Ombre & Lumière Tome 1

Av marineroman

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Am donnerait tout pour redevenir une fille normale, que les ombres cessent de la suivre et que la lumière rev... Mer

Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13 Partie 1
Chapitre 13 Partie 2
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16 Partie 1
Chapitre 16 Partie 2
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20 Partie 1
Chapitre 20 Partie 2
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Remerciements

Chapitre 40

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Av marineroman

Je me retrouve à nouveau à me balader dans les ruelles du Paradis. Après une telle discussion ça me parait légèrement étrange, quoi que... plus rien ne m'étonne.

Je me souviens du jour où je suis venue ici, c'était après ma dispute avec Lahela dans le « Bistro Parisien ». Aujourd'hui la situation est à peu près la même, c'est déconcertant comme les jours se ressemblent, c'est intriguant la façon dont tout nous ramène au même endroit, à la même situation ou vers les mêmes personnes, comme si quelqu'un ou quelque chose, quelque part, tenait à ce qu'on voit ou qu'on vive une chose précise. Quelquefois le hasard et le destin sont si étroitement liés que l'on a l'impression que tout est organisé et prévu à l'avance et que les fameuses « coïncidences » ne sont en réalité que les points servant à relier les segments pour former une figure, une forme, quelque chose ayant enfin un sens. Ce sens est le sens de la vie, il laisse sur son passage des tâches d'encres qui en séchant forme des lettres, celles de notre histoire.

Une odeur de barbe à papa vient interrompre mes rêvasseries. Je la reconnais. Ce n'est pas de la barbe à papa. Je m'approche de la vieille dame qui remue sa pâte à l'aide d'un bâtonnet, à mon arrivée elle lève la tête et me fixe droit dans les yeux, attendant que je prononce des mots, comme des mots magiques.

Ceux-ci sortent de ma bouche sans même que je m'en rende compte : « Il est temps que je sache ».

La maison de la vieille dame est semblable aux chaumières des fées ou des sorcières que l'on voit dans les dessins animés. Il y a de vieux meubles en bois, des poutres qui traversent le plafond, une vieille porcelaine qui ne sert plus qu'à la décoration et quelques tableaux sur les murs.

La vieille dame referme la porte derrière moi tandis que je m'avance dans sa demeure. Elle me fait assoir dans un gros fauteuil bleu tonneau puis s'en va me chercher à boire dans la cuisine. Je me retrouve seule à observer le sol, les murs et ses peintures. Je m'attarde sur l'une d'elle, bleue, cette fois-ci comme la nuit, plissant les yeux pour parvenir à discerner ce qu'elle représente. Tout et rien, vraisemblablement, peut-être la mer, peut-être le ciel, peut-être une galaxie dénudée d'étoiles. Le style de cette toile m'interpelle néanmoins, le message, l'intention, la façon de faire, sont témoignages du symbole de cette peinture, dépassant de loin tout ce qu'elle pourrait représenter. Je tente de me souvenir... en vain...

La vieille femme revient avec une tasse contenant une tisane qu'elle dépose sur la table basse avant de prendre place sur le fauteuil en face de moi. Un léger silence s'installe, mais celui-ci est vite rompu.

- Quel est votre nom, jeune fille ?

- Am. Ambroisie.

- Ah ! C'est typiquement français de répondre par votre prénom à la question qui ne vous demande que votre nom !

- Oh excusez-moi, c'est...

- Laissez, cela n'a aucune importance.

Sa voix est celle d'une grand-mère qui s'adresse à sa petite-fille, douce et posée. La vielle femme est enrobée, elle a les cheveux gris, la peau terne, mais ses yeux sont d'un bleu presque impossible. Ils sont pleins de vie, de malice, de jeunesse... Ils contrastent tant avec le reste de son corps, atypique des personnes âgés et fatigués par la vie qu'elles ont menée. Je crois n'en avoir jamais vu une avec les yeux bleus. Un bleu plein de ressources, un bleu que seul un enfant aurait eu l'idée de mettre au creux des yeux d'une grand-mère.

- Et vous ? Quel est votre nom ?

Elle parait hésiter.

- Evelyne.

- C'est votre nom que j'aurais aimé connaitre.

- Allez-vous m'appeler par mon nom ?

- Ce n'est pas dans mes intentions.

- Alors il ne vous sera d'aucune utilité. Et puis c'est vous la jeunesse, l'avenir, l'espoir ; c'est vous qui nous intéressez.

- Mais c'est vous qui détenez les réponses, et par conséquent c'est moi qui possède les questions.

- Alors laissez-moi y répondre, mais soyez rusée.

- Et pourquoi cela ?

- Parce que je ne vous dirai pas tout, autrement vous ne retiendriez que quelques détails d'une réponse dont vous aurez besoin de la totalité pour la comprendre.

- Qu'est-ce que ça signifie ?

- Que vous n'aurez de réponses qu'à trois de vos questions.

- N'est-ce pas peu ?

- Cela dépend.

- De mes questions ? De la complexité de vos réponses, de leur complémentarité ?

- Sans nul doute. Posez, je vous prie, le temps nous ait compté.

- J'ai tout mon temps, et vous aussi je crois ?

- Non, ma pâte attend d'être mélangée de nouveau.

Je n'ajoute rien à cela et n'essaie pas d'évaluer l'importance qu'Evelyne accorde à ses gâteaux.

- Tout d'abord j'aimerais savoir... Si j'ai vraiment un pouvoir, et si je l'ai, pourquoi moi ?

- Tu ne te demandes pas si je sais de quel pouvoir tu parles ?

- Non. Je sais que vous savez, c'est évident.

- Bien, alors dans ce cas, je vais vous répondre.

« Les choses sont faites d'une certaine façon que l'on ne peut pas vraiment savoir le comment du pourquoi, la source des problèmes, à qui la faute, ce qui se serait passé si les choses auraient été différentes... On peut avoir notre hypothèse dessus, elle peut s'avérer vraie ou fausse, mais au fond, on ne peut pas tous avoir la même, si on cherche bien et qu'on ne suit pas un chef comme des moutons. Nous possédons tous une sensibilité différente qui fait que nous avons tous une approche de la vie qui nous est propre. De ce fait, comment savoir qui a raison ? Quelle hypothèse est la bonne ? Si c'est toi qui détiens ce pouvoir, on peut y trouver une raison, mais on n'aura jamais la certitude que c'est cette raison qui a fait que tu l'as, ou si elle n'est pas juste une coïncidence... On n'est jamais sûrs de rien, on ne voit pas tout, on ne sait pas tout. C'est avec le temps que l'on apprend. Vis ta vie, et ensuite tu pourras te poser la question : « pourquoi est-ce moi qui aie bénéficié de ce pouvoir ? » Ou peut-être sera-t-il encore trop tôt pour obtenir une réponse. Maintenant si tu souhaites avoir mon avis personnel, je crois que oui, tu détiens un pouvoir. Et si c'est toi qui l'as et pas quelqu'un d'autre, c'est pour une ou plusieurs raisons bien précises. Tu en feras quelque chose de ce pouvoir, ou alors, au contraire, tu n'en feras jamais rien, et cela serait le plus extraordinaire. Un pouvoir convoité, ultime, exceptionnel, unique, sans limites... et qui au final se retrouve entre les mains d'une jeune fille qui n'en veut pas, qui ne se bat pour aucune cause, et qui ignore quoi en faire. Cette situation me ferait bien rire... mais je pense néanmoins qu'elle s'éloigne trop de la réalité, et de ce que tu es.

- Qu'est-ce que je suis ?

- Est-ce là la deuxième question ?

- Oui, qui je suis et qu'est-ce que je suis ?

- Est-ce que tu es le genre de fille à laisser se passer les choses sans agir ?

- Oui. Je vois, je pense... mais je ne fais rien, dis-je en buvant une gorgée de tisane.

- Parce que tu ne veux pas ?

- Non ! Parce que j'ai peur.

- Alors tu sais qui tu es. Une peureuse.

- Pardon ?

- Nierais-tu ta vraie nature ?

- Non !

- Alors voilà. Tu es une peureuse silencieuse, ravagée à l'intérieur. Quand tu n'aimes pas ce qu'il se passe c'est à toi que tu fais du mal, car tu as la rage, la haine, et tu as besoin de faire sortir tout ça. Tu crois avoir besoin de te faire du mal mais non, ce dont tu as besoin c'est de faire sortir ta colère ! Un jour tu éprouveras tellement de haine et de peur que te déchainer sur toi ne suffira plus, il faudra que tu t'exprimes mieux que ça, tu éprouveras un besoin bien plus profond que celui de te faire du mal. Ce jour-là tu vaincras tes peurs et ne seras plus une peureuse, ce jour-là tu sèmeras le mal, mais pas dans ton propre esprit, dans celui des autres. Ce jour-là tu te vengeras de toutes les tortures, de toutes les douleurs, de tout le mal que les autres t'auront forcés à te faire. Tu puiseras alors en toi la haine, la peur, la rage, la colère, la peine, et tu les déferleras sur tes ennemis. Ce jour-là, ce fameux jour, tu seras libérée du mal. Enfin tu sauras qui tu es : une fille patiente qui aura cédé à l'impatience, une fille faible qui sera devenue forte, une fille calme en apparence qui se sera énervée, une fille aux allures discrètes qui se sera montrée, une fille silencieuse qui aura parlé. Pour l'instant tu gardes tout en toi, mais un jour tu t'exprimeras.

A-t-elle lu mon avenir comme dans une boule de cristal, sans avoir besoin de celle-ci ? A-t-elle déchiffré des cartes dénuées de couleur ? A-t-elle relié les points dans le sens de la vie pour obtenir une forme – mon histoire ?

- Qu'est-ce que tu es ? reprend-elle, tu es un corps qui ne demande qu'à recevoir les coups de la vie, tu es deux jambes qui attendent de courir vers l'horizon, tu es deux bras qui veulent soulever le ciel, tu es deux yeux avides de voir le monde, tu es une bouche impatiente de déguster les saveurs, tu es un esprit en plein questionnement, tu es une mémoire qui résout des énigmes, tu es une âme qu'on dit immortelle, tu es un cœur qui commence à tomber amoureux, et tu es Ambroisie, une humaine pas tout-à-fait comme les autres. Tout ceci tu le constateras au court de ton destin. Ton avenir s'annonce bien rempli.

Je songe quelques instants à sa tirade, avant qu'un détail m'interpelle.

- Je suis « un cœur qui commence à tomber amoureux » ?

- Je considère ceci comme une question à part entière et pas une interrogation dérivée d'une de mes réponses.

- Pourtant elle l'est.

- Oh je crois qu'elle est bien plus que ça. Est-ce là ta troisième et dernière question ?

Ah l'amour ! Tous les sujets mènent au même endroit !

- Oui, réponds-je sans hésitation.

Je perçois le sourire en coin de la vieille dame. C'est dire qu'elle est maligne la petite Evelyne !

- Bien. Sais-tu quand est-ce qu'on sait qu'on tombe amoureux ?

- On le sait, c'est tout. Ça vient comme ça. Même si on n'a jamais entendu parler du mot « amour », on sait qu'on est amoureux.

- Et quelles peuvent être les symptômes de l'amour ?

- Vous voyez ça comme une maladie, vous ? L'amour, je crois que c'est quand on pense h24 à celui qu'on aime, la journée on le cherche du regard et la nuit on pense à lui. Quand on aime vraiment, je crois qu'on serait prêt à tout faire pour cette personne, parce qu'elle a donné un sens à notre vie, qu'on se lève pour elle le matin et qu'on est devenu dépendant.

- Dépendant de l'amour ou de la personne ?

- De la personne. Parce que si on n'est plus amoureux d'elle, on ne cherche pas forcément à tomber amoureux, en revanche on pense encore à celui qu'on a aimé, et il nous manque toujours un peu, même si parfois on ne veut surtout pas le voir. Mais l'amour ou la personne qu'on aime, c'est pareil, on est accro, on ne s'imagine plus la vie sans lui.

- L'amour ou la personne que l'on aime ?

- J'ai dit que c'est la même chose. On ne supporte pas le fait que celui qu'on aime disparaisse, mais est-ce qu'on serait capable de supporter de rester avec une personne si on ne l'aimait plus ? On se voit amis demain avec notre amour d'aujourd'hui ? Non, parce que sans les sentiments la personne n'a plus autant de valeur... En fait... les personnes partent et l'amour aussi... Il peut s'avérer qu'il diminue tout-à-coup ou petit à petit jusqu'à ce qu'on ne pense même plus à cette personne et jusqu'à ce que toute trace de lui ait disparu... On peut oublier la personne aussi bien qu'on peut oublier qu'on l'a aimé, ou l'intensité de l'amour qu'on a éprouvé pour cette personne. Ce débat est un peu complexe en fait, parce qu'il y a des exemples et des contre-exemples. Je me contredis un peu depuis tout à l'heure même si en même temps je me donne raison.

- C'est vrai... Mais passons à la suite. Maintenant que tu sais en gros ce qu'on peut ressentir lorsqu'on est amoureux, est-ce que tu peux me dire si tu es amoureuse ou non ?

- Je ne le suis pas.

- Je confirme. En revanche à force de faire avec ce qu'il y a tu vas finir par tomber amoureuse.

- Prendre ce qu'il y a ?

- Oui, répond Evelyne, et j'ai l'impression que c'est une adolescente qui parle. A force de trainer avec les mêmes garçons, même si au début on les trouve nuls, on peut facilement s'habituer à leurs défauts et voir leurs qualités, avec le temps. C'est pourquoi si tu continues dans cette voie il y a de fortes chances pour que tu finisses dans les bras d'un garçon qui ne te rende pas véritablement heureuse. Tu « feras avec », comme on dit.

- Et c'est mal de faire avec la seule option que l'on a ? C'est toujours mieux que rien, non ?

- Oh cela dépend. Etre habitué à la médiocrité est aussi bien un avantage qu'un inconvénient. Le véritable problème est que lorsque tu rencontreras un autre garçon, même si lui non plus ne sera pas terrible, tu tomberas sous son charme rien que parce qu'il sera différent ou légèrement mieux que ce que tu auras connu précédemment. Tu seras émerveillée devant quelqu'un qui ne te mérites pas, et le pire dans tout ça, c'est que tu te sentiras coupable d'être avec lui, car tu ne réaliseras pas que c'est humain de vouloir mieux. Tu seras triste pour ton premier amour et tu n'aimeras pas assez le second pour tomber véritablement amoureuse de lui. En fait tu te retrouveras coincée dans une situation qui ne pourra jamais aboutir à quelque chose d'entièrement positif. Il y aura toujours un malaise quelque part, et quand on est jeune il vaut mieux partir sur de meilleures bases que ça.

- Est-ce que c'est ce qui va m'arriver ?

- Quoi donc ?

- De me retrouver dans ce genre de situation délicate ?

- Peut-être bien. Mais tu es maître de ton destin, non ?

- Oui, oui...

- Alors tu n'as pas à te faire du souci.

- Et pour ce qui est en train de se passer ?

- Oh en ce qui concerne le présent je ne fais que constater ce que je vois.

- Et comment faites-vous pour voir ? Vous ne me connaissez pas.

- Dans ce cas dis-toi juste que je constate la réalité.

- Mais quelle réalité ?! Vous ne savez rien de mes fréquentations !

- Mais j'en sais beaucoup sur toi, et cela me suffit.

- Que savez-vous sur moi ?

- Je sais que quand tu penses à lui tes yeux se mettent à briller.

- Qui ça lui ?

- Tu vois très bien de qui je veux parler, mais tu as peur, comme à ton habitude, alors tu as besoin que je le dise moi pour te convaincre.

Peut-être...

Au fond des yeux bleus turquoises d'Evelyne en qui je devine la petite malicieuse qu'elle devait être autrefois, je vois mes incertitudes reflétées par ses impertinences.

- L'héritier, bien sûr.

Fortsett å les

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