Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (1)

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Julien rouvrit lentement les paupières, presque ébloui par l'éclat de l'éclairage sur les murs blanchâtres.

Il ignorait ce qui lui était le plus intolérable : son esprit, arraché à une confortable aliénation pour être précipité dans toute l'horreur de son existence, ou son corps meurtri, abandonné sur le sol glacé. Il tenta de se raccrocher à l'illusion de n'être victime que d'un cauchemar de plus qui s'effacerait sitôt qu'il aurait repris ses sens. Hélas, la douleur irradiant ses muscles lui prouvait qu'il n'avait pas imaginé un seul élément de la soirée précédente.

Une larme roula le long de sa joue.

Julien ne s'était jamais senti aussi sale et misérable, au point qu'il ne parvenait même pas à se relever. Il aurait souhaité mourir sur-le-champ, disparaître dans le néant. Tout, plutôt que d'avoir à affronter Bres dans la journée. Car il le devrait, inévitablement.

Sa respiration s'accéléra sous l'emprise de la terreur. Il se recroquevilla un peu plus sans parvenir à calmer les battements erratiques de son cœur ou à orienter ses pensées vers un autre sujet.

Julien s'imaginait déjà le demi-sourire sarcastique et hautain, que Bres réservait tout particulièrement à ceux qu'il venait d'écraser, en général avant de les tuer. Bres ne le tuerait pas, malheureusement. Il avait tellement plus intéressant à faire avec lui, avait-il promis alors qu'il profitait de sa faiblesse, encore et encore.

Son estomac, bien que vide, se rebella violemment. Il crispa une main sur son ventre. La nausée montait en une vague implacable. Il suffoqua presque lorsque son cœur se serra, comme écrasé dans un étau, et qu'une sensation à la fois glaciale et malsaine se répandit dans tous ses membres.

Lorsqu'une main secourable se posa sur son épaule nue, Julien sursauta, le visage pâle et déformé par sa peur incontrôlable.

Les yeux sombres d'Ellie le fixaient avec une inquiétude qui le bouleversa. Il ne se rappelait pas l'avoir vue aussi désespérée. Pourtant, il l'avait consolée plus d'une fois avant de se laisser totalement engloutir par sa désaffection et son absence de passion pour le monde.

Douce indifférence.

Il étreignit la main délicate posée sur son épaule et ferma les yeux. Ses tremblements se calmèrent, un peu... mais il ne parvint pas pour autant à retrouver possession de ses moyens. À évacuer ces émotions superflues qui l'empêchaient d'oublier, de passer outre.

Sans un mot, Ellie étendit une couverture sur lui. La sensation du tissu sur sa peau lui fut insupportable, mais pas autant que la réalisation soudaine qu'elle ne pouvait ignorer ce que son père lui avait fait.

Il serra les poings en éprouvant aussitôt de vifs élancements dans sa main mutilée. Ses plaies se rouvrirent sous la pression de ses doigts. Un chaos d'émotions contradictoires se déversa en lui. Il ne savait s'il voulait hurler, pleurer ou se murer dans le silence afin de prétendre que tout cela n'avait aucune putain d'importance.

Ellie glissa une main dans ses cheveux, avec la volonté évidente de le réconforter. Julien aurait pu se réjouir d'avoir au moins une alliée sur qui compter. Hélas, son geste l'alarma précisément parce qu'il trahissait la compassion que la jeune princesse avait pour lui.

Ellie était sa faille. Inconsciemment, il avait cherché à s'éloigner d'elle, percevant que Bres utiliserait un jour son affection pour le briser. Il n'avait pas été difficile de se convaincre lui-même de son indifférence et d'en persuader Bres, qui partageait son esprit. Il s'était prémuni tout en la protégeant.

Julien était la faille d'Ellie. Malgré son attitude distante, non calculée, mais grandissante avec les années, elle avait continué de le chérir. Sa faute, sans doute, d'avoir persisté dans ses tentatives pour que Bres se rapprochât de sa fille. Il avait toujours paru logique à Julien qu'ils fussent alliés. À la lueur des derniers événements, il s'en maudissait.

La princesse aux mille illusions (abandonné)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant