Ombre & Lumière Tome 1

Chapitre 7

Je cours la nuit durant, à la poursuite d'un courant d'air.

Depuis combien de temps suis-je dehors ? Je n'en ai aucune idée. Je ne vois pas le temps passer, je suis tellement impliquée dans ma tâche que plus rien d'autre ne m'importe. Je suis sur sa trace, j'en suis certaine, seulement elle est impossible à rattraper... Elle me mène en bateau, je le vois bien mais je ne dois pas la laisser faire !

Je stoppe ma course et essaie de me situer. Je suis dans une forêt... Bon sang je n'y vois presque rien ! Je suis très loin de mon jardin ou même de ma propriété.

Je me rends compte qu'en m'arrêtant j'ai perdu la trace de la chose... Tant pis, je n'aurais pas pu la rattraper de toute façon... Mais, si Elle avait voulu me guider ? M'emmener dans un endroit spécial ? Dans le lieu où Elle vit peut-être ?

A quoi bon regretter mes actes où semer le doute alors que je suis déjà perdue ? Je décide de ne plus me poser de questions et me remets en route.

Je suis attentive au moindre son, mon ouïe est la seule chose qui peut m'aider à retrouver mon chemin. Je perçois toute sorte de bruits étranges, de murmures... Normal, il n'y a pas que des jolis oiseaux dans une forêt.

Ma rage est un peu retombée et je peux donc mieux me concentrer, en revanche ma haine envers la chose reste intacte. Je me dirige vers ce que je pense être les légers flots d'une rivière. Lorsque je distingue les coassements d'un crapaud je suis rassurée. Je m'assois sur la rive et admire le reflet de la lune sur l'eau qu'elle rend si pâle. Je devine le courant prendre deux voies différentes. L'une est emportée par les cascades et l'autre dérive vers les rochers. J'entends l'eau se briser et éclater en gouttes minuscules qui s'évaporent. Je sens la fraicheur humide de l'écume qui vient jusqu'à moi.

Combien de temps suis-je restée là, à écouter la douce mélodie de l'eau ? Une heure, peut-être deux...

Lorsque le ciel annonce la venue du jour, je me lève avec peine et marche en amont de la rivière. Encore et encore. Aucune fatigue ne vient m'interrompre.

Je laisse mon âme décider de mon chemin

Et mon cœur choisir le cours de mon destin

J'atteins le sommet d'une colline, je ne reconnais aucunement les plaines qui m'entourent. Je me demande où je suis mais en fin de compte ça m'est égale. Je me fiche bien de rentrer chez moi pour ensuite aller au lycée. Tout ça n'a plus aucune importance. Je me contente de voir la beauté du monde auquel j'ai été aveugle tout ce temps. J'ai plus que l'impression d'avoir gâché ma vie jusqu'ici. Je me dis que bientôt elle sera terminée... Je n'en éprouve pas de tristesse, seulement de la paix. Je suis sereine. J'avance le cœur léger, en attendant mon heure. Je me fraye un passage parmi les buissons en pagaille et sens de la neige sous mes pieds. Je souris. D'un sourire plein de sagesse acceptant la vie qu'on lui a donné.

Mon regard s'attarde sur un lac gelé, situé au creux de deux montagnes entre lesquelles ont lieu tous les couchers de soleil. Dans mes yeux je sais que perlent deux larmes emplies de remerciements envers ce cadeau offert par le ciel. Puis je me rends compte que je suis bel et bien en vie... Ça me fait choc terrible. Mais soudain toute sérénité disparait de mon visage. La chose m'a paru si lointaine un moment... Mais je ne dois pas l'oublier. Je dois la trouver et la tuer. La haine noircit mon cœur et mon regard abandonne toute émotion.

Je m'éteins peu à peu

Sous mon trop-plein de feu

Par moment je redeviens la fille peureuse, subissant les malheurs de sa vie ; mais ces instants-là ne durent que très peu de temps, car une pierre a remplacé mon cœur et ne manque pas de me rappeler mon objectif, contre ma volonté, certes, mais que j'accepte néanmoins. Je suis une âme sans âme. Une âme vide de vie... une âme à laquelle s'accroche encore des souvenirs, qui eux engendrent des émotions, des sentiments... mais tout ça s'éloigne... je le sens bien. La chose a gagné... Elle guide même mes actes et mes pensées... Mais je vais me venger. Je vais mettre fin à tout ça. Si je ne peux pas ressortir vainqueur alors elle non plus. Elle mourra avec moi.