Chapitre 13
Quelques heures plus tôt
Sarah
Je suis dans le car pour rentrer chez tata Maty. Je ne sais même pas ce que je vais lui dire. Si elle est la cousine de ma mère, je ne me suis jamais sentie comme étant sa fille ou sa nièce. Dès que je suis arrivée, elle m'a fait savoir que je ne pouvais pas rester chez elle. Chose qui a été compréhensible. Son mari a 2 femmes et chacune d'elles a beaucoup d'enfants pour une si petite maison. Je partage le lit de mes cousines, c'est déjà difficile d'y dormir à 2 donc à 3 c'est pire.
Le lendemain au petit matin, j'ai commencé à faire du porte à porte. Des recherches qui n'ont absolument rien donné pendant une semaine sous les critiques et remarques de tata Maty selon qui je n'ai pas assez recherché. Quand elle me verra aujourd'hui, elle me traitera encore de tous les noms alors que ce n'est pas de ma faute. Qu'est-ce que j'y peux si madame ne veut plus de moi ? Je me souviens de quand la mère de Souadou est venue voir tata Maty pour lui dire que sa fille recherchait une domestique. J'étais aux anges, d'autant plus que j'étais sur le point de péter un câble avec tata Maty qui me traitait de fainéante et ma cousine Khady qui me montrait qu'elle en avait marre de partager son lit avec moi. Un mois plus tard me voilà de retour. Le pire est que je ne sais même pas quand est-ce que j'aurai un nouveau travail. J'en ai tellement cherché avant la venue de la mère de Souadou que j'ai vraiment un doute.
Je descends du car et je marche nonchalamment pour rejoindre la maison me préparant d'ores et déjà aux représailles.
Je suis arrivée et je retrouve la coépouse de tata Maty, tata Fanta qui est dehors assise derrière sa table qui lui sert à vendre des légumes pour les dames du quartier qui ne voudraient pas aller au marché.
-Sarah, que fais-tu ici avec ta valise? Demande-t-elle en me donnant la main en guise de salutations.
-La patronne m'a renvoyée.
-Renvoyé ? Pourquoi ? Mome sakh, j'avais entendu qu'on l'avait répudiée!
Je précise que la maison où je vis avec tata Maty est sur la même rue que celle des parents de Souadou. Puis qu'en ce moment il fait chaud et que les gens adorent s'asseoir dehors, personne n'a raté le spectacle quand tonton Djily est venu lui ramener ses valises.
-Elle est rentrée et me renvoyer est la première chose qu'elle a faite.
-Ça devait être quand je suis partie au marché. J'ai vu sa tante hier quand son mari est parti et cette dernière m'a dit que son mari était venu parler à son père pour lui qu'il ne voulait plus d'elle mais que Souadou l'a contrecarré en lui disant qu'elle est enceinte. Le mari est sorti et est parti sans lui répondre.
-Kokou d amoul diom (Cette fille est sans vergogne), dit ma cousine Khady en sortant de la maison, elle a dû entendre nos voix.
-Moi j'ai rien fait et elle m'a renvoyée.
-Sarah je ne suis pas d'accord. Souadou moi je l'ai jamais appréciée et je la considère comme une personne hautaine mais quand même je ne crois pas qu'elle puisse te virer comme ça sans raison, s'exprime Khady.
-Elle a pas tort Khady, Sarah qu'est-ce qui s'est passé ? Demande tata Fanta.
Je décide alors de leur raconter le coup qu'elle nous a fait hier, son mari et moi ce qui explique pourquoi il l'a répudiée. Je parle aussi du fait qu'on a déménagé depuis hier.
Tata Fanta met sa main devant sa bouche avant de dire :
-Je suis sûre qu'Astou (La coépouse de la maman de Soua) n'est pas au courant.
-Combien de fois ai-je dit que cette fille est mauvaise ? A chaque fois maman la défendait parce qu'elle est amie avec sa sorcière de mère, dit Khady.
-Elle mome, j'en parle même pas. Soulna kogne bi yeup ay liguey juste pour dédieuti Astou mais Dieu est plus grand. Elle doit pas oublier qu'Astou bayiwoul bopame. (Elle est allée voir des marabouts pour faire partir Astou mais elle doit savoir qu'Astou aussi se protège)
-Sarah, je t'en veux, dit Khady.
-Qu'est-ce que j'ai fait ?
-Après ce qui s'est passé, elle te renvoie et toi tu pars?
-Mais que pouvais-je faire d'autre ? C'est ma patronne.
-Non, elle a cessé de l'être dès qu'elle vous a accusés son mari et toi.
-Je suis d'accord avec Khady, dit tata Fanta. Déjà que c'est pas elle qui t'a amenée dans la nouvelle maison alors c'était pas à elle de te demander de partir.
-Elle a fait ça juste parce qu'elle a honte devant toi. Dieu sait que cette femme est folle.
-J'espère que ta maman me croira.
-Moi je te crois sur parole car je sais si quelque chose s'était réellement passé avec son mari elle te ramènerait ici personnellement en te tirant par les cheveux. Ça mome, j'en suis sûre.
-Mais toi, tu en as parlé avec son mari ? Questionne tata Fanta.
-Non.
-Si tu as du crédit appelle-le, dit Khady.
Je prends mon portable pour appeler tonton, malheureusement je tombe sur sa boîte vocale.
-Je suis tombée sur sa boîte vocale.
-Il doit être occupé, dit Khady.
-Va à l'intérieur et repose-toi. Quand Maty descendra du travail, tu lui expliqueras ce qu'il en est. Peut-être qu'elle ira prendra ta défense au niveau d'Absa, après tout c'est sa fille qui est en tort.
-J'espère.
Je réponds à tata Fanta avant d'aller à l'intérieur avec Khady. Tata Maty est vendeuse dans une boutique au marché, parfois elle y passe la journée et on lui y ramène le repas.
***
Je suis réveillée par la sonnerie de mon portable, je me suis endormie après le repas sans m'en rendre compte. Faut dire aussi que j'ai peu dormi hier soir.
Je sursaute quand le numéro de tonton est affiché.
Je sors de la chambre pour ne pas réveiller Khady qui dort encore.
-Allo.
-Oui, Sarah?
-Oui, tonton.
-Souadou a dit que tu es partie voir ta tante.
Oh la menteuse. Franchement pourquoi j'ai encore du respect pour cette femme qui manifestement ne le mérite aucunement?
-C'est faux! elle m'a renvoyée.
-C'est ce que je pensais.
Quoi c'est tout ? il a raccroché.
Je retourne dans la chambre.
-C'était qui ? Demande khady en se redressant.
-Le patron.
-Ah cool! Je savais qu'il allait pas laisser sa femme faire ce qu'elle veut.
-On dirait qu'il s'en fout.
-Pourquoi tu dis ça ?
-Il m'a demandé si j'étais partie voir ma tante, tu comprends que c'est ce qu'elle lui a donné comme excuse.
-Quelle menteuse !!!
-Quand je lui ai dit que c'était faux et qu'elle m'avait renvoyé, il m'a juste dit que c'est ce qu'il pensait avant de raccrocher.
-Peut-être qu'il vient te récupérer.
-Tu crois ?
-Je ne sais pas. Tout ce que je te conseille est que tu t'affirmes si tu repars là-bas. Tu ne dois même pas considérer Souadou comme ta patronne, elle ne l'est plus. Si elle te dérange, tu vas directement voir son mari, ce sera réglé entre les deux.
-Tu as raison. En plus c'est une menteuse. Comment a-t-elle pu lui dire que je suis allée voir ma tante alors qu'elle sait que je suis partie car elle m'a renvoyée ?
-Pfff. Fais ce que je te dis. Da gua wara ame fouleu nak, t'es trop moue.
Je ne lui réponds pas mais elle a raison. De toute façon, Souadou vient de perdre le peu d'estime que j'avais pour elle. Je me demande même comment ai-je pu en garder après ce qu'elle m'a fait hier.
Souadou
J'ai envie de contester après ce que Djily vient de dire mais je sais que je dois me racheter et que je ferais mieux de faire tout ce qu'il veut.
Mais comment aller chercher cette fille après l'avoir renvoyée? Djily s'est vraiment donné comme objectif principal de m'humilier et aller chercher cette fille au sein de mon quartier sera humiliant devant elle et devant tout le monde.
-On peut y aller ensemble, dis-je d'une voix à peine audible.
-Ensemble ? C'est toi qui l'as virée, c'est à toi d'aller la chercher.
-Si elle refuse de revenir?
-Ce sera pas la peine que tu reviennes.
Je ne dis rien de plus et je me lève pour aller dans la chambre me changer. Avec ce qui s'est passé hier, j'ai l'obligation de montrer que je vais bien et que tout va pour le mieux.
Je mets alors une robe qui arrive sur les genoux avec une petite veste. Tout ce que j'espère en ce moment c'est que cette fille ne me donnera pas du fil à retordre.
Je retourne dans le salon voir Djily.
Il me jette un énième regard noir et je ne cesserai de me demander si ces yeux m'ont aimée un jour.
-Tu peux me donner les clefs de ma voiture ? Demandé-je à Djily. Qui ne tente rien n'a rien, même si je m'attends déjà à une réponse négative.
-Je t'ai déjà dit que je l'ai vendue.
-Comme tu m'avais dit que tu as vendu la maison et elle est là...
-Va prendre un taxi et ne me demande pas d'argent, j'en ai vu beaucoup dans ta mallette à bijoux.
Mon cœur fait un raté.
-Heuu !!!!
-Va récupérer Sarah, à ton retour tu m'expliqueras comment tu as fait pour les avoir.
J'en dis pas plus et je m'en vais.
En descendant les escaliers, je me souviens que Sarah m'avait présentée un des agents comme étant le chauffeur. Je vais le voir pour lui demander de prendre la voiture que Djily a mis à sa disposition pour m'amener à mon ancien quartier.
Il s'exécute et nous partons ensemble. Il est pas très bavard et c'est pas moi qui lui fera la conversation. Je ne savais pas que Djily avait vu l'argent que je cachais. Putain quelle excuse crédible vais-je bien pouvoir lui donner ?
Une fois à mon quartier, j'explique au chauffeur comment faire aller chez moi. Je n'irai pas chez cette fille. Je vais demander à ma mère d'aller voir tata Maty pour lui parler, elle s'occupera d'elle.
Arrivée, je descends de la voiture pour entrer dans la maison. Le chauffeur décide de m'attendre dans la voiture.
Je descends en prenant mon temps afin que ce qui sont assis devant de leurs maisons puissent voir que c'est bien moi avec un chauffeur qui me dépose.
Je fais même quelque chose que je n'ai pas faite depuis longtemps. Avant d'entrer, je salue les voisins avec un air voulant dire que je suis riche à nouveau.
J'entre et je me dirige vers le salon où je retrouve la famille devant un téléfilm. C'est la seule chose qui puisse les réunir.
Je salue avant de prendre place près de ma demi-sœur.
-Ma fille, comment tu vas ? Demande mon père.
-Je vais bien.
-Quand je suis revenu du travail, ta mère m'a dit que tu étais partie rejoindre ton mari. C'est bien.
-Oui tout va bien, comme j'avais dit c'était un mal entendu. Après quand on s'est expliqué avec Djily rek, tout est revenu à la normal.
-Alhamdoullilah.
-C'est pour cela que je suis revenue aujourd'hui, pour vous mettre au courant car je pensais que vous pouviez vous inquiéter.
Mon père me répond par un sourire en hochant la tête.
Peu de temps après, le téléfilm est terminé et je peux suivre ma mère dans sa chambre.
Nous nous installons sur son lit.
-Tu as eu raison de ne rien dire à ton père, il a pas besoin de savoir. Tant qu'il pense que tout va bien, rek, c'est bon.
-Je sais mais en ce moment rien ne va.
-J'ai été surprise de te voir. Qu'est-ce qui t'amène ?
-Ah maman, Djily veut que je demande à la boniche de revenir à la maison.
-Comment ça ?
-Je l'ai renvoyée et il veut qu'elle revienne à la maison.
-Thiééé! Souadou pourquoi tu as fait ça ?
-Maman comment veux-tu que je continue de vivre avec elle après ce qui s'est passé ?
-Je comprends que c'est pas facile mais tu dois pas agir ainsi. Si tu m'en avais parlé avant de partir, je ne t'aurais jamais laissé faire. Combien de fois t'ai-je dit que chaque chose en son temps ?
-Je voulais juste me débarrasser d'elle!
-Mais où ça t'a mené ? Tu es ici aujourd'hui pour aller lui demander de revenir avec toi.
-Maman c'est pour ça que je suis passée. Tu peux aller voir tata Maty directement, au cas où Sarah refuse, elle pourra l'obliger.
-Elle va pas refuser, c'est sûr. Il y a pas de travail et elle en a besoin.
Ma mère fait un soupir avant de se lever.
-Ma diour leu guamay yoni (Tu m'envoies faire une commission alors que je suis ta mère.)
-Maman, je te revaudrai ça. Tu reviendras à la maison dès que j'arrangerai le problème avec Djily. Toi aussi, on est ensemble!
-C'est mieux pour toi...Dit ma mère avant de sortir.
Putain, putain, putain, putain. Comment vais-je m'en sortir ?
Alors que je me demandais quoi faire, je reçois un appel. Bordel de merde,
! Ismaïla. Quand Djily saura que j'ai couché avec son cousin, il me tuera. La boulette Momar n'est rien à côté de celle-là. D'autant plus que j'ai succombé à un chantage. Je décide de ne pas lui répondre et de mettre son numéro sur liste noire.
Ma mère revient, et à mon grand soulagement, avec Sarah.
Je me lève du lit avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle commence.
-Je vais revenir mais j'ai des conditions.
-Lesquelles ?
-Je veux une augmentation de salaire et je veux la confirmation que je ne vais pas venir pour me faire renvoyer à nouveau demain ou dans une semaine.
-Sarah comment oses-tu me regarder dans les yeux et me poser des conditions ?
-J'ose parce que ma cousine a raison, je ne suis pas un déchet dont on peut se débarrasser facilement. Tu fais ce que tu veux et après tu me fais payer? Je refuse d'être ton bouc-émissaire. Tu fais ce que je veux ou je reste ici.
-Tu buffles !
-Essaie pour voir ! Dit-elle avant de sortir de la chambre.
Ma mère est bouche bée.
-Mais comment cette gamine a pu changer en si peu de temps ?
-Elle est pas bête, elle sait que tu n'es pas là de ton plein gré et que c'est ton mari qui t'a demandé de venir.
Je lâche un rire nerveux en comprenant que la vie avec cette fille ne sera pas facile.
Je sors accompagnée de ma mère et je retrouve Sarah devant la voiture, les bras croisés.
-On a un accord ? Demande-t-elle.
-Oui, soupiré-je avant de prendre place dans la voiture et elle se place à côté de moi. Le chauffeur démarre.
Cette fille m'a tellement énervée que j'ai même pas dit au revoir. Tout ça c'est la faute de Djily. Ma mère a raison, j'ai commis une erreur en la renvoyant. Je dois bien réfléchir avant d'agir et ainsi éviter d'en commettre une nouvelle. Je sais juste qu'elle ne perd rien pour attendre.
***
Nous sommes arrivés. Sarah se dirige vers sa chambre et moi vers le salon. Je passe par la salle à manger et je vois que Djily n'a pas touché à ce que je lui avais servi. Woww!!!
-Elle est là ? Demande-t-il alors que je franchis je seuil de la porte.
-Oui elle est là, dans sa chambre.
Je prends place.
-Pourquoi tu n'as pas mangé ?
-J'ai mangé.
-Mais et ce qui était dans la salle à manger?
-J'ai demandé à la domestique de le faire. Il n'y a aucune raison pour que les choses changent. Toi tu peux continuer à passer tes journées Dieu sait où et moi à me faire servir par la domestique.
-Djily ballema ak, guir yalla (Pardonne-moi)
Il me jette un regard noir avant de me dire:
-Pourquoi ? Tes multiples absences ou le nombre de fois que tu m'as manqué de respect parce que j'étais "pauvre"?
-C'était un malentendu.
-Le malentendu était de penser que tu me soutiendrais si un jour, je perdais tout. Souadou, lequel de tes devoirs conjugaux as-tu rempli dans l'appartement ?
Honteuse, je baisse la tête.
-Réponds-moi, crie-t-il alors que je me suis mise à me ronger les ongles.
On entend frapper. Qui qu'il soit, il vient de mettre fin à un moment inconvenant.
-Entrez, dit Djily.
-Bonsoir tonton, salue Sarah alors que je roule les yeux.
-Bonsoir, sourit Djily, assis-toi.
Elle prend place.
-Si tu veux, on peut aller demain matin à l'école où va mon neveux et voir s'ils t'acceptent en cours de semestre. D'après sa mère c'est une bonne école... Dit Djily à Sarah et moi franchement j'ai absolument rien compris.