Se réveiller d'un long coma. Comment expliquer ? C'est comme se réveiller d'une bonne nuit de sommeil. Reposée, en pleine forme, mais toujours un peu perdue. On ne se rend pas bien compte du temps durant lequel on est resté inconscient. Dans mon cas, ce fût trois mois. Mais je saute une étape, laissez-moi vous raconter mon réveil.
La première chose qui m'a frappée, c'était l'odeur de marijuana. Une odeur familière, puisqu'elle s'échappait régulièrement de la cellule de Jasper et de Monty, à l'Isolement. Au début, j'ai souris. J'ai ravalé ma salive avant de me redresser sur mon lit, toujours les yeux fermés. Il faut dire qu'après trois mois de sommeil, on a les paupières un peu collées. Bordel, si j'ai une conjonctivite à cause d'Allie et de ses conneries, je la balance à la mer.
J'eu de la peine à respirer au début, je ressenti une forte douleur au niveau de la poitrine, comme si mon cœur se tordait dans ma cage thoracique. Je me frotte les yeux, émergeant peu à peu de mon long sommeil. Puis je crois que mes oreilles se sont débouchées quand j'ai commencé à percevoir des sons étranges. Alors j'ouvre les yeux, brusquement soucieuse de l'endroit où je me trouve. Oh, je n'aurais pas dût ouvrir les yeux.
－ Oh putain, c'est les fesses de Monpt'itchou que j'vois là ? Je m'écrie en fermant les yeux de toutes mes forces.
Monty était de toute évidence bien occupé avec quelqu'un － pour tout vous dire, ça ne m'étonnerait pas si c'était Jasper qui lui tiendrait compagnie dans ce lit － et ils avaient choisis l'infirmerie. Pourquoi donc suis-je la seule patiente de l'infirmerie ? Où sont les autres ?
－ Koda, t'es réveillée !
－ Ouais, bah j'aurais aimé dormir encore un peu si ça pouvait m'éviter de me brûler les yeux.
－ Koda est de retour !
J'ouvre les yeux : Harper (totalement habillée Dieu merci) est prêt de mon lit et me souris. Elle me tend une main afin de m'aider à me lever. Mes jambes me font tellement mal, je ne sais même pas si je saurais encore comment m'en servir.
－ Si tu savais comme je suis content de te voir !
Une fois habillé, Monty nous a rejoint.
Il m'offre lui aussi son bras, de façon à ce que je puisse avoir le plus d'appui possible.
－ Un coup de peigne, ça te fera pas de mal ! Glousse Monty en observant mes cheveux.
－ Ta braguette est ouverte, p'tit malin.
Tandis que Monty remonte sa braguette, Harper m'aide à m'asseoir sur une chaise. Je crois reconnaître la salle des machines d'Arkadia, le havre de paix de Raven. Enfin, je crois surtout que travailler la surmène mais si cela peut la détendre... En parlant d'elle, je peux la voir de dos, tapant sur un clavier. Aux grands écrans, je reconnais ces écritures : elle ajuste un programme. Des souvenirs de la Station Méca...
－ Raven, Koda est debout !
Sauf que je peine à reconnaître la fille qui se retourne, un petit sourire faible mais soulagé sur le visage. Raven a l'air si fatiguée, poussée à bout ! D'énormes cernes noires encerclent ses yeux, son teint est si pâle et ses avant-bras tailladés et pleins de coupures. Aussitôt m'a-t-elle vu qu'elle se remet au travail. Je crois que cette fille-là n'est plus celle que j'ai connu.
－ Ne lui en veux pas. Raven est très occupée en ce moment, les autres sont dehors et toujours aucun signe de vie de leur part. M'explique Harper en voyant mon air si dépité.
－ Qu'est-ce qui se passe ?
Monty et Harper échangèrent un regard, comme si aucun de deux ne voulait la responsabilité de me l'annoncer.
－ Monty, va lui chercher de quoi manger. Je vais la ramener à l'infirmerie.
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Je dévore une espèce de pâte étrange recouverte de sucre. Harper a appelé ça une crêpe, si je ne me trompe pas. Quoi qu'il en soit, c'est délicieux. Je mange comme si je n'avais jamais rien avalé de ma vie. C'est lorsque Monty m'apporte un chocolat chaud qu'Harper me raconte toute l'histoire. Allie, la pastille, comment Raven et les autres ont su désactiver Allie... Mais je ne comprend toujours pas ce qui m'est arrivé. Il me reste des bribes de souvenirs, sans plus que ça.
－ Un jour, Murphy est revenu au camp avec toi. T'étais inconsciente depuis tellement longtemps, Abby a presque failli te déclarer morte.
－ Où est John ?
－ À Polis, avec les autres.
－ Alors je vais le rejoindre. Annonce-je en tentant de me lever.
Harper me force gentillement à me rasseoir. Je pouvais facilement lire l'étonnement sur son visage.
－ T'es cinglée ou quoi ? Abby me tuerait si elle savait que je t'ai seulement laissée quitter ton lit sans son avis. Et puis, tu ne sais même pas marcher sans l'aide de quelqu'un. Penses-y Koda, c'est débile comme idée.
－ T'a pas tort. Avoue-je, impuissante.
Harper me sourit tristement, compatissante. Sûrement connait-elle ce sentiment d'impuissance qui nous ronge lorsqu'une personne qu'on aime est en danger.
－ Il tient beaucoup à toi, tu sais ?
Ses mots me font frissonner. Mes jambes me démangent, j'aimerais tellement quitter Arkadia et rejoindre mes amis à Polis, le rejoindre.
－ Il passait te voir chaque fois qu'il le pouvait. Pas souvent, mais il le faisait. Et puis j'ai entendu dire qu'il était prisonnier à Polis ou je ne sais quoi.
Je détourne le regard de mon assiette, l'appétit soudainement coupé.
－ Alors, Marper. Depuis combien de temps ça dure ces galipettes dans l'infirmerie ? Ricane-je, tendant désespérément de détendre l'atmosphère.
－ Pas longtemps, me répond-elle d'un sourire radieux, pour ça Raven, Jasper et toi êtes les premiers à le savoir.
－ Jasper ?
Sans doute ai-je prononcé son nom trop fort, que ce dernier passe la tête par l'entrebaîllement de la porte. Son crâne est entièrement rasé à la militaire, ses yeux gonflés par les insomnies et son teint maladif. Que leur est-il arrivé à tous ?
－ On m'a appelé ?
Sa voix est traînante, dépourvue de son enthousiasme d'autrefois. Je savais qu'après la mort de Maya, Jasper était inconsolable. Seulement, j'avais espoir qu'il finisse par retrouver la paix. Qu'est-ce que je m'imaginais ? Après le Mont Weather, l'enfant qu'était Jasper Jordan ne reviendrait pas. Quelque chose en moi s'effondre à nouveau, comme lorsque Myles est mort, comme lorsque Charlotte est morte, comme lorsque Clarke a activé ce levier au Mont Weather.
－ Jasper !
J'essaie de me lever, mais mes jambes ont l'air de m'en vouloir de les avoir abandonnées pour trois mois et je n'arrive qu'à lui tomber dans les bras.
－ Faut se servir de ses jambes, Koda ! Plaisante-t-il.
Je le serre fort contre moi, mon visage plongé dans son tshirt. J'ai l'estomac noué, j'ai envie de pleurer, pleurer pour les enfants que nous étions et qui sont morts à cause de cette planète.
－ Putain Jasper, qu'est-ce qui t'es arrivé ? Demande-je, la voix étouffée.
－ J'ai arrêté de jaspiner, c'est tout.
Il plaisante avec tant de triste dans la voix.
－ Hé, j'ai Polis en ligne ! Ça vous dit de leur parler ?
Raven s'est glissée dans l'infirmerie discrètement tandis que Jasper et Harper m'aident à me rasseoir. Rapide, toujours en mouvement. Un peu comme une ombre. Pas de temps à perdre pour les génies.
－ Passe-moi ce truc ! Dis-je en tendant les mains vers le talkie-walkie comme une enfant.
Raven me lance la radio que j'attrappe au vol, puis disparaît aussi vite qu'elle est apparue. Que quelqu'un lui donne une pause avec qu'elle ne se tue à la tâche.
－ Allô, Raven ? Lance la voix de Clarke.
－ Non, c'est Koda. Tout le monde va bien ?
－ Physiquement oui, mentalement je n'en suis pas si sûre. Ravie de te savoir réveillée.
－ Est-ce que John est là ?
Les quelques secondes qui s'écoulent avant que le grésillement du talkie-walkie ne m'annonce la voix de Clarke me semblent comme des heures.
－ Je ne l'ai pas sous la main, non. Je ferais en sorte qu'on revienne vite, il sera si heureux de te savoir...
－ Merci Clarke, vraiment. Je te passe Harper.
Sous le regard désolé de mes deux amis, je passe brusquement la radio à Harper, qui s'empresse de prendre des nouvelles des Skaikrus présents à Polis. Je surprend des bribes de conversations : une guerre contre notre peuple peut être déclarée d'une seconde à l'autre, les natifs nous tenant pour responsable du massacre qui a eu lieu dans leurs rangs.
Lorsque Harper ramène le walkie-talkie à Raven, j'éclate en sanglot. Après trois longs mois de sommeil, je me réveille sans John à mes côtés. Au contraire, celui-ci est prisonnier d'une ville remplie de natifs prêts à le tuer pour un crime que ni lui, ni aucun Skaikru － enfin si, Jaha est en partie responsable de tout ce bordel － n'a commis. Harper me dit que c'est normal que je sois dans cet état, que j'avais besoin de repos. Comme si j'avais réellement besoin de dormir alors que je n'ai fais que ça pendant trois mois consécutifs.