Koï

بواسطة VMManseau

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Kenji Larose-Maeda a toujours détesté le 1er avril, mais cette année, ça pourrait bien changer. Parce que ce... المزيد

Avant-propos
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9

Chapitre 10

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بواسطة VMManseau

Vendredi après-midi, après ce fameux baiser sur ma joue, Zoé a tourné les talons si rapidement que j'ai bien failli la laisser partir sans rien dire — trop étonné par son geste. Sans réfléchir, et presque en criant parce qu'elle s'éloignait, je lui ai demandé si elle voulait qu'on dîne ensemble la semaine prochaine. J'ai bien cru qu'elle refuserait de but en blanc quand elle a mordillé sa lèvre inférieure, mais en fin de compte, elle m'a plutôt demandé si je verrais un inconvénient à ce qu'on prenne un café ensemble lundi matin.

Selon elle, le formateur qui lui avait été assigné n'était rien de moins qu'un bourreau de travail; elle ignorait donc si elle pourrait se libérer durant les premiers jours.

J'ai accepté.

En fait, j'aurais accédé à sa requête même si elle n'avait eu aucune justification valable à me donner. J'étais un attardé en matière d'histoires de coeur, mais ce baiser était un indice sans équivoque que je lui plaisais; je ne pouvais pas l'ignorer.

Le lundi matin pourtant, je ne suis plus certain de rien.

Et si son formateur bourreau de travail n'était qu'un prétexte? Peut-être n'a-t-elle pas envie de se retrouver avec moi plus de trente minutes, en fin de compte...

Sinon pourquoi me donner rendez-vous avant le travail plutôt qu'après?

Je mets le double du temps habituel pour me préparer ce matin : je réfléchis et tente de me convaincre qu'il n'y avait aucune arrière-pensée à son invitation.

Rien à faire, je suis trop nerveux.

En plus de ce rendez-vous lancé à la hâte, juste avant que je parte pour la fin de semaine, Daniel m'a convoqué dans son bureau. Il a passé quinze minutes à vanter mes mérites, mais au bout de seulement cinq, je savais ce qu'il voulait : que je me charge de la nouvelle. Il avait l'air mal à l'aise — il sait parfaitement que je suis du genre timide —, mais il m'a expliqué que j'étais le deuxième technicien le plus ancien (ce qui est tout à fait vrai) et que, à ce titre, j'étais aussi l'un des plus qualifiés pour me charger de cette tâche de la plus haute importance.

Je l'ai trouvé limite insistant, avec tous ces qualificatifs élogieux et ces adverbes amplificateurs.

Mais comme je suis un employé modèle (ce qu'il a aussi souligné, d'ailleurs), j'ai accepté. Ma mère a toujours dit que pour voir un travail bien fait, mieux valait le faire soi-même.

Si je veux que la nouvelle prenne les bons plis, et ainsi éviter de devoir passer derrière elle constamment, je sais que c'est la meilleure solution. Et puis ce ne serait pas la première fois que je forme quelqu'un : Manuel a été mon premier essai à titre de superviseur.

C'était pas parfait, mais c'était mieux que celui qui m'a appris les bases du métier à mon arrivée.

J'adore Daniel, mais j'ai vu tout de suite qu'il ne voulait pas de ce job. Il me donnait peu de directives, se contentant de me dire ce qui devait être fait et me laissant choisir les méthodes à adopter. Grâce à toutes les tâches qu'il m'a déléguées depuis, et ce, jusqu'à ce qu'il devienne chef de service, puis directeur, je suis devenu presque indispensable, le touche-à-tout de service.

J'aime ça.

En fait, je me suis rendu compte durant la fin de semaine que j'aurais été vexé qu'il confie cette tâche à quelqu'un d'autre. Je suis l'homme de la situation.

J'ai une petite pensée pour la nouvelle : j'espère qu'elle sera motivée et qu'elle n'a pas peur des blagues grivoises, parce qu'elle n'est pas sortie de l'auberge...

Je descends de l'autobus les mains dans les poches de mon pantalon, songeur. Zoé doit me rejoindre au café situé au rez-de-chaussée de l'édifice, alors je m'y dirige avec l'assurance de l'habitué.

Zoé est déjà là.

Elle m'attend en lisant un livre de contes japonais, à une table au fond du commerce, l'air concentré.

Ses lèvres articulent chacune des syllabes; je peux presque l'entendre murmurer.

Mon reflet me sourit dans la vitre. Sa passion pour ma culture me touche, m'enchante.

Allez, Kenji, fonce! m'encouragé-je silencieusement.

Je prends une respiration et entre.

Malgré mes appréhensions de la fin de semaine, la demi-heure qui suit se passe comme dans un rêve. Zoé est adorable, comme toujours, et nous nous découvrons plusieurs points communs. Entre autres, j'apprends qu'elle est en train de terminer son baccalauréat en sciences informatiques avec une mineure en études nippones.

Je me désole de savoir que son poste d'adjointe était à durée déterminée, raison pour laquelle elle a dû accepter le poste contractuel qu'on lui offre de façon temporaire jusqu'à ce que les dernières étapes de sa permanence se mettent en place.

Classique.

Quand mon téléphone se met à vibrer entre nous deux, j'écarquille les yeux.

— Oh, non...

Il est plus de 7 h 45.

Je suis, pour la première fois depuis six ans, en retard, et Émilie s'inquiète. Je m'excuse à Zoé, qui se lève en même temps que moi.

— Ça t'embêterait de me faire monter? demande-t-elle alors que je prends congé maladroitement. Je n'ai pas ma carte, et j'ai demandé à Émilie la permission de laisser mes affaires dans mon ancien bureau.

Je souris.

— Bien sûr. Mais dépêchons-nous, nous sommes tous les deux attendus depuis quinze minutes. Ton formateur ne doit pas trop apprécier les retards, s'il est comme tu le dis.

— Ta nouvelle doit trouver que tu n'es pas très fiable.

Je fronce les sourcils, coupable. J'espère que la nouvelle ne m'en voudra pas; je n'ai vraiment pas vu le temps passer, et je suis d'habitude irréprochable.

Zoé sourit pour elle-même.

— Tu as hâte de rencontrer la nouvelle technicienne? demande-t-elle en serrant son petit carnet contre son coeur quand nous montons dans l'ascenseur.

Je passe une main dans mes cheveux après avoir appuyé sur le bouton de notre (mon) étage.

— Pour être honnête, je n'aime pas rencontrer de nouvelles... (j'allais dire "femmes", mais me reprends) personnes.

Ma réplique la fait rire, et je suis honoré d'avoir provoqué ce son capable de me chatouiller l'âme. Je ris aussi, conscient que j'ai l'air d'un être asocial et (légèrement) reclus.

— Ça ne m'étonne pas, dit-elle en détournant les yeux, visiblement gênée de s'être ouvertement moquée de moi. Mais je suis certaine que tout se passera bien.

Mon rire meurt à petit feu, mais un rictus indélébile naît sur mon visage généralement austère. Je hoche la tête, convaincu qu'elle a raison. Comme elle n'a pas sa carte d'identité, je l'accompagne à son bureau.

— Je suis désolé, commencé-je, mais on m'attend...

J'ai du mal à interpréter son regard, mais je n'ai pas le temps de m'y attarder, car Émilie m'interpelle en coup de vent. Sa main manucurée m'agrippe le bras.

— Oh, Ken! Tu es arrivé! Super, tu vas pouvoir aider Zoé à s'installer. La réunion pour annoncer son nouveau poste se tiendra à 9 h. D'ici là, je compte sur toi pour lui faire visiter l'endroit... mais évitez le débarras, hein.

Clin d'oeil complice à Zoé, puis disparition de la rousse.

Ma collègue a l'air gênée, et moi, complètement dépassé. Nous nous regardons un long moment, pendant lequel tous les morceaux du casse-tête se mettent en place dans mon esprit. Je me rends compte que, tout ce temps, elle m'avait donné des indices.

J'ai juste été trop bête pour les voir.

Je ne sais pas comment réagir, ni quoi dire. Je suis très content; je suis un peu fâché.

— Tu crois que mon formateur voudra bien me laisser aller manger à midi? demande-t-elle d'une petite voix.

J'esquisse un sourire en coin. Impossible de lui en vouloir, je suis trop heureux qu'elle reste.

— Je ne sais pas trop... On dit que c'est un vrai bourreau de travail...

Un rictus que je ne lui ai jamais vu se dessine sur ses lèvres. Je nous revois fugitivement dans le débarras, quand elle m'a dit que je pouvais peut-être l'aider.

Le ton... le ton de sa voix est une touche plus grave, plus sensuel quand elle déclare :

— Je suis prête à faire des heures supplémentaires s'il le faut...

Elle me fait un clin d'oeil, et je reste là, à la regarder avec un vague air de carpe, coi, pour un long moment.

Elle pose sa tasse — ma tasse — sur son bureau et effleure les kanjis de mon prénom du bout des doigts.

Je tressaille.

— Tu savais que c'était ma tasse depuis le début.

Sourire en coin, malice dans ses prunelles.

Du coin de l'oeil, je vois la porte du débarras qui s'ouvre.

Un jour, peut-être, aurai-je l'audace de m'y aventurer.

Heureusement, je ne porte jamais de cravate.

***

Bonjour à tous! Vous venez de lire la fin de Koï!

Techniquement, cette histoire-ci est terminée. Je voulais écrire le début d'une histoire d'amour qui serait tout innocente et pure.

Mais ne pleurez pas. Je me suis tellement attachée à ce petit Kenji que j'ai commencé une suite.

Libre à vous de lire la suite ou pas.

Je vous averti toutefois... le deuxième volet, intitulé Passion d'avril, sera beaucoup moins... plus... comment dire...

Disons que Kenji n'a pas les nerfs assez solides pour vous narrer la suite.

À bientôt!

--Fay

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