La princesse aux mille illusi...

By KailynMei

8.7K 947 82

(suite et fin du Roi des tréfonds, abandonné) Dix ans se sont écoulés depuis l'avènement de Bres. Dix ans... More

Prologue
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 1
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 2
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 3
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 4
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 5
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 6
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 7
Interlude 1 - Un amour insensé
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 1
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 2
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (2)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (1)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (2)

Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (1)

484 53 1
By KailynMei

Liwane essuya ses lèvres sur le revers de sa manche, bien que le goût ferreux du sang eût depuis longtemps envahi sa bouche.

Dans la salle, il ne restait plus âme qui vive, si ce n'était la sienne et celle du Fomoire auquel elle avait uni son destin.

Kilian ne s'était pas levé de son siège après le départ du Prophète, ce qui n'avait pas empêché l'hémoglobine de l'éclabousser lorsque la Transfigurée s'était chargée de la partie la plus physique de leur nouvelle mission. Loin d'être inactif, il avait instillé l'effroi dans les esprits limités de leurs adversaires, ce qui avait permis à sa compagne de s'abattre sur eux avec une sauvagerie inhumaine.

Les autres, horrifiés, avaient fui. Sans doute se seraient-ils un peu plus attardés, pour certains, si Kilian ne les y avait pas aidés par l'ascendant qu'il avait sur eux. Il aurait détesté devoir leur arracher le souvenir de ce qu'ils n'étaient pas censés voir. Cet aspect de son don tendait à transformer les individus, Humains comme Fomoires, en grabataires tout juste capable d'aligner quelques borborygmes en bavant.

— Deux de moins, commenta Kilian avec nonchalance.

Il ferma brièvement les yeux, luttant pour ne pas s'abandonner à l'agréable frisson qui venait d'électriser son corps ; le pouvoir que Liwane avait dérobé à leurs proies se transmettait désormais à lui et se répandait dans chaque cellule de son organisme. Toutefois, cela ne lui suffisait pas.

Il se leva pour approcher du cadavre de Delaig, lui arracha ce qui lui restait d'entrailles et les engloutit avec voracité sous le regard indifférent de la Transfigurée. Lorsqu'il eut savouré la dernière bouchée, il ferma les yeux, le corps légèrement tremblant, les poings crispés. Puis, quand son être eut totalement aspiré l'énergie magique du défunt ministre, il extirpa un mouchoir de sa poche pour s'essuyer les mains et la bouche avec soin.

Son peuple avait toujours eu le cannibalisme en horreur ; nonobstant ce que Bres avait fait à leurs anciens dieux et ce qu'il pouvait encore réserver à ceux qui le défiaient ou le décevaient. Un tel interdit l'avait toujours étonné compte tenu de la famine qu'ils avaient endurée dans leur prison. Il avait compris les véritables motifs de leur roi le jour où il avait succombé à la tentation, non par nécessité, mais par curiosité.

Bres ne leur avait pas défendu de manger leurs semblables pour des raisons morales – il aurait encore fallu qu'il en eût une –, mais parce qu'il craignait de ne plus être seul à briguer le titre de « dieu » si d'autres Fomoires se mettaient à absorber les pouvoirs de leurs pairs.

Kilian déposa le mouchoir souillé sur la table et remarqua que Liwane ne le quittait pas des yeux.

— Oui, tu as raison. Il est temps d'essayer notre nouveau don.

La jeune femme fronça les sourcils et fit mine de porter un doigt sur les lèvres de Kilian, comme pour lui intimer le silence. Le Fomoire sourit tout en lui prenant la main. Après en avoir embrassé le dos, il vint effleurer son visage. Le sang frais brillait sur ses joues sombres.

— Ne t'inquiète pas. Nul ne se trouve à proximité de la salle.

Liwane esquissa une moue dubitative. Il la sentit s'insinuer plus profondément dans son esprit et utiliser son pouvoir afin de vérifier par elle-même que personne ne risquait de les surprendre. Attendri par son excès de prudence, il déposa un baiser sur son front, cette fois, juste là où était tatoué l'œil symbole de son éveil. Liwane le repoussa et se détourna en croisant les bras sur sa poitrine.

— Je déteste quand tu te montres trop téméraire. Imagine que le Prophète ne t'ait pas suivi ? l'admonesta-t-elle.

L'expression de Kilian, jusqu'alors plus chaleureuse qu'elle ne l'avait été durant le conseil, retrouva la froideur hautaine qui lui était coutumière.

Liwane lui avait reproché sa décision de reprendre le poste de son prédécesseur, considérant qu'il mettait en péril tous leurs efforts pour préserver la résistance, à l'insu même de celle-ci, tout comme elle lui reprochait désormais d'utiliser Laith pour infiltrer ladite résistance. Aussi, il était plus irrité que surpris d'entendre de nouveaux reproches, même s'il savait qu'ils étaient le fruit de son attachement à sa personne.

— Sans prise de risques, nous n'accomplirons jamais nos objectifs.

— J'aimerais rester en vie.

— Ton frère devait espérer la même chose en devenant un Éveillé, rétorqua Kilian.

Elle lui lança un regard furieux, les lèvres crispées. Il n'en éprouva aucun remord, ayant prévu l'effet de cette réplique sur elle. Lorsqu'elle devenait trop butée, il était bon de lui rappeler certains faits. S'il ne l'avait pas choisie, elle n'aurait jamais eu l'opportunité de s'énerver contre lui, puisqu'elle ne figurait même pas sur la liste des Transfigurés potentiels. Son frère, lui, n'avait pas eu la chance de rencontrer un sauveur, et Kilian avait révélé les secrets du culte de Bres à Liwane en sachant que son désespoir et son désir de vengeance ne pourrait que l'amener à embrasser sa cause.

— Par ailleurs, reprit-il, nous avons la preuve qu'Aymeric est bien vivant, comme je l'avais pressenti.

— Si jamais quelqu'un s'aperçoit que tu as menti à propos des enregistrements...

— Ce sera à toi de veiller à ce que cela n'arrive pas.

Elle lui lança un regard intrigué. Lorsqu'elle chercha à deviner ses pensées, il la repoussa, avant tout parce qu'il n'avait pas eu le temps de décolérer et qu'il n'avait pas envie de partager son esprit avec elle tant qu'il ne l'aurait pas fait.

— J'ai d'autres plans qui nécessitent que je reste au palais.

— La princesse est morte, Kilian.

— Nous verrons...

— Un autre de tes pressentiments ? Nous avons retrouvé Aymeric, je te le concède, mais ne pousse pas ta chance trop loin. Je t'en prie.

Kilian la fixa avec condescendance.

— Cela n'a rien à voir avec la chance, tu le sais. Quant à la princesse, si le Prophète possède toujours un esprit propre malgré Bres, c'est qu'il tient encore assez à quelqu'un pour lui résister ; consciemment ou pas.

— Peut-être qu'il prend tout simplement son pied avec son persécuteur. Il y a des hommes comme ça, railla Liwane. Et quand bien même la princesse serait-elle en vie, elle n'est qu'à demi Fomoire et sûrement toute dévouée à son père. Tu me l'as dit toi-même : Aymeric est notre meilleure chance.

— Notre meilleure, pas la seule.

Liwane soupira. Quoi qu'elle dirait, Kilian resterait déterminé à courir après une chimère. Au fond, elle préférait ne pas savoir ce qu'il avait en tête. Son plan lui déplairait forcément, et elle se ferait un sang d'encre. Elle connaissait sa mission et se concentrerait sur celle-ci tout en se préparant à fuir au cas où Bres percerait Kilian à jour.

— Sois prudent, lui demanda-t-elle avant de l'embrasser sur la joue.

Kilian baissa les yeux sur les deux cadavres. Ceux-ci s'enflammèrent aussitôt et ne tardèrent pas à être réduit en cendres.

— Grâce au don de Delaig, je pense que ce ne sera pas trop difficile, rétorqua-t-il.

Ellie tentait d'ignorer le martèlement agaçant des doigts de son géniteur sur la table d'ébène, mais la migraine lancinante qui enserrait son crâne dans un étau de douleur ne l'y aidait guère.

Le cœur au bord des lèvres, elle n'osait même pas baisser les yeux sur la nourriture que contenait son assiette. Le rouge de la viande la dégoûtait encore plus que toutes les autres fois ; son géniteur savait qu'elle détestait les plats carnés, et il tenait, évidemment, à ce qu'on lui en servît en sa présence.

Hélas, éviter son assiette l'obligeait à fixer le dieu assis en bout de table. D'habitude, il ne cachait pas l'ennui que lui inspirait ces repas. Là, il la dévisageait de ses yeux de nacre comme s'il attendait avec impatience de pouvoir railler l'un de ses gestes ou l'une de ses paroles.

Tétanisée par ce comportement inhabituel, elle lançait régulièrement des coups d'œil à son oncle, espérant une quelconque forme de secours. Hélas, il se tenait rigide sur sa chaise et n'avait pas changé de position depuis son arrivée. Elle le devinait éteint derrière son masque d'ébène. Le peu de mots qu'il avait prononcé laissait deviner son épuisement physique et moral, ce qui l'inquiétait plus encore que l'attention nouvelle de Bres. Au moins partageaient-ils tous trois un point commun pour changer : nul n'avait encore mangé, et pourtant ils étaient attablés depuis une trop longue demi-heure.

Le martèlement cessa soudain. Ellie en aurait soupiré d'aise si le silence n'avait pas été empli par une question.

— Alors, comme ça, tu t'intéresses au passé de notre peuple ? questionna Bres d'un ton mielleux.

Ellie maudit Caithnab et sa propre naïveté. Bien sûr qu'elle s'était empressée de rapporter leur discussion !

Elle concentra son regard sur son verre remplit d'un liquide rougeâtre qu'elle n'aurait jamais bu même si elle s'était retrouvée en plein désert. Son géniteur l'appréciait, et ça lui suffisait pour savoir qu'il devait provenir d'un être doué de conscience.

— Je suis attristé que tu consultes des livres quand il te suffirait de m'interroger, reprit-il.

Ellie releva rapidement les yeux sur lui. Ses lèvres pâles se tordaient sous une moue faussement maussade et, avec ses cheveux blancs tirés vers l'arrière en une longue tresse, son visage lui parut plus ciselé encore qu'à l'ordinaire, accentuant sa beauté inhumaine.

Quand le palais lui était encore accessible, elle avait entendu bien des rumeurs sur les conquêtes – ou victimes ? – de son père. Elle avait aussi conscience que son oncle n'était pas juste son oncle.

Était-elle la seule à percevoir la laideur intérieure de son géniteur, celle que ne laissait pas deviner son nom d'Eochu Bres – Eochu le magnifique –, celle qu'il avait cherché à masquer en revêtant une apparence proche des Hommes ? Nul autre n'avait-il conscience de sa cruauté, de sa mégalomanie, de son incapacité à éprouver de l'amour pour un autre que lui-même tout en réclamant de ses adeptes une dévotion inconditionnelle ? Il n'avait rien d'un ange, ou seulement d'un de ceux corrompus que le ciel avait vomi pour ne pas s'étouffer avec. D'ailleurs, elle trouvait l'analogie plutôt bien trouvée. Il était Lucifer enfin victorieux sur ceux qui l'avaient jeté dans l'abîme. Après des millénaires d'emprisonnement loin de la lumière, rien d'étonnant à ce que sa revanche fût terrible.

— Pouvons-nous connaître les raisons de cette nouvelle passion ou n'as-tu toujours rien d'intelligent à dire ?

Parler de ses rêves serait une mauvaise idée. Peut-être même une idée mortelle. Durant l'après-midi, elle s'était écroulée sur son bureau, épuisée par son sommeil sans repos. Le songe était revenu la hanter et, lorsqu'elle fermait les yeux et se concentrait, elle croyait entendre l'anathème.

Uediíu-mi belatowom mratotoutas.

— Je n'ai pas le droit d'être curieuse ?

Bres esquissa un rictus.

— Cela dépend. Souvent, la curiosité tue.

Elle déglutit. Il croisa les mains devant son visage, coudes sur la table, et lui offrit un sourire affable,comme s'il ne venait pas de la menacer.

— Tu meurs de curiosité, je suis d'humeur à répondre : l'équation est simple, non ? N'es-tu pas d'accord avec moi, Julien ?

L'intéressé tourna la tête vers le dieu.

— Je suis toujours d'accord avec vous, répondit-il d'un ton où perçait un soupçon d'épuisement.

Ellie sursauta presque quand son géniteur émit un ricanement.

— Tu te découvres une passion pour l'Histoire, et il me ment éhontément juste pour avoir la paix. Moi qui croyais m'ennuyer ce soir !

Lorsqu'il inclina la tête pour lorgner son oncle d'un air vicieux, Ellie sentit une boule d'angoisse se former dans son ventre.

— J'ai souvenir que tu m'as contredit plusieurs fois cet après-midi. Me serais-je mépris ?

Julien garda le silence pendant quelques secondes, sans doute conscient du piège qui lui était tendu. Quelle que soit sa réponse, il donnerait raison au dieu.

— Non, admit-il.

— Donc c'est bien maintenant que tu me mens en prétendant toujours être de mon avis, insista Bres.

— Laissez-le, je vous en prie, intervint Ellie dans l'espoir de désamorcer la situation. Vous voyez bien qu'il est fatigué et qu'il cherchait seulement à vous faire plaisir.

Bres plissa légèrement les paupières sans quitter son oncle du regard. Elle éprouva un frisson d'effroi, car son visage exprimait désormais toute la malignité qu'il cachait ses adeptes.

— Oh, vraiment, tu voulais me faire plaisir ? s'enquit-il d'un ton exagérément attendri.

Il attendit quelques secondes avant d'ajouter dans un murmure confident.

— Ou bien as-tu juste abondé en mon sens parce que tu es debout depuis plus de vingt quatre heures et que tu ne songes qu'au moment où tu pourras enfin te reposer ?

— Vous avez raison, votre majesté.

Ellie se figea en ne sachant ce qui l'inquiétait le plus : que son oncle provoquât Bres ou qu'il le fît du ton le plus indifférent qui soit. Elle n'était même pas certaine, en vérité, qu'il agaçât sciemment le dieu. Et, par ailleurs, elle était aussi convaincue que ce dernier aurait trouvé un prétexte pour le tourmenter quelle qu'aurait été son attitude. Tout cela n'était que par trop gratuit et lui prouvait, une nouvelle fois, la nature sadique de son père.

— Julien, donne-moi ta main, réclama Bres tout en tendant la sienne.

Continue Reading

You'll Also Like

1.4K 89 7
tout est dans le titre ! vous allez voir ma grosse tête pour la première fois 👀 attention les yeux 😭
111K 10.1K 38
A15 n'a pas de prénom. Elle n'en a jamais eu. Elle n'est qu'un objet doté d'un numéro. Elle n'est jamais sortie de l'Usine, l'épicentre du plus gros...
462K 32.8K 31
Je vous avertis déjà ; si vous affectionnez les papillons, les champs fleuris, les fins heureuses, les princesses roses et j'en passe, cette histoire...
3.3K 154 53
||6 juillet 2010.]]| Un grave incendie s'est produit dans un lycée dans la ville de New York, ne laissant presque aucun blessé. Mais une seule surviv...