La princesse aux mille illusi...

Autorstwa KailynMei

8.7K 947 82

(suite et fin du Roi des tréfonds, abandonné) Dix ans se sont écoulés depuis l'avènement de Bres. Dix ans... Więcej

Prologue
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 1
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 2
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 3
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 4
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 5
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 6
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 7
Interlude 1 - Un amour insensé
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 2
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (1)
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (2)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (1)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (2)

Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 1

554 56 4
Autorstwa KailynMei



Resurrection of a horrid dream

Blend of hate and intense desire

- Dementia de Tristania

Le corbeau planta son bec dans l'orbite et en arracha l'œil avec gloutonnerie. Une nuée de ses semblables s'abattit dans un concert de cris et de claquements d'ailes sur la mer de cadavres, faisant fuir pour un temps les nuages de mouches qui y pullulaient jusque-là. Des visages blancs, dont les regards vitreux se tournaient vers le ciel comme s'ils avaient espéré y trouver un secours, côtoyaient des corps sinueux et grotesques, tout droit sortis de l'atelier d'un sculpteur dément.

Ellie toussa avec force ; des vapeurs nauséabondes s'échappaient de brasiers dans lesquels l'on avait précipité certains des vaincus. Des membres que les flammes n'avaient pas encore rongés en pendaient, comme si les morts avaient tenté de ramper pour s'extraire du bûcher. À travers le voile de l'épaisse fumée toxique, elle s'horrifia de contester que quelques-uns des appendices possédaient toutes les caractéristiques de mains et de bras humains.

Écœurée et quelque peu perturbée par son observation, Ellie s'éloigna tout en prenant garde de ne pas glisser sur les galets poisseux de sang ou sur l'un des morts qui servaient de festin aux oiseaux noirs. Leurs cris lui vrillaient les oreilles, et leur concert macabre s'amplifia lorsqu'ils furent rejoints par leurs cousins maritimes au plumage blanc.

Ses pas la menèrent, comme tant d'autres fois auparavant, au pied de la citadelle dantesque qu'elle ne connaissait que trop bien. Dans sa vaste cour, à l'ombre de la constellation de tours et de passerelles qu'aucune main humaine n'aurait pu construire, les vainqueurs de l'abominable bataille avaient rassemblé les dieux déchus, derniers survivants d'un peuple honni, mais, sans nul doute, envié pour son pouvoir.

Un corbeau croassa, et Ellie éleva le regard sur une femme vêtue d'un ample linge rouge. Elle ne distinguait pas son visage sous son voile, mais elle devinait les larmes qui dévalaient ses joues. Pour qui pleurait-elle, au juste ? Elle aurait dû célébrer la victoire ou, du moins, se réjouir, comme les hommes qui l'entouraient et dont les exclamations de joie féroce humiliaient un peu plus les perdants. La magie qui irradiait leurs iris d'une aura laiteuse ne laissait aucun doute quant à leur relation trouble avec leurs anciens persécuteurs.

Deux, surtout, disposaient d'un physique intriguant qui les plaçait loin au-dessus des autres. L'un, couronné de cheveux blonds, élégants jusque dans sa tenue de lin brodé de haute facture, presque anachronique, possédait les yeux perçants et orangés d'un aigle. L'autre, au regard tout autant insoutenable, dominait de plus d'une tête les guerriers, tant et si bien que ceux-ci n'avaient plus rien d'impressionnant par contraste. Fièrement campé sur ses jambes, il portait une lance aussi haute que lui. Ellie, suffoquée, devina qu'ils n'étaient pas de simples Tuatha dé Danann. Si tant est qu'ils en fussent.

L'un des monstres terrassés ouvrit sa gueule à la dentition brisée.

Uediíu-mi belatowom mratotoutas.

Ellie perçut, comme les autres fois, la menace exprimée dans ces quelques syllabes étranges, bien qu'elle n'en comprît pas le sens.

En réponse à la tirade, le colosse planta sa lance dans le sol. La terre, aussitôt, se souleva avec une violence qui manqua de tous les renverser au sol, et son grondement furieux tonna comme le glas du monde. Une lumière aveuglante irradia la cour depuis l'endroit où la pointe de la lance s'était profondément enfoncée dans l'écorce de leur nourrice jusqu'au sommet des murailles gigantesques.

Surprise, Ellie éleva les bras pour se protéger de l'insoutenable éclat. Sa peau se hérissa sous la caresse de l'air chargé en énergie magique. Une vague souleva son estomac et lui oppressa la poitrine. Lorsque l'intensité lumineuse diminua enfin et qu'elle put rouvrir les paupières, il ne restait plus devant elle que les Tuatha dé Danann.

Ellie s'éveilla en sursaut, ses deux mains moites appuyées sur le matelas de son lit. Jamais, encore, son rêve n'avait été jusque-là.

Sa servante, ou plutôt sa gardienne, lui adressa un regard agacé depuis la chaise où elle était assise. Elle ne la quittait jamais, même durant la nuit.

— Avez-vous encore fait un cauchemar, votre majesté ? questionna Caithnab.

Ellie bascula les jambes hors du lit tout en lorgnant en direction de la Fomoire. Avec ses membres trop longs et décharnés, elle lui avait toujours fait l'effet d'un de ces insectes carnassiers que son oncle lui rapportait, fut un temps, pour lui montrer les trésors du monde extérieur.

— J'ai soif, éluda-t-elle.

Et, effectivement, sa langue pâteuse, presque desséchée, lui était désagréable.

Caithnab quitta sa chaise pour lui servir un verre d'eau avec le pichet reposant sur l'un des buffets de ses appartements.

Après l'avoir suivi du regard, Ellie se leva, non sans une grimace ; le sol était glacé sous ses pieds nus. Faisant toutefois fi de son inconfort, elle rejoignit la table basse pour donner quelques graines à ses mainates, qui la gratifièrent de sifflements. Leurs ailes la fascinaient, mais elle peinait à les reproduire. À l'inverse des autres Fomoires, elle n'avait aucun talent pour la métamorphose. La magie qui coulait dans ses veines était de piètre qualité, trop diluée. La faute à sa part humaine, d'après son géniteur, et cela n'était bien entendu pas un compliment.

Ellie avala une gorgée d'eau tout en observant d'un œil distrait les volatiles. Bien que plus petits et gracieux que les corbeaux, ils lui rappelèrent le songe. Une boule d'angoisse lui serra la gorge, et ses doigts se crispèrent sur le verre.

D'aussi loin qu'elle s'en souvenait, elle avait toujours rêvé, de temps à autre, de ce charnier empuanti par les miasmes. Elle ne s'en était jamais étonnée, compte tenu des histoires horrifiantes que son géniteur racontait dans le but évident de l'épouvanter. Toutefois, ces derniers temps, le rêve était devenu plus fréquent et avait révélé de nouvelles scènes. Ce qui n'avait été qu'un simple cauchemar inspiré par les récits sanglants de batailles antiques prenait une tout autre tournure... Bien que son géniteur fût avare en détail tant avec elle qu'avec autrui sur le passé de leur espèce, elle n'avait pas besoin d'un grand effort de réflexion pour comprendre le sens général de ses songes. Quant à savoir comment et pourquoi elle les voyait...

Elle n'ignorait pas que chaque Fomoire cultivait un don particulier, une affinité naturelle avec un certain type de magie. Elle n'en connaissait toutefois aucun qui fût capable de se remémorer un passé qu'il n'avait jamais vécu.

Caithnab émit une exclamation d'impatience, et Ellie alla docilement se préparer. La Fomoire avait déjà disposé ses vêtements pour la journée – en la matière, elle n'avait jamais le choix – et, une fois lavée et habillée, Caithnab coiffa la masse sombre de sa chevelure sans la moindre délicatesse. Le miroir lui renvoya le reflet triste de son visage que l'enfermement sans lumière naturelle avait pâli au fil des années. Elle grimaça lorsque son cuir chevelu lui tirailla.

Dans un moment de témérité, Ellie avait suggéré à son géniteur de faire remplacer Caithnab, mais le dieu s'était contenté d'esquisser un sourire narquois qui en disait long. Elle avait alors compris que c'était précisément parce que la Fomoire la détestait qu'il avait fait d'elle la personne en charge de la surveiller constamment. Ellie avait bien tenté d'amadouer Caithnab au fil des années, en vain. Diviser pour mieux régner. Son géniteur maîtrisait cet aphorisme à la perfection.

Ellie savait qu'elle passerait une autre journée aussi oisive et ennuyeuse que les précédentes. Elle relirait les mêmes livres aux pages usées qui envahissaient les étagères de sa bibliothèque. Voilà longtemps que son oncle ne lui avait plus rien apporté de nouveau. Bien sûr, Caithnab la surveillerait de son œil vigilant. Qui sait... Elle aurait pu trouver le moyen de s'échapper de ses appartements ou, plutôt, de sa geôle dénuée de la moindre fenêtre.

Un poids lui écrasa le cœur. Elle se souvenait d'une époque lointaine où son oncle l'emmenait hors de ce cadre étouffant, jusqu'à ce que son géniteur décrétât que cela était bien trop dangereux, sans préciser pour qui... Elle avait fini par comprendre que beaucoup la croyaient morte, même si une minorité murmurait qu'elle avait simplement été extraite aux yeux du monde.

Caithnab ayant cessé de torturer sa chevelure pour l'attacher en chignon, Ellie déboucha l'un des flacons de parfum, presque vide, et en huma la fragrance.

— À quoi bon en mettre ? Vous ne verrez personne hormis moi et nos seigneurs, remarqua Caithnab d'un ton volontairement blessant.

Ellie ne l'écouta pas et déposa une goutte de l'élixir au creux de sa gorge. Ses pensées voletaient déjà vers ses rêves. Si elle avait vécu normalement – grâce à ses lectures, elle avait une vague idée de ce qu'était une vie normale –, les visions l'auraient terrifiée. Au lieu de cela, elle éprouvait une curiosité et une excitation qu'elle croyait ne plus jamais ressentir dans son isolement.

Sous le regard mi-méprisant mi-intrigué de Caithnab, elle quitta la chambre et alla s'installer à son bureau. Quelques livres défraîchis s'y entassaient en pile, ainsi qu'un curieux cristal ressemblant à une citrine. Ellie apposa ses doigts dessus, et une pulsation lumineuse éclaira son visage. Ses yeux se voilèrent légèrement alors qu'elle fouillait dans les mémoires de la bibliothèque infinie à la recherche d'une chronique qui l'aideraient à identifier les protagonistes de ce songe obsédant. En vain.

Ellie acheva son examen et se tourna, agacée, vers la Fomoire qui l'avait bien entendu suivie.

— Pourquoi n'y a-t-il rien sur le bannissement de notre peuple dans les archives ? questionna-t-elle.

— Nous n'avions aucun accès à la bibliothèque avant notre retour.

Cette réponse ne convainquit pas Ellie. Il lui paraissait étonnant que nul n'ait écrit dessus durant les longs siècles de leur emprisonnement. Après tout, elle dénichait quantité de textes plus insipides les uns que les autres, dont le seul but était de narrer chacun des non-événements de cette période, à commencer par les échecs – toujours présentés positivement, ceci dit – de son géniteur pour les libérer.

Elle reporta son attention sur le cristal et effectua une nouvelle requête.

— Pourquoi, alors, n'y a-t-il presque rien non plus sur les années ayant précédé le conflit entre notre peuple et les Tuatha dé Danann ?

— Je suppose que nous avions plus importants à faire que de chroniquer les événements. Comme vaincre ces faux dieux, nota Caithnab avec acidité.

Ellie ravala de justesse ses paroles. Elle s'apprêtait à signaler qu'il était bien pratique qu'il n'y eût aucun écrit précis sur la question. Oh, bien sûr, elle trouvait des banalités expliquant comment les Tuatha dé Danann les avaient trahis après qu'ils les eurent sortis de leur ignorance bestiale et après qu'ils leur eurent confié quelques pouvoirs et responsabilités. Deux ou trois chroniqueurs poussaient même l'audace jusqu'à critiquer les Fomoires de l'époque, sans les nommer, pour leur naïveté à l'égard des humains ! Cela n'était toutefois pas suffisant pour satisfaire sa curiosité.

Elle pianota sur son bureau avec contrariété. Son géniteur n'évoquait guère le passé autrement que par le même genre de généralités, et son oncle suivait son exemple. Les humains possédaient bien quelques mythes, lui avait-il tout de même dit, mais ils étaient hérités d'une longue tradition orale et avaient été déformés par le temps et l'influence de convictions religieuses nouvelles. Même les récits irlandais n'étaient que des élaborations relativement récentes. Elle n'en savait guère plus, son géniteur lui ayant interdit ce type de lecture, dans sa grande bienveillance.

— Qu'avez-vous prévu aujourd'hui ?

Caithnab se donnait des airs vaguement intéressés, mais sa question n'avait que pour but de la tourmenter. Ellie décida de lui répondre avec dérision :

— Une promenade champêtre pour m'aérer et cueillir quelques fleurs...

La Fomoire fronça les sourcils, puis se détendit d'un seul coup. Encore une fois, il lui avait fallu du temps pour saisir le sarcasme, comme si certaines émotions humaines lui étaient totalement étrangères, à l'inverse de son géniteur, qui semblait plutôt doué en la matière. Ellie avait constaté que la littérature des Fomoires, comparées à celles des humains, était pour le moins ennuyeuse. Ils ne connaissaient pas la poésie, et leur fiction ne possédait pas la moindre once de fantaisie ou de sentiments.

— Ce soir, vous dînerez avec notre dieu et son prophète.

— Oh, que ferais-je sans ces merveilleux dîners mensuels !

— Vous avez en effet toutes les raisons de vous réjouir. Peu ont la chance de recevoir la sagesse de notre dieu de ses lèvres mêmes.

Ellie étouffa de justesse un gloussement à la pensée de leurs passionnantes discussions ou, plutôt, non-discussions. Il était évident que son géniteur ne lui rendait visite que par souci de perpétuer la tradition qu'ils avaient instaurée et parce que cela lui donnait l'occasion de se moquer cruellement d'elle de temps à autre. À moins qu'il participât pour marquer d'autant plus son désintérêt à l'égard de leur pseudo-famille et blesser, elle ne savait pourquoi, son oncle, qui accordait toujours une grande importance à ces réunions. Dans tous les cas, elle ne voyait aucune justification autre à sa présence qu'un profond sadisme.

— J'ai hâte...

Czytaj Dalej

To Też Polubisz

38.1K 3.6K 20
Parce que lassé de sa cartouche de jeu, Ben décide de hanter un téléphone.
5.2K 229 27
« - Oh, Eris... Ton amour pour lui ne t'amènera que du sang. » L'odeur des champs de lavande qu'elle adorait tant, les rires de ses frères et soeurs...
668 113 1
Perle, 24 ans, atteinte d'albinisme, est criblée de dettes et sans domicile, lorsqu'une proposition intéressante d'un riche inconnu lui parvient. Ma...