« Mademoiselle ? Je suis désolé, mais il va falloir reprendre. Votre compagnon, dans la pièce à côté, nous a bien fait comprendre qu'il fallait faire vite !
Je me frottais les yeux, cherchant à faire disparaitre le reste de sommeil qui s'accrochait à moi.
– Je dois faire comme d'habitude ?
– S'il vous plait !
L'homme qui se trouvait en face de moi m'avait interrogé depuis que nous étions arrivés à porter de la base, il était assez vieux pour être mon père : une couronne de cheveux blancs parfaitement peignés laissait voir une calvitie prononcée. Les pattes-d'oie autour de ses yeux étaient profondes et l'ensemble de sa peau était crevassée par des rides qui n'étaient pas dût qu'à son âge. Il ne devait pas avoir la cinquantaine. Il portait un uniforme de l'armée, mais il avait toujours été courtois avec moi. Pas un mot plus haut que l'autre.
- Joshua va bien ? demandais-je.
– Mademoiselle, j'ai peur de ne pas pouvoir vous donner cette information.
– Général, vous savez que si je voulais réellement sortir d'ici, je le ferais sans problème ?
– Votre compagnon nous a déjà montré à qui nous avions à faire.
Il posa un gobelet de café fumant sur la table en face de moi et s'installa avec le sien sur le siège qui me faisait face.
– Vous savez, quoi qu'il ait fait, c'est pour votre bien ! Il n'est pas du genre à faire des actions gratuites.
– L'une d'entre elles est malheureusement inacceptable !
– Il a finalement tué le commandant qui nous a arrêtés, n'est-ce pas Général ?
– Comment...
– Votre esprit est trop bien rangé pour que je ne puisse pas y lire, en plus, c'est logique. Avez-vous terminé l'autopsie ? Oui, je sais aussi que c'est la procédure dans ce type de cas.
– Je ne...
Je levais la main.
– Je peux vous dire ce que vous n'avez pas trouvé : un organisme humain fonctionnel. Plusieurs de vos personnels sont des créatures à la solde du Maître. J'ai bien peur que vous ne soyez qu'un troupeau parmi les autres, élevé en batterie pour permettre au groupe Z de développer une nouvelle humanité.
– Vous nous avez déjà dit cela, Mademoiselle. Reprenons, voulez-vous ?
– Très bien, je m'appelle Gézabelle « Bella » Nothingame, j'ai 18 ans. Je suis venue de mon plein gré me rendre au gouvernement de la République Libre des Amériques.
*
* *
Même si Joshua avait, à son habitude, réagi incroyablement vite et pragmatiquement. J'étais effondrée d'avoir laissé exploser mon pouvoir sans arriver à le contrôler. Je n'avais surtout aucune idée de la raison pour laquelle il s'était manifesté ainsi.
« Bella ! Il faut que tu te reprennes ! Nous ne sommes pas beaucoup à pouvoir toucher les infectés avant de les avoir lavés sans risquer d'être contaminé. »
Bien sûr, il disait vrai. Je passais, par un effort colossal, ma dépression et j'aidais à transporter les victimes vers le dortoir des garçons. Joshua, avec Sarah, s'occupait de Grace qui semblait bien mal en point.
Une fois les six autres infectés installés du mieux possible, je les vis rentré, l'air sombre dans le bâtiment.
« Et Grace ? demandais-je, nous n'allons pas la laisser dehors !
- Bella, la voix de Joshua était glaciale, mais comme à l'habitude sans colère, elle ne rentrera pas parce qu'elle est morte.
l'annonce me fit l'effet d'un coup de poing en pleine figure. Je m'affalais sur un lit vide, sous l'effet de la stupeur.
– Comment...
- Elle avait certainement une faiblesse cardio-pulmonaire. Le virus s'est propagé tellement vite que ses organes ont lâché avant d'être transformés. Nous allons brûler son corps. Il y a de grands risques qu'elle revienne sous la forme d'un zombi Z², le premier de son espèce. Et nous ne pouvons pas nous le permettre au vu des mutations qu'engendre cette version du virus. »
Tout cela en quelques secondes en raison d'un simple moment d'inattention et de pur bonheur. Je m'écroulais sur moi-même en pleurant.
À cet instant, l'univers venait de s'effondrer sur moi.
Je m'éveillais après plusieurs heures, allongées et bordées sur le lit. J'en conclus que Joshua avait fait en sorte que je dorme. Je ne me pensais pas aussi réceptive à sa manipulation mentale. Je me levais et regardais les flammes montées du grand brasier qui brûlait à l'extérieur. Un dernier au revoir à Grace que je connaissais si peu... mes larmes coulaient de nouveau.
Une petite main se posa sur mon épaule et une voix ensommeillée me murmura :
« Elle n'est que la première ! Tu ne pourras pas tous les sauver, Bella. Pas plus que Joshua, Sarah ou moi.
Je me retournais regardant dans les yeux le petit John. De marrons foncés, ils virèrent au blanc, puis en quelques secondes à l'argent, puis à l'or. Il poursuivit :
– Joshua va risquer sa vie pour nous donner du répit. Il ne faut pas que tu le suives.
Je regardais autour de moi, Joshua n'était plus là.
– Qu'est-ce qu'il...
– La seule chose logique qui reste à faire. Il est parti tuer le Maître. Je ne vois pas son avenir. C'est trop complexe, les intrications sont si nombreuses que je suis incapable de les interpréter.
– Tu sais déjà utiliser tes pouvoirs.
– Tu nous as aussi passé tes connaissances, celle de Sarah et celle de Joshua, souviens-toi ! Plus les mutants sont créés tard et plus ils sont compétents. J'ai hérité des connaissances de Sarah sur la lecture des probabilités, de Joshua, son esprit d'analyse et de toi, ta sensibilité.
– Il va se faire tuer, s'il y va seul !
– Je ne crois pas... Il sait ce qu'il fait.
- Je n'arrive plus à toucher son esprit ! dis-je avec une grande panique dans la voix.
– Il le bloque pour que nous ne ressentions pas ce qu'il vit.
– ça doit lui prendre une grande partie de son énergie !
– Il n'est pas le plus puissant d'entre nous, mais ne le sous-estime pas trop quand même. Son manque d'empathie et sa logique pragmatique lui permettent de gérer ses pouvoirs avec une précision chirurgicale.
Lloyd dut se baisser pour passer la porte et la prendre de côté. Il portait un simple pagne réalisé avec un drap que j'avais apporté plutôt dans l'après-midi. Il faisait maintenant plus de trois mètres et était d'une corpulence incroyable. Il avait hérité d'une forme de collerette en os qui entourait son crâne d'une clavicule à l'autre. Tout son corps était armuré de plaques semblables à celle de Joshua.
– Ho ! Désolé, je ne contrôle pas encore bien mes nouveaux appendices...
La collerette tomba sur ses épaules et son dos, pour ne presque plus apparaitre. Sur le dessus de son crâne, il y avait une sorte de triangle épousant sa forme qui ne semblait solidarisé qu'à l'arrière de celui-ci.
– Je comprends que je t'intrigue. Dit-il en se relevant. Je peux te montrer une fois que je suis complètement prêt au combat.
Me coupant le souffle, l'ensemble des plaques osseuses glissèrent sous sa peau pour couvrir ses muscles et ses organes. Je frissonnais. Deux pointes gigantesques sortirent de ses avant-bras au niveau des poignets par des logements jusqu'alors invisibles. La collerette articulée entoura son crâne et se rigidifia, le triangle qui se trouvait sur le dessus vint cacher son visage comme un casque intégral.
Son visage avait disparu, parfaitement lisse sous la couche d'os.
- Comment peut-il entendre ou voir ? demandais-je à John.
– Tu viens d'avoir un frisson, n'est-ce pas ?
– Heu, je ne m'en souviens pas !
– Et bien, fais bien attention ! Il utilise les vibrations de ses plaques d'os comme sonar. Ce qui lui offre une vision à 360 ° voire même sphérique.
– John a raison. Mais tu pouvais me poser la question : je peux répondre par télépathie.
Il reprit sa forme originale. Comme pour Joshua, et en dehors de son couvre-chef en os, il ressemblait au garçon que je connaissais.
– J nous a demandé de protéger l'observatoire. Amélia est en train de faire une ronde. Nancy contrôle les cieux et pour ma part, je retourne à mon poste de vigie.
- Comment vont les autres ? demandais-je à John alors que Lloyd se contorsionnait pour passer la porte.
– Il n'y a pas d'autres soucis de transformation, en dehors de Grace. Je me suis réveillé après une heure et demie, comme l'avait prévu Sarah.
Il me regarda, comme s'il hésitait.
– Joshua m'a demandé de faire, grâce à mon pouvoir particulier, une diversion. Mais je ne sais toujours pas si je dois le faire ou non. Sarah m'a dit que ça provoquerait l'attaque du Maître.
– Je l'ai vu aussi, John, répondis-je.
Je me concentrais, mais l'image que je vis ne correspondait plus à ce que j'avais vu avant. Les trames des possibilités avaient changé. Je voyais Joshua se repaitre du corps du Maître. En remontant les trames, ça n'arrivait que si nous affrontions nous-mêmes une partie de son armée pour permettre à Joshua d'entrer dans son repaire.
– John, je crois que tu dois le faire maintenant, dès que possible et au plus vite.
Nous courûmes à la salle des serveurs. Sarah nous attendait devant la porte.
– Le maître va tenter de vous arrêter en coupant les connexions dans quelques minutes si vous ne faites pas ce qu'il y a à faire maintenant.
Le jeune garçon entra dans la pièce et toucha le serveur principal. Il se figea comme si son corps était en état de léthargie, semblable à celle des zombis la nuit venue.
– Qu'est-ce qu'il est en train de faire ?
– Si j'ai bien compris, répondit Sarah, il est capable de fabriquer un monde imaginaire à partir des réseaux, informatiques, hertziens, électriques et même psychiques. Il en a alors un contrôle presque total.
Il revint après quelques minutes, et retira de leurs logements l'ensemble des 60 disques durs qui composait l'unité de stockage. Puis, il se dirigea vers le bloc électrique, coupa les onduleurs, les générateurs de secours et l'alimentation générale.
– Voilà, j'ai détruit toutes les données disponibles et l'ensemble des connexions avec les autres centres de calcul est muet. Je suppose que le Maître a déjà fait ce qu'il faut pour éviter qu'il n'y ait une perte massive de données, mais je pense que ça va lui donner une bonne raison de venir nous voir.
– Nous sommes en danger, maintenant ?
– Oui, certainement, mais nous avons notre propre armée, qui n'est pas un groupe de zombis. Amélia et Nancy sont plutôt efficaces et depuis que Joshua est parti nous recevons des souvenirs.
Effectivement, ma tête me faisait mal. Les images se succédaient dans mon cerveau à une vitesse incroyable.
– D'après Joshua, reprit John, nous n'avons plus besoin d'ingurgiter de la chair pour muter. Il suffit que l'un d'entre nous touche un infecté dont le virus est différent pour que nous soyons modifiés.
– Et il est en train de se battre, là ?
- Oh oui, je le crains.
***
Bonjour,
J'espère qu'elle n'était pas trop téléphonée cette partie ! Je travaille déjà sur la fin pour vous laisser comme il faut sur votre faim... Toujours pas de bonne réponse à notre petit Quiz, dernier indice : Mickey et Alan.
N'hésitez pas à commenter pour me dire ce que vous attendez de cette fin de saison... ça me permettra de savoir si je vais remplir mes engagements :D
Bonne lecture !