La princesse aux mille illusi...

By KailynMei

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(suite et fin du Roi des tréfonds, abandonné) Dix ans se sont écoulés depuis l'avènement de Bres. Dix ans... More

Prologue
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 1
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 2
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 3
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 4
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 5
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 6
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 7
Interlude 1 - Un amour insensé
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 1
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 2
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (1)
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (2)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (2)

Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (1)

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By KailynMei

Julien rouvrit lentement les paupières, presque ébloui par l'éclat de l'éclairage sur les murs blanchâtres.

Il ignorait ce qui lui était le plus intolérable : son esprit, arraché à une confortable aliénation pour être précipité dans toute l'horreur de son existence, ou son corps meurtri, abandonné sur le sol glacé. Il tenta de se raccrocher à l'illusion de n'être victime que d'un cauchemar de plus qui s'effacerait sitôt qu'il aurait repris ses sens. Hélas, la douleur irradiant ses muscles lui prouvait qu'il n'avait pas imaginé un seul élément de la soirée précédente.

Une larme roula le long de sa joue.

Julien ne s'était jamais senti aussi sale et misérable, au point qu'il ne parvenait même pas à se relever. Il aurait souhaité mourir sur-le-champ, disparaître dans le néant. Tout, plutôt que d'avoir à affronter Bres dans la journée. Car il le devrait, inévitablement.

Sa respiration s'accéléra sous l'emprise de la terreur. Il se recroquevilla un peu plus sans parvenir à calmer les battements erratiques de son cœur ou à orienter ses pensées vers un autre sujet.

Julien s'imaginait déjà le demi-sourire sarcastique et hautain, que Bres réservait tout particulièrement à ceux qu'il venait d'écraser, en général avant de les tuer. Bres ne le tuerait pas, malheureusement. Il avait tellement plus intéressant à faire avec lui, avait-il promis alors qu'il profitait de sa faiblesse, encore et encore.

Son estomac, bien que vide, se rebella violemment. Il crispa une main sur son ventre. La nausée montait en une vague implacable. Il suffoqua presque lorsque son cœur se serra, comme écrasé dans un étau, et qu'une sensation à la fois glaciale et malsaine se répandit dans tous ses membres.

Lorsqu'une main secourable se posa sur son épaule nue, Julien sursauta, le visage pâle et déformé par sa peur incontrôlable.

Les yeux sombres d'Ellie le fixaient avec une inquiétude qui le bouleversa. Il ne se rappelait pas l'avoir vue aussi désespérée. Pourtant, il l'avait consolée plus d'une fois avant de se laisser totalement engloutir par sa désaffection et son absence de passion pour le monde.

Douce indifférence.

Il étreignit la main délicate posée sur son épaule et ferma les yeux. Ses tremblements se calmèrent, un peu... mais il ne parvint pas pour autant à retrouver possession de ses moyens. À évacuer ces émotions superflues qui l'empêchaient d'oublier, de passer outre.

Sans un mot, Ellie étendit une couverture sur lui. La sensation du tissu sur sa peau lui fut insupportable, mais pas autant que la réalisation soudaine qu'elle ne pouvait ignorer ce que son père lui avait fait.

Il serra les poings en éprouvant aussitôt de vifs élancements dans sa main mutilée. Ses plaies se rouvrirent sous la pression de ses doigts. Un chaos d'émotions contradictoires se déversa en lui. Il ne savait s'il voulait hurler, pleurer ou se murer dans le silence afin de prétendre que tout cela n'avait aucune putain d'importance.

Ellie glissa une main dans ses cheveux, avec la volonté évidente de le réconforter. Julien aurait pu se réjouir d'avoir au moins une alliée sur qui compter. Hélas, son geste l'alarma précisément parce qu'il trahissait la compassion que la jeune princesse avait pour lui.

Ellie était sa faille. Inconsciemment, il avait cherché à s'éloigner d'elle, percevant que Bres utiliserait un jour son affection pour le briser. Il n'avait pas été difficile de se convaincre lui-même de son indifférence et d'en persuader Bres, qui partageait son esprit. Il s'était prémuni tout en la protégeant.

Julien était la faille d'Ellie. Malgré son attitude distante, non calculée, mais grandissante avec les années, elle avait continué de le chérir. Sa faute, sans doute, d'avoir persisté dans ses tentatives pour que Bres se rapprochât de sa fille. Il avait toujours paru logique à Julien qu'ils fussent alliés. À la lueur des derniers événements, il s'en maudissait.

Bres s'acharnerait sur eux, comme il le faisait avec toutes ses victimes. Il lui faudrait des mois, si ce n'était des années, pour se lasser de la nouvelle dynamique dans leur relation.

Julien pouvait l'accepter avec fatalisme. Après tout, il avait sa part de responsabilité dans le retour du dieu maléfique. S'il haïssait Aymeric de l'avoir abandonné, il se haïssait encore plus d'être la cause première de ce désastre, de s'être soumis au dieu jusque dans son lit et d'avoir efficacement collaboré avec lui durant ces années où il avait préféré se déconnecter de tout.

Et il se détestait encore plus d'espérer, au fond de son cœur, de pouvoir retourner à cet état d'indifférence. Ce n'était pas comme si quelqu'un viendrait les sauver, Ellie et lui. Aymeric était mort, la résistance n'avait jamais eu la moindre chance et aucun Tuatha dé Danann n'apparaîtrait miraculeusement pour contrecarrer le dieu Fomoires.

— Laissez-moi regarder.

Ellie déplia sa main blessée avec délicatesse. Elle agissait exactement comme Julien le craignait, et il ne regretta pas un seul instant les mots virulents qui franchirent ses lèvres.

— Ne me touche pas !

Ellie se figea aussitôt, la tête légèrement rejetée en arrière, les yeux écarquillés sous la stupeur. Julien, toujours couché sur le côté, ne la regarda pas. Cependant, son expression, sourcils froncés, bouche tordue sur un rictus, trahissait plus encore que ses mots sa fureur. Ellie inspira profondément pour chasser son inquiétude.

— Mon oncle...

Elle s'apprêta à lui dire qu'il avait toutes les raisons d'éprouver de la colère, y compris à son encontre, et qu'elle ne le lui reprocherait pas. Cependant, Julien lui coupa la parole d'un ton plus mordant encore.

— Je ne suis pas ton oncle. Je n'ai jamais eu envie de l'être ! Tu crois que j'ai besoin de ton aide, de ta compassion ? J'ai la nausée rien qu'à te voir.

Julien s'étonna de la facilité avec laquelle ce mensonge lui était venu. Intérieurement, il souffrait de ce qu'il infligeait à Ellie. Mais il n'avait pas le choix.

Les lèvres de la jeune fille tremblèrent légèrement. Elle les mordilla, comme pour se contrôler, et baissa la tête, ses longs cheveux noirs masquant en partie son visage. Elle agissait souvent ainsi quand elle essayait de réprimer ses larmes.

— Vous mentez.

Elle le fixa à nouveau, le visage fermé, les yeux sombres brillants de détermination. Ce n'était pas parce qu'elle ne parvenait pas à tenir tête à son géniteur – qui l'aurait pu ? – qu'elle n'avait aucun cran.

Julien se força à rire, un rire fou qui puisait dans son désespoir et son amertume.

— Je ne fais qu'un avec Bres. Je serais prêt à perdre mon âme pour lui. Je l'ai défié par mon insolence, et il était normal qu'il me punisse. Cela ne signifie pas que je ne suis pas précieux à ses yeux. Toi, tu es inutile, bonne à rien, totalement infoutue de le servir. T'enfermer évite au moins la honte de révéler que la princesse a encore moins de dons pour la magie que le plus faible des Fomoires. Comment quelqu'un comme moi pourrait avoir besoin de toi ? Tu continues de croire que je mens ? Me vois-tu souvent dans tes appartements ? J'ai abandonné tout espoir te concernant...

Alors qu'il parlait, l'expression d'Ellie s'était teintée d'incrédulité, puis de doute et, enfin, de colère. Elle frappa le sol de son poing avec une grimace de douleur. Quand elle eut quitté la salle, Julien s'autorisa à pleurer, une main sur sa bouche pour étouffer ses lamentations.

Il ne souhaitait pas cela, mais il devait engendrer la suspicion chez Ellie, l'amener à croire que son affection n'était pas retournée. Même si cela signifiait, pour lui, de se retrouver seul et haï de tous.

C'était son fardeau, sa punition.

Ses larmes taries, il entreprit de combattre la douleur de son corps courbatu et brisé afin de se rhabiller. Si tel avait été son désir, Bres aurait pu le soigner. Il aurait pu aussi lui laisser son masque pour l'empêcher d'affronter d'éventuels regards inquisiteurs en rejoignant ses propres appartements.

Un vertige saisit Julien alors qu'il avançait vers la porte. Il s'appuya d'une main sur le dossier d'un des sièges tout en combattant l'étourdissement qui faisait pulser le sang à ses tempes.

— Cela t'amuse de m'humilier encore plus, n'est-ce pas ? fit-il en serrant les dents.

Bres ne répondit pas à sa provocation. Depuis son réveil, le dieu était d'une étonnante discrétion, au point que Julien ne percevait pas sa présence dans son esprit. Cela ne signifiait pas pour autant qu'il ne l'observait pas.

Julien se mira distraitement dans le métal poli d'un plat et peina à reconnaître l'homme aux yeux cernés et joues creusées qui le fixait. Il essaya de se composer une expression impassible, espérant que son état passerait pour de la simple fatigue et ne trahirait pas son tumulte intérieur. Il n'était pas certain de faire illusion, mais il ne pouvait rester un instant de plus dans les appartements d'Ellie. Elle risquait de revenir à la charge, et lui de briser ses efforts en s'effondrant dans ses bras.

Julien traversa l'antichambre sans expérimenter d'autres vertiges et sortit dans le corridor obscur. Dans son dos, la porte disparut, ne laissant qu'un mur d'ébène veiné de carmin. Il progressa vers le transporteur le plus proche d'une démarche de plus en plus assurée, quelque peu rasséréné de n'avoir croisé personne.

Sa confiance s'ébranla quand il se heurta à un Fomoire à l'angle d'un couloir et, pire que tout, un Fomoire nullement inconnu.

Les yeux clairs et perçants de Killian le dévisagèrent. Pendant quelques secondes, Julien hésita entre la panique et la colère, entre la fuite et le désir aussi surprenant que choquant de passer sa frustration sur le ministre qui avait osé stopper sa progression. Puis il réalisa, en fixant son vis-à-vis impassible, que celui qu'il avait été durant des années n'aurait cédé ni à la peur ni à la haine.

— Prophète, le salua Killian en baissant légèrement la tête. Je vous cherchais.

Son ton, respectueux, ne trahissait aucune moquerie ou doute. Julien poussa intérieurement un soupir de soulagement, ce qui ne l'empêcha pas de chercher à s'en débarrasser.

— Plus tard, Killian.

Julien contourna le Fomoire, non parce qu'il n'avait « pas le temps » mais parce que ses yeux bleus presque gris, sa peau aussi laiteuse que parfaite et ses cheveux d'un blond clair de plus en plus longs au fil des semaines lui rappelaient Bres. Hélas, Julien n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que le ministre le suivait.

La plupart des gens ne voyaient Killian que comme un arriviste aussi séduisant que condescendant. Ils auraient dû ajouter « persistant » à la liste des qualificatifs, et Julien le croyait même un peu trop intelligent, ce qui lui remuait les tripes d'angoisse en cet instant précis. Il serra les dents, peinant à combattre la violente pulsion qui lui commandait de crucifier le Fomoire à un mur avant qu'il n'en devinât trop.

— J'aimerais solliciter une audience auprès de notre dieu.

— Non, répondit abruptement l'homme.

Si Julien s'était retourné, il aurait peut-être surpris le sourire en coin de Killian.

— J'ai conscience que notre dieu est extrêmement occupé et que le servir ne vous laisse pas non plus un instant de répit...

Julien stoppa net. Une erreur. Il donnait l'impression d'avoir été heurté par le possible sous-entendu. Ce qui était le cas. Il s'inquiétait déjà de savoir ce que le Fomoire avait voulu signifier.

La peur grandit en lui, amenant avec elle la rage qu'il tentait d'ignorer. Il ferma à demi les yeux et se vit enserrer la nuque du ministre jusqu'à ce qu'un craquement satisfaisant se fasse entendre. Il se sentirait malade lorsqu'il retrouverait ses sens, mais au moins éviterait-il de...

— Veuillez pardonner ma trop grande franchise, ajouta Killian tandis que Julien se retournait pour le scruter. Cependant, il est évident, sans votre masque, que les affaires d'État ne vous ont pas laissé un seul instant de repos depuis des jours. Non pas que j'aie douté un seul instant de votre dévotion.

— Ce n'est pas en faisant preuve d'obséquiosité que vous aurez mon accord, Killian.

— Je sais, mais je me devais d'essayer, rétorqua le Fomoire.

— Abstenez-vous.

Julien se détourna, espérant mettre un terme à la discussion avant qu'un drame ne se produisît, quand Killian annonça, d'une voix presque tentatrice :

— J'ai des noms de traîtres potentiels.

Julien s'apprêta à lui répondre qu'il s'en moquait tant que l'on restait dans le « potentiel ». Bres choisit cet instant pour se manifester. Julien se sentit dépouillé de tout contrôle sur son propre corps, ce qui ne l'avait jamais gêné jusqu'alors mais le terrifiait désormais. Sans la dominance de Bres, il aurait tremblé violemment rien qu'à la sensation glaçante de son esprit maléfique.

— Ce soir, à dix-neuf heures précises.

Killian s'inclina respectueusement, et Bres s'évanouit aussi vite qu'il s'était manifesté. Julien se détourna rapidement, avant tout pour cacher son expression, les larmes qui menaçaient de couler le long de ses joues. Il se mordit la lèvre inférieure jusqu'à sentir un goût cuivré sur sa langue, espérant que la douleur lui permettrait d'oublier le froid qui s'était répandu dans ses membres.

— C'est un honneur rare. Ne soyez pas en retard.

En vérité, il espérait que Killian le serait. L'affront distrairait peut-être assez Bres pour qu'il oubliât un instant son souffre-douleur favori.

— Je ne le serai pas, répondit Killian, sans chercher à le suivre cette fois.

Lorsque Julien eût disparu, Killian relâcha la tension qui avait contracté ses muscles. Il s'adossa contre le mur tout en poussant un soupir de soulagement.

Liwane, qui n'avait perdu une miette de la scène, le tança pour son imprudence. Il n'aurait jamais dû se promener dans cette partie du palais et, si le Prophète semblait trop préoccupé pour se montrer curieux, l'invitation de Bres, elle, n'était sûrement pas innocente. S'il ne l'avait pas encore fait, le dieu ne tarderait pas à deviner que Killian fouinait au lieu de chercher désespérément Julien pour une soi-disant audience.

— Tais-toi, grogna Killian à voix haute.

Me taire ? Tu n'as aucun nom à donner à Bres !

— Oh, il y a bien quelques personnes dont je souhaite me débarrasser.

De plus, ce sera l'occasion parfaite de gagner son estime, précisa-t-il.

Ou de te faire démasquer...

En parlant de démasquer, n'as-tu rien remarqué concernant notre Prophète préféré ?

J'étais trop occupée à faire mes valises pour fuir, vois-tu ?

Killian ne répliqua pas à la remarque sarcastique de la Transfigurée. Si Liwane avait été trop distraite pour se soucier de l'attitude de Julien, ce n'était pas son cas. Il n'avait pas manqué de remarquer sa main blessée, ainsi que ses tentatives dérisoires pour cacher son mal-être. Killian avait perçu sa terreur lorsque Bres s'était manifesté. Il n'était pas certain de vouloir apprendre ce que le dieu maléfique lui avait fait subir pour le briser ainsi. Quant à savoir s'il pourrait exploiter sa faiblesse nouvelle à son avantage, il était encore trop tôt pour le dire.

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