Ombre & Lumière Tome 1

Chapitre 13 Partie 2

Je me demande si elle aussi était hantée par les Trois coups et les évènements bizarres... de quoi suis-je en train de parler ? Quels évènements bizarres ? Je perds la tête ? Peut-être que oui, peut-être que non. Je m'en fiche en fait.

  Il y a quelqu'un, ou quelque chose, qui veut ma mort et qui me fait oublier des moments de ma vie. Alors j'écris pour pouvoir me rappeler, sauf que des pages de mon journal ont été arrachées, et je suis sûre et certaine que ce qu'elles contenaient avaient un rapport avec Loana et tout le reste... en fait tout se tient, sa mort et... à vrai dire je ne me souviens pas des autres évènements marquant de ces derniers mois. J'ai tout oublié. Ça me met hors de moi mais je préfère ne pas y penser.

  Je doute que tout ce qui m'arrive n'ait pour seul but de me faire peur. Je devrais me méfier... mais je sais qu'il est plus fort que moi. Il me trouvera ou que je sois. Il m'attrapera quoi que je fasse. Si je reste dans ma chambre à dépérir je lui faciliterai la tâche.

  Vêtue de noir je monte dans la voiture.

  J'ai un petit peu mangé. De toute façon même si j'avais faim mon ventre serait incapable de gargouiller, je ne ressens plus rien excepté un vide grandissant en moi. Une chose me ronge de l'intérieur. J'ai bien peur que dans quelques mois, seules les cendres de mon corps demeurent. C'est comme si j'attendais quelqu'un, mais je sais que cette personne ne reviendra pas. L'air a pris le goût de la fin, et le vent fera disparaitre les traces de pas.

  Je regarde défiler le paysage. Quand j'étais petite j'ouvrais ma fenêtre et je chantais à la gloire de la nature qui donne fraicheur et vivacité à qui sait la respirer, et amour et secrets à ceux qui la respectent... l'apprécient, l'aiment... Je m'adressais aux arbres en leur disant qu'ils étaient beaux, et aux montagnes en leur clamant leur grandeur.

  Pourquoi ai-je arrêté ? Peut-être parce qu'en grandissant je me suis sentie ridicule... c'est con. Peter Pan avait raison...

  Peter Pan, ce petit ange chargé d'emmener les défunts enfants avec lui au Paradis. Moi aussi j'aimerais qu'il vienne me chercher pour me faire découvrir le pays imaginaire... mais je me suis promis de venger Loana, et pour cela je dois rester.

  Mes parents sont passés à la phase numéro 2 : me remonter le moral. Pour cela mon père tente de me faire rire avec ses blagues à deux balles et ma mère se force à sourire alors que nous nous rendons à un enterrement.

  « Génial » devrais-je dire ? Non, il y a trop d'humour dans ce mot.

  - Ah ! J'en ai une bonne ! s'exclame mon père.

  - Vas-y on t'écoute ! s'écrie ma mère avec un faux enthousiasme.

  - Alors, vous connaissez la blague de l'escargot ?

  - Non, lui répond ma mère comme si elle était impatiente d'entendre la suite.

  - C'est l'histoire de deux escargots, justement, qui montent sur un mur. En arrivant en haut, l'un s'exclame : « Qu'est-ce qu'on en a bavé » !

  Tous deux se mettent à rire. J'ignore s'ils se forcent pour moi ou s'ils ont vraiment trouvé cette blague drôle...

  Pendant un moment j'ai honte d'eux.

  Le reste du trajet se fait en silence.

  Le cimetière borde la grande forêt. À sa gauche s'étend une vaste prairie dans laquelle sont enterrés des soldats morts lors de je-ne-sais quelle guerre. On m'avait raconté l'histoire mais je l'ai oubliée... je m'en veux terriblement.

  À quelques kilomètres de là, ancré dans la forêt, se trouve le vieux cimetière. On y accède par un sentier, sûrement recouvert de ronces puisque plus personne n'y met les pieds. J'y suis allée quand j'étais petite, mon arrière-arrière-grand-père y repose.