi. Je me suis retournée et j'ai vu le doux visage pâle et symétrique de Mélanie. De beaux cheveux roux, de grands yeux bleus et un petit nez. Elle était magnifique. Mais elle n'était plus qu'une âme errante. Ma fille, toujours dans mes bras, s'est tranquillement réveillée.
— Maman, a-t-elle crié en voyant le miroir, c'est elle Mélanie ! C'est elle !
En guise de réponse, je lui ai passé une main dans ses cheveux comme j'aimais bien le faire.
— Gwenda, nous vous avons tellement attendu, a répété Mélanie.
— C'est vous qui m'avez emmené jusqu'ici ? dis-je en sentant la colère monter. En chantant non ? C'est à cause de vous que j'étais sans cesse attirée par le manoir ? Avouez !
— Oui, et non, a-t-elle hésité. C'est bien moi qui chantait, mais, c'est la prophétie qui vous a attirée...
— C'est vous qui m'avez emmené jusqu'ici, ce qui a provoqué la mort de Mme. Evers, que mon fils est introuvable, et que ma fille est... Attendez ? Une prophétie ? Comment ça ?
— Vous êtes la descendante.
— Tout le monde me répète ça, ai-je crié hors de moi, mais personne ne veut m'expliquer de quoi il s'agit !
— Eh bien, Mme. Leota avait prédit votre arrivée, m'a-t-elle révélé. Vous devez libérer le manoir de l'emprise de mon père, et me libérer moi et les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf autres fantômes aussi. Je vous en prie. Aidez-nous.
Je voyais bien qu'elle était à deux doigts de pleurer. Mais, je ne parlais après tout qu'au reflet d'un fantôme se nichant dans un miroir !
— Vous devez tuer mon père, a-t-elle dit dans un éclat de sanglots.
Cette phrase était peu commune... Et sûrement très dure à dire. Demander de tuer son propre père...
— Bien qu'il soit déjà mort, son esprit hante toujours ces lieux.
— Pourquoi devrais-je le faire ? Pour vous aider ? Je ne sais toujours pas où est mon fils !
Elle a soupiré.
— Je suis vraiment désolée pour ça... Je sais où il se trouve.
— Ah oui, ai-je retoqué.
— Il est avec mon père. J'en suis vraiment désolée, a-t-elle dit en recommençant de pleurer de plus belle. Je ne sais pas ce qu'il manigance en ce moment ! Quelque chose d'horrible, j'en suis sûre !
Elle parlait sincèrement. Fallait-il que j'accepte ? De toute manière il fallait que je lui récupère mon garçon. Peut-être qu'après l'avoir exterminé, je pourrais m'installer ici avec mes deux enfants, après avoir remis à neuf le manoir. Car il était mon héritage. L'héritage des Ravenswood.
— Je vais le tuer.
Mélanie a affiché un sourire triste et m'a soufflé " merci ".
— Nous allons nous débarrasser du Phantom ai-je dit audacieuse. Nous allons nous débrasser d'Henry Ravenswood, ce monstre qui aura détruit sa famille toute entière, et sur plusieurs générations. Nous allons le faire disparaitre une bonne fois pour toutes.