Cette soirée là, j'invite les michtonneuses à se faire belles
Pour nous retourner la tête, les mythos se creusent la cervelle
Je pète un spliff en balle, je guette ta miss en bas et talons
Toutes les bitches en bavent car toute ma clique sont des braves étalons
La Danse de l'Homme Saoul
Mes mains glissent dans ses cheveux, sa tête posée sur mes genoux et tournée vers la télévision bien que ses yeux soient fermés. Il m'a forcé à mettre Gangs of New-York, alors qu'il ne regarde même pas le film. J'ai fait la nana qui ne voulait pas le regarder mais en réalité ce film reste une de mes références.
-Comment est-ce qu'on gère ce soir, je demande sortant le jeune homme de ses pensées.
Ses yeux s'ouvrent sous l'incompréhension que provoque ma question chez lui. J'avoue que j'aurais pû être plus précise.
-Pour ce soir, Moh et Inès dans la même pièce.
Hier, j'ai bloqué l'accès à mon appartement pour avoir une soirée tranquille avec Ken. Comme je ne suis pas une meuf relou et que les gars sont glués les uns aux autres depuis des années, je me dois leur ouvrir les portes de mon humble demeure ce soir.
Appréhender est un mot bien trop faible pour exprimer ce que je ressens à la pensée de la soirée qui s'annonce.
Le point positif, c'est qu'Alice est MIA depuis ce qu'on va appeler l'incident. Il n'y a donc aucune chance pour qu'elle passe à l'improviste. Je la soupçonne d'avoir un peu honte de son comportement. En même temps... Vous me diriez. Mais chez elle, c'est un grand pas dans la bonne direction.
-Moi, je vais rien gérer du tout, ils se démerdent c'est leurs histoires.
Merci pour le soutiens bro, je me sens beaucoup mieux tout d'un coup.
Je lève les yeux au ciel, alors qu'il pose mes mains sur ses tempes. Je réponds à la demande silencieuse, en commençant à dessiner de petits cercles dessus.
C'est pas hyper sympa mais je suis bien contente de ne pas être au centre des tensions du groupe pour une fois. Je vais pouvoir étaler mon bonheur au yeux de tous.
Mais contrairement à Ken, je ne peux pas me contenter de ne « rien gérer du tout ». M'assurer que tout le monde va bien, que tout le monde est heureux, c'est un peu ma mission dans la vie. Et puis je ne crois pas qu'il ne réalise pas le drame sur le point de se dérouler. Inès, ce n'est pas moi, elle ne va pas se contenter de l'éviter et de faire comme si de rien n'était. Connaissant la jeune femme, elle va tout faire pour le pourrir jusqu'à ce qu'il en vienne à regretter sa qualité d'homme. Voir, le jour de sa naissance.
Je suis d'ailleurs intimement convaincu qu'elle a mis en place la première phase de son plan, en me demandant si elle pouvait venir avec un « ami ».
-Elle vient avec un pote, je reprends tentant d'obtenir une meilleure réaction. Tu sais les amis d'Inès, au choix bardés de diplômes ou mannequins.
Mon regard tombe dans celui de Ken. Pendant un instant, je m'y perds, oubliant la conversation que nous avons.
-Et bah tant pis pour Moh, il avait qu'à pas merder. De toute manière, il se fait plus de mal à lui qu'à elle, crois-moi.
-Dawn, elle s'est barrée où ta compassion pour ton meilleur pote ?
Il se redresse brusquement et s'installe plus correctement dans le canapé.
-Tu crois qu'il a eu de la compassion pour moi, quand j'ai merdé avec toi ? Et puis même, Inès est parfaite. C'est le genre de meuf si elle fait l'honneur de s'intéresser à toi tu là repousses pas. Surtout pas aussi salement, et avec l'autre conne.
C'est marrant de voir à quel point il adore Inès, mais ne peut pas s'encadrer Alice. Et malgré tout l'amour que je porte à la seconde, je suis obligée de donner raison à Ken. Sa manière un peu arbitraire de voir les choses, ne l'empêche pas d'être dans le vrai. Comme tous les mecs du crew, il a une vision très précise de ce qu'est une fille bien. Inès coche toutes les cases une centaine de fois.
Je pourrais me sentir inquiétée mais ce n'est pas le cas.
Déjà, on fait difficilement plus droit qu'Inès. Ensuite, on peut pas comparer l'incomparable, elle a trois levels de plus que moi.
Inès a eu et a une vie parfaite de petite fille de classe moyenne supérieur. Papa avocat, maman médecin. Seule fille dans une fratrie de cinq. La petite princesse de la maison. Le monde qui l'entoure la couvre d'attention depuis sa naissance. Inès, c'est la messe tous les dimanches, les bénédicités avant chaque repas et les chapelets avant d'aller au lit. Mais c'est surtout une tolérance à toute épreuve. Je suis juste fière d'être son amie. Et quelque part, c'est logique, on ne fait pas une vraie amitié sans un peu d'admiration.
Et c'est ce que Ken comme moi ressent pour elle. C'est notre curseur moral.
-Et si tu crois qu'il t'a épargné, pendant l'histoire avec Mekra, tu rêves.
Ça pique. Je m'en étais doutée avec la pique qu'il m'a lancé devant la boite l'autre jour. Mais, je ne pensais pas que c'était au point que Ken puisse me le ressortir. Je n'ai rien dit à Moh après coup, parce que je ne dis jamais rien. Je ne voulais pas faire de vagues, après tout le drame de la soirée. Peut-être que j'aurais dû.
-Il a dit quoi ?
-Rien de ouf
-Ken.
-Crois-moi, tu veux pas savoir, c'était pas glorieux. Il critique ton comportement avec Mekra, mais il fait ce genre de truc avec Alice ? Il mérite pas ta compassion non plus. Il fait genre il s'en fout d'Inès alors qu'il la kiffe trop. C'est tant pis pour lui. Alors si elle veut venir avec un mannequin, dit lui d'en ramener deux.
Si Ken était une femme, j'aurais plaidé le girl power. Je le plaide quand même, j'aime l'idée que mon mec soit féministe.
-T'es sexy quand tu t'agace comme ça, je dis avant de déposer un baiser sur ses lèvres.
-Tu vas où, il demande alors que je me relève.
-J'ai besoin d'un glam up, si y a des mannequins qui débarquent ici.
Je sors du salon, pour me rendre dans la salle de bain Ken sur les talons. Son regard pétille, il hésite entre rigoler et s'agacer face à ma blague. Alors je fais comme si de rien n'était. Je commence à sortir tout mon matériel de petite meuf un peu trop superficiel.
-Tu vas vraiment faire ça ? Le fond de teint, toutes tes poudres, les faux cils, il en attrapant la boite et en la soulevant devant ses yeux.
-Je vais même mettre les lentilles.
-Tu détestes mettre tes lentilles, il murmure en grattant la peinture s'écaillant au niveau du pas de la porte. Tu fais jamais autant d'effort pour moi, mais des mannequins débarquent et plus rien t'arrête, il dit d'une petite voix.
C'est sa manière de m'amadouer. Pour que justement, je fasse l'effort la prochaine fois. C'est débile parce qu'il sera là, c'est pas comme si j'allais la passer sans lui cette soirée.
-Mais j'achète de la lingerie que pour toi, je réponds en lui jetant un regard de côté.
-J'espère bien.
Son visage se durcit en une fraction de seconde :
-Je ne supporterais pas que tu me trompes, sa voix et à l'image de son visage, dur. Si ça devait arriver, y aurait pas de retour en arrière. Je pourrais jamais te le pardonner.
La confession est aussi une mise en garde. Elle n'a pas lieu d'être. Pourtant, elle semble le rassurer. Si je me loupe, je ne pourrai m'en prendre qu'à moi-même.
-Parce que tu crois que je pourrais te le pardonner ?
Il hausse les épaules. C'est également une mise en garde. La seule ligne qu'il ne doit pas franchir. Sauf qu'en réalité, je lui ai déjà tellement tout pardonné, que je ne suis pas sûr d'être capable de m'y tenir. La pensée me fait peur. Je ne veux pas être cette meuf qui reste malgré les infidélités de son mec, parce que trop amoureuse pour réaliser que sa relation court à l'échec.
-Je comprends pas pourquoi tu mets toutes ces merdes sur ton visage, t'es très bien sans.
-Mmmh cette disquette spéciale Nekfeu. Tu sais qu'on couche déjà ensemble t'as pas besoin d'en faire autant ? Par contre, tu peux continuer ça fait du bien à mon ego.
L'atmosphère se détend, le sourire sur son visage est charmant.
-T'as remarqué que tu m'appelles Nekfeu que quand tu te fous de ma gueule.
-C'est pour ça que je t'appelle Nekfeu aussi souvent.
-C'est ça moque toi de moi.
-Me foutre de ta gueule est une source de plaisir inépuisable dans ma vie.
Je ricane sous son regard dépité. Oui me moquer de lui est une source inépuisable de joie. On ne peut pas faire plus vrai comme affirmation. Il m'embête encore quelques minutes avant de me laisser, finir de me préparer. J'ai à peine le temps d'enfiler un jean que la porte d'entrer s'ouvre avec les rires de 2zer.
Il n'est pas seul. Mon salon est empli de la présence des garçons ainsi que de Cheryl. Sa présence m'étonne un instant. Elle ne vient jamais à nos soirées. Je trouvais ça étrange jusqu'à ce que Théo ne soulève l'évidence. Nous sommes ses potes, pas ceux de sa femme. Ça ne l'empêche pas de nous apprécier. À petite dose. Très petite dose.
Je suis frappée par l'harmonie entre les deux. Ils se complètent de la manière la plus évidente qui soit. Elle, aussi calme qu'il est agité, aussi réservée qu'il est extravertie. Elle le couve du regard comme une maman ours face à ses petits, prête à bondir au moindre problème. Et il fait tout pour l'impressionner. Il est plus drôle quand elle est là. Comme s'il mettait toutes les chances de son côté pour qu'elle tombe amoureuse de lui une nouvelle foi, tous les jours.
-Dinah, elle s'exclame en me voyant arriver.
-T'as vu, je suis venu avec ma femme, intervient le jeune homme en passant un bras par-dessus mes épaules.
-Mais oui, je vois ça Zerzer
Doums entre à son tour dans l'appartement, et je saisis l'occasion pour enfin sortir la vanne que je prépare depuis des jours. M'approchant de mes enceintes, je connecte en Bluetooth mon téléphone et lance Partir un jour des 2 be 3.
-Les 2 be 5 au complet dans mon salon, je ponctue ma phrase du cri strident de ma groupie intérieure. Partir un jour sans retour, effacer notre amour, sans se retourner ne pas regretter. Garder les instants qu'on a volés, j'improvise une petite danse jusqu'à exploser de rire, quand Fram me pousse pour que je tombe dans le canapé.
-Tu sais même pas chanter, il ajoute en récupérant mon téléphone, pour changer la chanson.
-Elle vous a quand même grave clashé, répond Cheryl prenant ma défense.
J'aimerais pour rajouter quelque chose, mais je suis incapable de contrôle les rires qui secouent mon corps, alors que l'image de Mekra réalisant une chorégraphie de boys band m'apparait à nouveau à l'esprit.
Même dans dix ans, cette blague sera toujours drôle.
-Mais Cheryl t'es censée me défendre quand quelqu'un se moque de moi, s'exclame 2zer en se tournant vers sa femme.
-T'aimerais.
Le conflit entre les deux amoureux est désamorcé part la porte d'entrée s'ouvrant sur Sneazz, Eff Gee, Deen et Alpha. Je me redresse et leur dis rapidement bonjour. Avant de partir à la recherche de Fram toujours en possession de mon téléphone.
Mon appartement, mes playlists. Genre, je vais le laisser choisir. Il rêve.
Je le retrouve dans la cuisine, une bière à la main, scrollant mon téléphone. Je m'approche de lui et réalise qu'il est sur mes dm instagram.
-T'as vu que la folle à commencer à te suivre.
-Tu rigoles ?
-Non trop pas. Elle t'a envoyé un dm.
Il me tend mon téléphone que j'attrape. Effectivement, elle m'a retrouvé sur instagram. Je veux même pas savoir comment elle a fait. Si mon compte est public, je ne suis aucun des comptes publics des garçons et réciproquement. Ils ne me suivent que par leur compte secret, réservé à la famille et aux amis en plus d'être privé au cas où.
Le dm n'est pas glorieux. À base d'insulte et de vieille photo d'eux ensemble. Elle est vraiment pas nette. Elle veut que j'en fasse quoi de ces photos ? Est-ce que ça me fait plaisir ? Non. Est-ce que ça m'énerve ? Non plus. Mais ça devient pénible. Je perds pas un instant pour la bloquer. J'ai pas son temps à cette meuf
-Comment elle a fait pour me retrouver ?
-Je crois que Sneazz la suit sur son compte secret. Laisse tomber, elle est tarée.
Confirmant ses propos en roulant des yeux avant de lancer une de mes playlists. Oui, parce que je suis venu pour ça à la base.
Je pose quelques questions à Fram sur la tournée. L'excitation dans son regard me fait plaisir. Apparemment tout se passe hyper bien. Le public et hyper réactif, ils mettent le feu sur scène. Il a hâte de repartir.
-C'est là que tu te caches.
Inès entre dans la cuisine. Je me glisse dans ses bras pour lui dire bonjour. Quand je me redresse, je tombe sur le regard vert d'un charme jeune homme 1 mètre 85 blond, les yeux verts, le teint bronzé. Une bombe. Une vraie bombe. Genre mannequin pour Dior. Ce qu'il est d'ailleurs.
Je suis contre l'objectivisation de la femme, donc je suis contre l'objectivisation de l'homme. Je suis sûr qu'il est bien plus que son physique. Mais putain ce qu'il est canon.
-Dinah, je te présente Tom. Il est à Paris quelques jours pour un shooting.
On se fait la bise et là le mec me trucide en m'annonçant avec un accent du turfu qu'il ne parle pas très bien français.
-Where do you come from ? Je demande avec mon meilleur accent anglais.
-Australia
J'aurais du m'en douter. Personne n'a ce genre de bronzage, en vivant sur Paris au mois de février. Inès finit par l'emmener dans le salon pour lui préparer un verre.
-Je suis à deux doigts de lui demander d'épouser et de me faire trois gamins, je dis à Framal en rigolant.
-Tu te rappelles que ton mec, c'est mon meilleur pote ?
-Quel mec ?
-Celui qui va te téje si tu continues comme ça.
-C'est bon, je lui ai demandé d'où il venait, je lui ai pas taillé une pipe.
-Je sais, mais Ken le verra pas comme ça. Tu sais comment il est jaloux, joue pas avec le feu.
Il a raison. Ça m'emmerde de l'admettre, mais Fram a raison. Sauf que ça me frustre. Je suis pas une petite conne, je franchirais jamais de les limites qu'on s'est fixées. Mais j'ai quand même le droit de parler à un mec et faire des vannes sur son physique avantageux. Surtout, que c'est pas vraiment un secret. Le mec vient d'Australie. À quel point il doit être quotté pour qu'il vienne jusqu'à Paris pour un shooting ?
Comme pour me déculpabiliser, je passe du temps avec Ken. Par principe, lorsqu'on est ensemble en soirée, on fait chacun nos vies de notre côté. Mais ce soir, on ne se quitte pas. Littéralement, assis côte à côte sur le canapé, ma jambe est passée par-dessus la sienne, alors que nos bras sont entremêlés.
-Sois pas jalouse, murmure Ken à mon oreille alors que mon regard ne se décolle pas de Deen.
-Je suis pas jalouse, je réponds sans y croire. Je le laisse à sa bromance.
Quand Eff Gee est là, le petit gars du sud n'a plus de temps pour moi. C'est comme si je n'existais pas. Je soupire de manière exagérée, ce qui fait rire Ken.
-Pourquoi tu vas pas parler à Framal ? Vivre ta propre bromance ?
-Il est tellement pas drôle en ce moment
-Toi aussi, t'as remarqué
-Je me cherche un bro en CDD
-Bah, tu peux faire une croix sur Deen, Eff Gee lâchera jamais sa place. Mais je crois que Sneazz est dispo.
-Mais moi, j'aime l'accent du sud, c'est comme être en vacances.
Ses lèvres se posent sur lui miennes, je réponds à son baisé alors que sa langue se glisse dans ma bouche. Je soupire d'aise. Je suis sur le point d'approfondir l'échange lorsque une claque dans mon dos attire mon attention.
-Hey sexy mama, laisse la bouche de Nek tranquille, il en a encore besoin pour vivre, s'exclame Doums, en déposant une nouvelle claque mais cette fois sur mon front.
-Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de me faire victimiser ?
-Peut-être parce que t'es une victime, répond Fram en déposant la même tape que Doums sur mon front.
En représailles, je donne un coup de pied sur son tibia. Il sautille de douleur et passe à deux doigts de renverser la table base. Je ricane, me moquant ostensiblement de sa douleur. Ken pose l'un de ses mains sur ma bouche pour me faire taire.
-Chut, c'est sur le point de commencer, d'un coup de tête, il m'indique une direction.
Moh vient de se rapprocher manière stratégique en direction d'Inès. La jeune femme est en pleine conversation avec le mannequin australien. D'ici, je peux entendre son rire est un peu forcée, je peux voir son corps se tendre. Elle a repéré Moh.
-Non, j'crois pas, elle intervint alors qu'il est sur le point de dire quelque chose. Fait demi-tour et ne me regarde même pas.
-Inès, je veux juste te parler, il tente pour adoucir la jeune femme.
-Tu crois que tu peux baiser Alice est revenir vers moi en moonwalk ?
-Mais on n'est pas ensemble.
-Yeah, je l'ai bien compris. Mais on n'est pas ami non plus. Donc revient dans trois vies peut-être que tu m'intéresseras à nouveau.
Comme tout le monde s'intéressait à la conversation entre les deux, il y a une sorte de silence mal aisant qui s'installe à la fin de la réplique de la jeune femme. Tout le monde observe Moh dans l'attente de sa réaction. J'espère qu'il ne va pas réagir. Peu importe ce qu'il veut de la jeune femme il ne l'obtiendra pas aujourd'hui.
-Victoire par K.O Inès Itondo, s'exclame Doums.
Les gars s'esclaffent alors que Moh sort sur le balcon. Retenant mon propre rire, je me dégage de Ken pour rejoindre le jeune homme. J'enfile une paire de basket pour me protéger du froid avant d'attraper mon paquet de cigarettes.
-Elle a dit qu'elle m'aimait, il commence sans préambule.
Son regard est fixé au travers de la baie vitrée sur la jeune femme flirtant avec son mannequin australien.
J'allume ma cigarette et tire dessus tout en observant mon ami. Les traits de son visage sont tirés. C'est étrange de le voir, sans un sourire au visage. Sans la lueur dans son regard. Parmi tout les garçons, Moh, c'est le plus ouvert, le plus facile à vivre. Celui qui use de son humour comme de l'air qu'il respire.
-Elle devait beaucoup m'aimer regarde-la.
-Fait pas ça, je commence en m'installant juste à côté de lui. Aimer quelqu'un et se sentir désirer sont des choses totalement différentes. Après l'avoir repoussé comme tu l'as fait, tu ne peux pas lui reproché de vouloir se sentir désirer.
Il passe la main dans ses cheveux coupés très court. Il entend ce que je lui dis, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit prête à l'écouter.
-Elle veut pas me parler, je suis censé faire quoi ?
-J'ai un conseil, mais il n'est pas vraiment pour toi.
-Dit toujours.
-Si tu l'apprécie un minimum, peu importe la manière. Laisse-la tranquille. Pour de vrai. Tu as fait un choix, elle a le droit de passé à autre chose.
Il hésite. Il a quelque chose à me dire, mais il n'ose pas. Finalement, il prend une grande inspiration :
-Et si je suis plus si sûr que ça de mon choix ?
-Fait pas ça Moh, ça fait des semaines que tu racontes à tout le monde qu'Inès est sympa, mais que tu n'es pas prêt à être en couple, que tu préfères te concentrer sur ton rap. Viens pas me sortir le contraire juste parce qu'elle flirte avec un autre homme devant toi. Elle peut faire ce qu'elle veut, tu t'es assuré de ça. Maintenant, tu l'assumes.
La porte de la baie vitrée qui s'ouvre met fin à notre conversation. La tête d'Inès apparaît, rapidement suivit par son ami Tom. Moh a un mouvement de recul alors qu'instinctivement, je me place devant lui.
-On va y aller nous, commence Inès.
-It was so nice to meet you, poursuit Tom
Je secoue la tête positivement. Mes yeux sont ravis d'avoir rencontré Tom. Ça devrait être interdit d'être aussi beau. Ça rend tout le monde inconfortable. Je lui rends son sourire alors que je fais un bisou à Inès sur la joue qu'elle me tend.
-On se voit bientôt ma belle.
Dès qu'elle quitte le balcon, je me retourne vers Moh dont les mains cachent la totalité de son visage. Je réalise à quel point, j'ai de la chance, d'être tombée sur Ken. Malgré tous ses défauts et en premier lieu sa jalousie excessive. Il a toujours assumé les sentiments qu'il a pour moi. C'est parfois gênant d'ailleurs. Notamment, lorsqu'il me présente comme étant « sa femme » à qui veut bien l'entendre. J'ai la chance qu'il me dise à quel point, il m'aime tous les jours, parfois plusieurs fois par jour.
Je devrais plus l'apprécier. Ne pas le considérer comme acquis.
Encore plus que je suis face à l'état de Moh. Il est tellement incapable d'admettre qu'il puisse avoir des sentiments pour une fille qu'il se retrouve bloqué dans une telle situation. Ça et aussi la peur de l'engagement.
-J'crois que je vais rentrer chez moi, il finit par dire en entrant dans le salon.
Je suis sur le point de faire de même, mais Framal me devance en sortant. Je crois que je vais ouvrir une permanence sur ce balcon. Il y aurait un jingle sympa genre : Besoin d'un conseil love par Dinah Duval ? Passé sur son balcon après minuit. Avec une voix de meuf un peu sexy, genre téléphone rose.
-Askip je suis pas fun en ce moment ?
-Askip je suis pas la seule à l'avoir remarqué.
-Dinah, c'est pas marrant.
-Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
-J'ai pas besoin que tu me dises un truc, j'ai besoin que t'arrête d'être chelou. On s'est pas vu pendant trois semaines et tu viens pas me parler de la soirée.
Le soupir que je lâche vient du plus profond de mon corps. C'est un mélange d'agacement et de lassitude. Déjà il exagère parce qu'on a un peu parler. Et si je suis chelou avec lui c'est parce que je ne sais plus comment agir normalement. Pour lui, tout va bien, pour moi, c'est un type qu'à pas les couilles d'assumer son enfant à naître.
Étant adoptée, enfin adopté d'une certaine manière, je conçois pas qu'il ne puisse pas assumer un truc pareil. On fait difficilement plus lâche. Et c'est une contradiction parfaite avec l'image que j'ai de Framal. Fram n'est pas le genre de type à abandonner son enfant.
-Je sais que tu m'as demandé de ne rien dire, mais j'y arrive pas Fram. Cette histoire me bouffe. Je dois mentir à Ken tous les jours, pour toi. Ma relation avec lui est déjà hyper fragile. Comment est-ce qu'il va réagir quand il saura la vérité ? Quand il saura que je savais et que j'ai rien dit ? Alors oui, c'est égoïste de ma part de penser à ma relation avec Ken. Mais on a déjà tellement mangé et...
-Je sais, je sais, il s'approche de moi et me prend dans ses bras. J'ai juste besoin d'un peu plus de temps.
-Combien de temps ?
-Je sais pas, plus de temps. Donne-moi ça s'il te plaît.
Je secoue positivement la tête. Je pourrais jamais lui dire non. On finit par entrer à nouveau dans le salon. Le chaleur, les rires. Je me sens bien entourée de toutes ces personnes qui compte pour moi. J'accroche le regard de Mekra. Il me fuit. Depuis la soirée au parc des princes et ses déclarations sur ma relation avec Ken. Il a recommencé à m'éviter. Sauf que cette fois, je suis pas d'accord.
J'en ai marre des concessions. En tout cas, j'en ai marre de faire cette concession. Je ne vais pas à nouveau arrêter de parler à Mekra, parce que ma relation avec Ken se passe mieux. C'est mort. Mais alors vraiment mort.