Pfiou ! Elenor se mordit la lèvre. Mais que pouvait-elle faire d'autre ? Elle n'avait pas le loisir de pouvoir chercher une autre sortie, si tant est qu'il en existe une autre.
- J'accepte, déclara la jeune fille en songeant au temps qui lui restait.
Pourquoi avait-elle l'impression que la licorne était satisfaite de sa réponse ? Elle s'avança d'un pas, comme si elle souhaitait exécuter une révérence, puis hennit :
- Alors écoute bien, car voici ma première énigme :
Je suis blanc quand tu m'utilises et je disparais quand tu m'oublies. Qui suis-je ?
- Tu as une minute.
Elenor grimaça. Elle avait naïvement espéré avoir affaire avec une énigme qu'elle aurait eu la chance d'avoir déjà entendu. Peine perdue. Sans perdre de temps, elle se mit à réfléchir, se mordillant les lèvres tandis qu'elle listait tout ce qui aurait pu concorder.
Bon, selon elle, il devait s'agir de quelque chose d'évident, une chose à laquelle elle ne penserait pourtant pas immédiatement. En tout cas, on pouvait dire qu'elle commençait fort en matière d'énigme, la licorne !
« Qu'est ce qui est blanc ? Un nuage, le lait, un fantôme, la couleur des couches propres de William... Non, Elenor, concentre-toi, pas d'idioties, s'il te plait ! Bon sang, mais qu'est ce qui est blanc, s'utilise et disparaît quand on l'oublie ? Ça n'a pas de sens ! »
- Trente secondes, chantonna la licorne d'un ton calme.
Elenor l'entendit, mais tâcha de ne pas y faire attention. Elle rumina dans sa tête ce qui pouvait bien correspondre, mais rien de vraiment satisfaisant ne se présentait. La craie était bien blanche, s'utilisait et disparaissait... Mais pourquoi quand on l'oubliait ? Pourquoi oublier cette chose, d'abord ? Non, il y avait un sens caché à ce mot. C'était plus qu'oublier, c'était... quoi ?
- Quinze secondes.
Elenor lui tourna le dos, avec l'impression que son cerveau allait exploser, lorsque son regard se posa sur le passage qui menait au dédale qu'elle venait de quitter. Et elle eut alors une illumination. Oui ! Ça pouvait marcher ! Mais après, si c'était la mauvaise réponse, elle était perdue.
- Cinq secondes.
Tant pis ! Elle n'avait plus le temps ! Elenor se retourna et fit face à la licorne qui avait déjà penché la tête, prête à l'embrocher.
- Le chemin ! Le chemin est la réponse !
Surprise, la licorne releva la tête et dressa les oreilles en avant.
- Oui ! continua Elenor, Un chemin est normalement clair dans un paysage pour pouvoir être visible et disparaît dans notre dos une fois qu'il n'est plus emprunté.
Il y eut un court silence, puis la bête finit par hocher la tête. Elle paraissait sincèrement étonnée qu'Elenor ait pu trouver.
- Tu as la vie sauve et tu peux faire demi-tour si tu le souhaites... Est-ce le cas ? demanda-t-elle d'un ton docte.
- Non, je continue, déclara Elenor.
La licorne accepta son choix, puis elle parut comme absente, se balançant d'un sabot à l'autre comme si elle écoutait une musique qu'elle seule pouvait entendre.
- Voici la deuxième énigme, humaine, fit-elle ensuite, écoute bien :
J'ai deux pieds, six jambes, huit bras, deux têtes et un œil. Qui suis-je ?
- Tu as trente secondes.
- Quoi ? Mais avant, c'était une minute !
- Chaque réponse que tu donneras te rapprochera de ton but... Et t'enlèvera du temps de réponse, alors cherche !
Outrée, Elenor ne put s'en empêcher.
- Mais je rêve ! C'est pas du jeu, vous êtes gonflé ! La dernière fois que moi, j'ai sorti une excuse de ce genre, ça a été pour me faire traiter de menteuse !
La licorne sursauta, ce qui étonna la jeune fille. Quoi ? Était-elle choquée à ce point qu'on s'adresse à elle comme ça ? Elenor avait remarqué qu'elle était excessivement polie, mais elle ne s'était jamais adressée à une licorne avant, en même temps !
Mais ce n'était pas ça le problème. L'animal lui-même avait l'air abasourdi, comme s'il n'en croyait pas ses oreilles.
- Qu'est ce qu'il y a ? finit par demander Elenor.
- ... Tu as trouvé la réponse.
Stupéfaite, Elenor se rendit compte que sa frustration l'avait cette fois ci sortie d'un mauvais pas. Elle n'y croyait pas. Elle... Elle n'avait fait que s'exprimer sous le coup de la colère ! En plus, la réponse, c'était « menteuse » ? Elle était sure qu'elle n'aurait jamais trouvé. C'était un pur coup de chance.
Qui visiblement ne plaisait pas à la licorne, même si elle ne dit rien.
- Tu as gagné le droit de me poser une question me concernant, grogna-t-elle en regardant ailleurs, Quelle est-elle ?
- Euh... Hum..., balbutia Elenor encore un peu sous le choc, ... Est-ce que j'ai le droit d'y réfléchir ?
La bête eut un mouvement qui rappelait le haussement d'épaules.
- Comme tu voudras, humaine, mais tu n'as que cette chance. Si tu te détournes maintenant, ou que tu réussis à triompher de la dernière énigme pour passer la porte, alors tu ne pourras plus rien me demander. Mais c'est ton choix. Et maintenant, passons à la dernière énigme. Ecoute, car la voici :
Mon premier est seul, mon second est terminé. Mon tout n'a pas de fin. Qui suis-je ?
- Tu as quinze secondes.
Bon, Elenor se doutait bien que le même coup de chance ne fonctionnerait pas deux fois, aussi tint-elle sa langue et se remit-elle à réfléchir. Mais quinze secondes, c'était quand même franchement court !
Pourtant, il s'agissait d'une charade. Le premier était seul... le plus simple serait de dire le chiffre un. Quant au second, qui était terminé...
« Réfléchis calmement, El ! », se morigéna-t-elle, « Ce qui est terminé, ce qui est fini, fini... »
Mais... !
...
- As-tu trouvé ? demanda la licorne.
Elenor poussa un soupir et se tourna vers elle.
- Serait-ce l'infini ?
La jeune fille crut vraiment que la licorne allait rester figée pour toujours ainsi, à la fixer comme si elle était une sorte de monstre surdoué. A la fin, elle s'écarta, laissant à Elenor le champ libre pour accéder à la porte. La brune n'en croyait pas ses yeux et regarda de nouveau l'animal qui avait l'air malheureux comme les pierres de ne pas avoir pu embrocher quelqu'un avec sa corne.
- Tu m'as vaincue. Va, le chemin est libre pour toi.
Elenor ne se le fit pas dire deux fois et fut à son objectif en quelques enjambées. Elle posa une main sur la poignée de cuivre, mais avant de la tourner, fit une dernière fois face à la licorne.
- Au fait, j'ai trouvé ma question, lança-t-elle, J'aimerais beaucoup connaître le nom de cette licorne si douée pour poser de telles énigmes. Pourriez-vous me le dire ?
La bête dressa de nouveau les oreilles, pencha la tête sur le côté et remua sa queue.
- Je suis Mérandil.
Elenor eut un petit sourire.
- Merci, Mérandil.
Puis elle s'engouffra dans l'inconnu sous le nez ébahi de la licorne... et le sol disparut soudainement sous ses pieds, l'engloutissant dans les ténèbres.
_________
Un chapitre court, désolée pour ça... La suite arrive ce weekend, normalement :)