La princesse aux mille illusions (abandonné)

Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (2)

L'intéressé obtempéra. Bres ôta l'un des gants noirs que son plus fidèle serviteur portait constamment. Même sans, sa peau offrait toujours un contraste d'une blancheur saisissante comparée à celle de Julien.

— Puisque tu es si intéressée par l'Histoire, je vais t'apprendre trois faits que tu ne liras pas dans les livres. Le premier est que Julien et moi avons toujours partagé un lien psychique. Un petit désagrément dut au fait que je devais entrer dans ses rêves pour pouvoir le manipuler. Incidemment, notre contact prolongé m'a rappelé des choses que j'avais oubliées avec le temps, et j'aurais certainement été très différent sans son influence. Pour ainsi dire, la Terre n'aurait été qu'un champ de ruines et de souffrances, même pour les Fomoires.

Comme si cette perspective le réjouissait plus qu'elle ne le désolait, il esquissa un sourire, révélant une rangée de dents aiguisée.

— Quoi qu'il en soit, c'est précisément notre lien qui m'a donné l'idée de la Transfiguration. Puisque je ne pouvais pas le rompre pour l'empêcher d'accéder à mon esprit en cas de contact physique, autant m'assurer un contrôle total sur lui. Je connais chacune de ses pensées, mais il ne peut accéder aux miennes que si je le lui permets. Je peux aussi contrôler son corps comme s'il s'agissait du mien. Annihiler son esprit si tel est mon désir. Et si tu crois pouvoir te confier à lui, sache que rien de ce qu'il entend, dit et pense ne m'échappe. S'il essayait malgré tout de me cacher quelque chose, je n'aurais aucun remord à le broyer jusqu'à ce qu'il cède. Autant dire qu'il devrait savoir qu'il ne lui sert à rien de me mentir même pour me flatter ou pour sa propre tranquillité.

Ellie n'avait pas osé interrompre son géniteur une seule seconde et n'essaya toujours pas lorsqu'il marqua une brève pause dans son exposé.

— Pose ta main à plat sur la table, Julien.

Elle retint son souffle en le voyant obtempérer aussitôt. Il n'avait pas marqué la moindre hésitation, et elle se demanda si Bres contrôlait son corps ou si son oncle ne voyait aucune utilité à lui résister. À moins, plus choquant encore, qu'il ne lui fût totalement soumis ou qu'il se moquât de son intégrité physique.

— Deuxième fait, ma chère enfant. Lorsque nous étions enfermés dans notre prison, nous mourrions littéralement de faim, et ce n'est que par une terreur plus grande encore que j'ai réussi à empêcher les Fomoires de s'entre-dévorer. Les ressources étant rares, il était fréquent qu'il y eût parfois des accidents, notamment avec les enfants. Il était plus fréquent encore que certains volent ce qui appartenait à la communauté ou mentent sur la quantité d'animaux qu'ils avaient chassés, sur le rendement de leurs champs. Pour cette raison, nous tenions bien entendu le cannibalisme pour un crime capital, mais aussi le vol et le mensonge. Et par capital, je n'entends pas une exécution rapide. Dans ce cas précis, le coupable était débité vivant et cuisiné ; sa famille subissait le même sort. Et, à titre exceptionnel, la communauté avait le droit de festoyer...

Bres se renfonça dans son siège et croisa les jambes avec indolence.

— Bien sûr, je ne vais pas tuer Julien, encore moins le manger. Ce n'est pas comme si son mensonge prêtait vraiment à conséquence, n'est-ce pas ?

— Non, souffla Ellie.

Elle se tordit les mains sous la table, puis essuya leur moiteur sur sa robe. Cela dépassait de loin toutes les horreurs que Bres avait pu lui dire jusqu'alors, au point qu'elle regrettât les dîners précédents où il se contentait de la snober ou de l'humilier.

Son géniteur bougea à nouveau, cette fois pour enlever le masque de Julien. Elle savait que son oncle n'aimait pas montrer son visage et elle respectait son désir. Elle hoqueta en constatant que sa joue était entaillée en plusieurs endroits. Leur tortionnaire devait éprouver de l'irritation à son égard bien avant leur arrivée ; sinon il aurait laissé sa magie guérir ses blessuees.