－ Écoutez-vous, proclame Jasper, on a pas le temps de répondre aux questions mais on se tire d'ici. Préparez vos affaires.
－ Alors quoi, ils nous laissent nous en aller ? Ricane Miller.
Les quarante-sept autres de mes camarades se tiennent en cercle autoue du bigleux, qui semble être devenu le chef du groupe.
－ Ouais, et vaut mieux le faire avant qu'ils changent d'avis. Réplique-t-il d'un ton solennel.
－ Jasper, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Proteste une brune d'une voix geignarde.
－ Oh, ta gueule.
Je me lève du lit en grimaçant, le dos encore douloureux de mon séjour en cage. Je bouscule la fille au passage, la gratifiant d'un regard noir.
－ Ils ont fait que nous mentir depuis qu'on est ici. Tu veux finir comme Harper, Monty et moi ? Alors reste ici pouffiasse, c'est toi qui décide.
D'un côté, je la comprend. C'est difficile d'admettre qu'un foyer si accueillant s'avère être un abattoir pour les gens comme nous. Puis la réalité nous rattrappe et on se rend compte que ce confort était trop beau pour durer éternellement.
－ Elle a raison, approuve Monty, l'Arche est sur Terre et on est plus en sécurité ici. Faites ce qu'il vous dit.
C'est sur ces mots pleins de bon sens que chacun d'entre nous rassemble ses affaires. Moi, je n'ai rien à emporter. J'ai laissé mon mp3 dans la navette, mon seul trésor est perdu à jamais. Mon M16 doit également être resté à l'extérieur du Mont Weather. La seule chose que j'ai pu garder est la veste de John. Une vieille habitude me reprend. J'enfile sa veste et hume son parfum. Une rage sans limite me prend alors les entrailles. La veste a pris l'odeur de savon du Mont Weather. Je vais sortir de cette putain de montagne, et je vais aller retrouver John. Du moins, s'il est vivant.
Soudain, l'alarme se déclanche et les portes du dortoir se ferment. Pourtant, il n'y a aucune fuite radioactive. Le silence plane sur le dortoir. Nous savons tous que nous sommes pris au piège. Je me précipite sur les portes et donne des coups de poing sur la vitre ronde.
－ Ouvrez-moi c'est putain de porte ou je vous arrache les yeux bordel ! Je hurle, hystérique.
J'en ai assez d'être enfermée. J'en ai marre. D'abord l'Isolement, puis cette grotte où j'ai été prise au piège, le Mont Weather, les cages, ce dortoir... Je crois que j'en deviens claustrophobe.
＿＿＿＿＿＿
Jasper prétend avoir vu Bellamy. Comme les autres, je reste sceptique. C'est un peu difficile de croire à une éventuelle mission de secours, puisque si Harper, Monty et moi sommes encore de ce monde, c'est grâce à nos amis de l'intérieur. Si nous devons miser sur quelqu'un, c'est sur nous-mêmes.
Une nouvelle alarme retentit et les portes s'ouvrent sur une dizaine de soldats armés, le docteur Tsing à leur tête. Ils nous somment de reculer, et deux d'entre eux attrappent Harper.
－ Non, ne la touchez pas ! Proteste Monty.
Ces deux-là se sont beaucoup rapprochés, ces derniers jours. Je ne serais pas surprise qu'il y ait quelque chose entre eux.
－ Non, pas celle-là, ordonne Tsing, elle est encore en convalescence. Celui-là.
La doctoresse désigne un blond, que les gardes s'empressent d'emmener hors du dortoir.
－ Ça suffit, vous en pouvez pas continuer de nous faire ça ! Intervint Jasper.
La femme s'approche du bigleux, prête à écouter ce qu'il a à dire.
－ Le président Wallace a dit qu'on pouvait partir.
－ Oui, mais ce n'est plus ce Wallace-là qui commande. Il a dut laisser sa place pour raisons médicales. Je suis désolée que ça se passe comme ça. J'espère que vous savez à quel point vous êtes précieux à nos yeux.
Les soldats l'escortent jusqu'au couloir et les portes se referment derrière eux. Au risque de me répéter, cette occasion était trop belle pour être vraie.
Le lendemain, on a essayé une autre approche que la pacifique. On s'est battus, et comme des mauviettes. Sans armes, la plupart d'entre nous n'ont aucune force. C'est pourquoi j'ai cru Jasper lorsqu'il m'a montré le fusil. Bellamy est bel et bien ici, et c'est lui qui le lui a donné.
－ Il a dit qu'ils nous emmenaient un par un, et que la prochaine fois il faudra se battre pour de vrai.
－ Facile à dire, pour lui. On a rien d'autre que ce truc, réplique-je en désignant l'arme d'un signe de tête, on va plus tenir très longtemps s'il ne se bouge pas le cul.
Jasper pince les lèvres et détourne le regard. Je n'ai même pas pris le temps de le remercier comme il se doit, et de m'excuser de ces horreurs que je lui ai dites.
－ J'suis désolée, tête à claque. J'aurais pas dût te parler comme ça l'autre jour.
－ C'est pas grave, t'avait pas tort. Et puis surtout, t'avais peur. Les gens font des choses stupides lorsqu'ils ont peur.
C'est ce que j'avais dit à Myles. Je me suis levée du lit pour aider les autres. Certains arrachent des bouts de métal des lits superposés, d'autres cassent des trucs pour en récupérer les débris coupants. On s'arme comme on le peut pour que le lendemain, il n'y ai de victimes que de leur côté.
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Face à la porte, j'attend comme tout le monde que les gardes débarquent à nouveau. Cette fois-ci, ce sera différent d'hier.
－ Qu'est-ce qu'il fout, Bellamy ? Râle Miller, sur le qui-vive.
－ J'en sais rien. Admet Jasper.
－ Ils l'ont peut-être chopé ?
－ Ta gueule, Miller, réplique-je d'un ton sec, laisse lui une chance.
－ Jasper, ça va faire bientôt quatre heures qu'ils sont partis, ils vont bientôt revenir. Remarque Monty, tout aussi anxieux que les autres.
－ Et ils vont en prendre un de plus. Ajoute Harper.
Ils le poussent à bout. Jasper développe des capacités de leader, certes, mais il n'est pas prêt à affronter une situation pareille.
－ Non. Écoute-moi, écoutez-moi tous. On fait ce qu'on a prévu ! Il est hors de question qu'ils prennent quelqu'un d'autre dans cette pièce sans qu'on se soit battus !
Il a raison, on ne laissera pas faire ça. Au même moment, la sirène se déclanche de nouveau et tout le même cirque se répète. Les gardes débarquent, la doctoresse Lorelei Tsing en tête du groupe. Jasper, Monty, Harper, Miller et moi nous tenons par les bras, formant un bouclier humain autour de nos amis. La femme désigne Monty, et Jasper perd le contrôle de son propre plan. Il dégaine son arme et tire sur un des soldats qui retient Monty en otage. Malheureusement, ce geste n'arrête pas nos assaillants : notre ami est emmené, et Jasper continue à leur hurler de le lâcher. Il est trop tard, tête à claque.
－ Fouillez-les. Ordonne Tsing.
Bien entendu. Si Jasper à une arme, qu'avons nous d'autre dans notre sac ?
Les soldats s'exécutent pendant que quatre autres emmènent Jasper, suivi de Tsing. Un garde m'approche et je le gratifie d'un coup de pieds. Il me plaque au mur et me tient fermement par les épaules.
－ C'est moi, me souffle la voix de Bellamy.
Bellamy est vraiment ici. Je me retiens de lui sauter dans les bras sous l'émotion. Nos amis ne nous ont pas abandonnés.
－ Est-ce que John...
－ Oui, il est vivant. Écoute, tu vas devoir t'occuper des autres. Ok ? On va vous faire évader.
Il se dépêche de repartir avant les autres gardes. Je me précipite vers Harper qui peine à se relever.
－ J'ai vu Bellamy. L'informe-je.
Une fois mon amie debout, je m'adresse à toute la salle. En vérité, je ne sais pas quoi leur dire. Nous n'avond plus d'armes, et plus de plan si ce n'est d'attendre l'intervention de Bellamy.
－ Écoutez-tous !
Le signal d'alerte retentit de nouveau, mais aucun soldat ne fait irruption dans le dortoir. Je souris lorsque je comprend qu'il s'agit d'une fuite radioactive.
－ C'est Bellamy ! Proclame Miller, hilare.
Nous acclamons notre sauveur, bien qu'il ne peut nous entendre. Les portes se rouvrent, et nous quittons le dortoir. À peine dehors, Jasper nous rejoins.
－ C'est l'occasion qu'on attendait, l'étage est à nous ! Monty, occupe toi des caméras ! Miller et Koda, récupérez leurs armes !
Tsing rampe jusqu'à l'ascenceur, le visage brûlé par l'air. Je n'ai même pas le temps de l'avertir que Jasper bloque déjà la porte de l'appareil, armé d'un bâton métallique. Monty, Harper, Miller et moi le rejoignons et nous postons à ses côtés.
－ Non, faites pas ça... nous supplie-t-elle.
－ J'espère que vous savez à quel point vous êtes précieuse à nos yeux. Dit Jasper en guise de réponse.
La doctoresse pousse un long hurlement de douleur pendant que son corps fond sous la radioactivité.