La princesse aux mille illusi...

By KailynMei

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(suite et fin du Roi des tréfonds, abandonné) Dix ans se sont écoulés depuis l'avènement de Bres. Dix ans... More

Prologue
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 1
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 3
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 4
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 5
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 6
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 7
Interlude 1 - Un amour insensé
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 1
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 2
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (1)
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (2)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (1)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (2)

Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 2

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By KailynMei

Tu mourras sans le moindre ami.

Puisqu'ils aiment me trahir, je ne vois de toute façon aucune bonne raison pour m'en faire.

Après quelques minutes à dériver dans l'enfer de ses souvenirs, le jeune homme ouvrit les paupières. Le plafond, d'abord flou, lui apparut enfin dans toute sa laideur. L'enduit d'un beige sale avait craquelé avec l'humidité.

Il se redressa sur le lit étroit et déglingué où il s'était écroulé dès son entrée dans la pièce. Il en sentait chacun des ressorts contre son corps. Le parfum lénifiant de la prêtresse imprimait encore son odorat, et le breuvage de la coupe avait laissé sa bouche pâteuse, avec un arrière goût sucré. Il dut se concentrer pour rassembler un semblant de pensées cohérentes au sein de son esprit anesthésié. Nul doute que la boisson sanglante avait été agrémentée de quelque substance au puissant effet psychotrope.

Il s'agenouilla à même le sol, se glissa deux doigts au fond de la bouche et vomit jusqu'à ce que la bile brûlât son œsophage. Il s'adossa ensuite au lit pour observer la cellule minuscule dans laquelle le Fomoire reptilien l'avait conduit. Ou, plutôt, jeté. Curieux comportement pour un être qui aurait dû se soucier du bien-être des adeptes.

Une chose n'avait pas changé depuis la disparition des moines : l'engagement religieux se conjuguait toujours avec le dépouillement et le rejet de tout matérialisme. L'odeur d'Aina ne l'obsédant plus, celle du moisi et de la poussière lui piqua les narines. Loin des promesses de Bres, les naïfs qui échouaient dans ce monastère n'avaient pas le droit au moindre confort. Heureusement, ils étaient sans doute bien trop drogués pour s'en offusquer.

Le jeune homme essuya du dos de la main quelques gouttes de sueur qui avaient coulé sur son front avant de gratter les cicatrices de sa gorge. La guérison rapide de sa blessure avait pour effet secondaire de l'irriter. La prochaine fois, il opterait pour une autre solution que de s'ouvrir la gorge. Toutefois, il n'allait pas se plaindre : les marques étaient un mal nécessaire pour tromper la vigilance de cet infâme gardien du temple.

Les Éveillés sacrifiaient tous une partie de leur corps, voire plusieurs, afin de prouver leur dévotion et leur renonciation. Il aurait pu se choquer de tels actes d'automutilation, mais il se souvenait de jours où les Hommes assassinaient leurs ennemis, et parfois leurs amis, à la gloire de leurs dieux. Tant qu'on leur promettait un avenir meilleur, leur espèce était prête à tout. N'en avait-il pas lui-même eu la preuve ?

Il se redressa en s'appuyant sur le matelas. Son environnement tangua brièvement avant de se stabiliser. La drogue continuait de l'affecter, mais il était parvenu à éviter le pire : l'oubli des véritables raisons qui l'avaient conduit dans ce lieu sinistre et décadent. Il esquissa un rictus, le genre que l'on ne voyait que chez ceux qui avaient définitivement accueilli la folie dans leur âme.

Soudain, il se rappela ne pas être venu seul. Malgré son pas encore mal assuré, il approcha de la porte. Il craignit de la trouver verrouillée, ce qui aurait compliqué sa tâche. Ses mains tremblant légèrement, il aurait éprouvé les plus grandes difficultés à la crocheter, si tant est qu'il eût déniché l'outil approprié dans cette austère cellule de moine. Fort heureusement, les Fomoires ne se méfiaient guère. Après tout, comment auraient-ils pu douter de leur engagement avec les preuves qu'ils leur avaient apportées ?

Il se glissa dans le couloir à peine éclairé par quelques ampoules à l'éclat jaunâtre. Après un effort de réflexion, il se souvint que le gardien avait emmené sa compagne dans la chambre voisine. Il colla son oreille contre le battant et, comme il n'entendait rien, tourna la poignée pour entrer.

La jeune femme était étendue sur un matelas abandonné à même le sol. Et dire qu'il avait critiqué le luxe de sa cellule.

Il s'agenouilla à côté d'elle et lui toucha l'épaule. Ses pupilles dilatées se posèrent sur lui, mais elles semblèrent le traverser pour se perdre dans les illusions engendrées par l'intoxication.

— Alice, appela-t-il tout bas.

Il lui tapota les joues, et elle battit des paupières avant de le dévisager.

— Aymeric ?

Alice s'assit avec difficulté et, tout en maugréant, porta sa main mécanique à son front. D'étranges images continuaient de tourbillonner dans son esprit. Elle se sentait bien, légère, aérienne. Elle n'ignorait pas que ces sensations grisantes étaient purement artificielles, mais la tentation d'y plonger pour oublier la souffrance qui lui rongeait constamment le corps était grande. Elle aurait pu s'allonger à nouveau. La drogue l'emmènerait dans un univers de félicité, la libérerait enfin des cauchemars qui hantaient chacune de ses nuits depuis l'arrivée des Fomoires. La substance dissoudrait sa haine et atténuerait les douleurs qu'elle croyait toujours percevoir dans le bras et la jambe que les monstres lui avaient pris.

Puis elle se remémora leur accueil dans la chapelle et se courba en deux pour vomir.

— Du sang. Elle nous a fait boire...

Un nouveau haut-le-cœur l'obligea à se pencher pour vider un peu plus son estomac.

— La salope ! Je vais la tuer...

Alice ponctua ses paroles d'un coup de poing dans le matelas. Quoique rassuré de la voir à nouveau combative, Aymeric se redressa en fronçant les sourcils avec sévérité.

— Un peu de patience. Nous n'avons même pas d'armes.

Alice se releva avec un soupir et observa leur environnement avec plus d'attention. Des taches sombres couvraient le matelas, et le sol dallé aurait nécessité un bon coup de détergent.

— Je suppose que se complaire dans la crasse est l'ultime étape avant d'atteindre la Transfiguration, nota Aymeric avec sarcasme.

Alice garda le silence pendant quelques secondes avant de lâcher dans un souffle :

— Ils s'en moquent. Ils les tuent.

— La prêtresse dirait que s'unir aux Fomoires et renaître sous une nouvelle forme est une bien plus belle métaphore.

— Ils les tuent, répéta Alice sans l'écouter. Des milliers d'Éveillés, à peine quelques dizaines de Transfigurés... Où sont les autres ?

Elle referma la main sur son bras artificiel avec une grimace. Son regard se fit absent. Pour quelques secondes, seulement. Le léger grincement des gonds l'amena à effectuer une rapide volte-face. Elle empoigna la nouvelle venue et la plaqua contre le mur sans ménagement. Une lame affûtée jaillit de son avant-bras. Aymeric n'eut que le temps de crier.

— Non !

La pointe de la dague s'arrêta à hauteur de l'œil de l'intruse. Un œil ambré, fendu par une pupille horizontale que la surprise et la terreur avaient un peu plus étrécie.

La mâchoire d'Alice se crispa. Elle éprouvait les plus grandes difficultés à garder son calme. Après avoir pris une profonde inspiration, elle cracha :

— Ne me dis pas que notre contact à l'intérieur, la personne que nous devons exfiltrer, est une Fomoire...

Face au silence éloquent d'Aymeric, elle esquissa une grimace de dégoût.

— Si je te l'avais appris, tu n'aurais jamais accepté de venir, expliqua-t-il enfin.

Alice étouffa un juron entre ses dents. Elle n'était guère surprise qu'Aymeric lui eût menti, car elle le savait manipulateur et dénué de la moindre forme de compassion, comme si son cœur avait été asséché face aux horreurs cachées sous l'idylle que prônait Bres. En toute circonstance, il agissait avec un pragmatisme fortement teinté de cynisme. Pour autant, cela ne signifiait pas qu'elle lui pardonnait de l'avoir trompée. Il connaissait son opinion à propos de ces Fomoires « humanistes » qui se prétendaient leurs alliés : elle ne croyait pas leurs promesses et considérait que leur cellule de résistants n'aurait jamais dû collaborer avec eux.

— S'il vous plaît, geignit la créature dont elle broyait toujours l'épaule.

Alice la relâcha, non sans un regard lourd de sous-entendus. La lame disparut dans son bras mécanique avec un cliquetis glaçant.

— Tu ne perds rien pour attendre, grinça-t-elle à l'adresse d'Aymeric, qui haussa les épaules avec indifférence.

— La fin justifie les moyens.

— Pas au point de se jeter dans la gueule du loup ! J'aurais dû écouter mon instinct. Venir sans arme et nous faire passer pour des Éveillés était déjà risqué, mais, là, nous atteignons le summum de l'idiotie !

— Eh bien, j'aurais pu aider l'un de nos camarades à se couper un membre afin qu'il te remplace, mais tu m'aurais encore trouvé... hum... extrême.

Le jeune homme croisa les bras et plissa les paupières. Ses iris azur se firent un peu plus durs et glacés, au point qu'Alice ressentit des picotements d'effroi le long de sa colonne vertébrale. Si cela n'avait tenu qu'à elle, jamais elle n'aurait accepté ce sociopathe parmi eux. Elle n'avait pourtant rien d'une enfant de chœur. En tout cas, plus depuis des années. Plus depuis que les Fomoires avaient marqué sa chair.

— Nous serions déjà morts à l'heure qu'il est si elle avait voulu nous tendre un piège. Ou pire, énonça Aymeric d'une voix froide qui n'incitait guère à la discussion.

Ils reportèrent leur attention sur la Fomoire. Elle n'avait pas osé s'écarter du mur et gardait les bras repliés sur sa poitrine menue dans un geste de défense, comme si elle craignait de recevoir un coup. Son visage rond, adolescent, était propre à inspirer la confiance même chez l'humain le plus retors. Sa peau sombre offrait un contraste saisissant avec le jaune surnaturel de ses iris.

— Je... Je m'appelle Laith. Aucun de vous deux n'est la personne avec qui j'étais en contact, n'est-ce pas ? osa la créature avec des trémolos nerveux trahissant sa crainte.

Alice, qui s'était mise à l'écart dans le fond de la cellule, se contenta de l'observer de travers sans desserrer les lèvres.

— Tu nous as demandé de venir parce que tu avais besoin de notre aide en échange d'informations. Nous voilà, déclara Aymeric.

— Mais...

Laith s'interrompit aussitôt en voyant l'expression du jeune homme se fermer un peu plus. Elle se rencogna contre le mur avant de le détailler. Il n'avait rien d'impressionnant contrairement à son agressive compagne. Il n'était, d'ailleurs, pas beaucoup plus grand qu'elle ni plus large d'épaule. Elle éprouvait pourtant un sentiment de malaise grandissant en l'observant. L'environnement cruel dans lequel elle avait grandi avant et après son arrivée dans le royaume des Hommes lui avait appris que les plus belles créatures étaient souvent les plus létales. Elle aurait eu tort de prendre l'androgynie de cet individu pour une preuve de faiblesse.

— Je dois... je dois vous montrer quelque chose, fit-elle.

Alice arqua un sourcil.

— Je ne te suivrai pas Dieu seul sait où.

— Vous voulez connaître la vérité sur la Transfiguration, oui ou non ?

— Quelle vérité ? lâcha Alice avec un mépris évident. Il ne fait aucun doute que vous les tuez même si nous n'avons jamais pu le démontrer jusqu'à présent. Sinon, pourquoi nous droguer ? Pour ma part, j'en ai déjà assez vu. Nous devrions réduire ce monastère en cendres, et toi avec.

Laith hoqueta sous la violence de ses propos. Puis elle baissa les yeux avec tristesse.

— Je ne peux pas vous en vouloir de me haïr. J'ai servi Bres parce que j'ai peur de lui. Parce que les Fomoires qui s'opposent à lui ne connaissent pas un sort plus enviable que le vôtre. Nous pensions que notre vie serait meilleure ici.

— À nos dépens ? questionna Alice.

— Pour moi, vous n'étiez rien de plus que du bétail dénué d'intelligence et de sensibilité, avoua-t-elle. J'ai compris ma méprise dès notre arrivée. Vous êtes... comme nous. J'ai vraiment voulu croire que Bres créerait un monde où nos deux espèces pourraient vivre en harmonie, mais ce n'était que mensonges.

Alice, à la fois méfiante et pensive, garda le silence. Nul n'aurait pu affirmer si les paroles de la Fomoire avaient fait écho avec ses propres sentiments, si sa détresse avait su la toucher au-delà de leurs différences.

Soudain, Aymeric applaudit. Narquoisement.

— Eh bien, ce discours était très touchant, mais si tu as besoin de confesser tes crimes, je te suggère de prendre rendez-vous avec un psychiatre.

Laith le fixa d'un air sidéré. Puis, les épaules basses, elle ressortit par la porte restée ouverte.

— Tu crois vraiment que le moment est venu de te faire une nouvelle ennemie ? questionna Alice tout en emboîtant le pas à la Fomoire.

— Dit celle qui a menacé de la brûler vive...

— Peut-être parce que mon coéquipier m'a menti.

— Je n'ai jamais menti. J'ai simplement omis la vérité.

Laith se tourna vers eux et posa un doigt sur ses lèvres dans l'unique but de ne plus les entendre. En cette heure tardive, ils ne croiseraient ni Aina ni le gardien dans le couloir qui desservait les anciennes cellules des moines. Ses semblables la laissaient veiller seule au relatif bien-être des Éveillés. Leur intérêt pour les humains n'était que superficiel, à peine différent de celui du boucher pour les bêtes que l'on conduisait jusqu'à lui. Elle regrettait parfois de ne pas posséder la même insensibilité avant de se rappeler que les Fomoires les plus traditionalistes ne possédaient pas plus de compassion pour leurs frères et sœurs.

— J'ignorais tout avant mon arrivée ici, il y a quelque mois, raconta-t-elle à mi-voix, presque pour elle-même. J'avais envie de croire les promesses de Bres, de croire que les humains qui choisiraient de suivre ses préceptes renaîtraient tous sous une forme nouvelle. Et, après tout, mon peuple n'a-t-il pas vaincu vos maladies, résolu le problème de la faim dans le monde et mis fin à vos guerres fratricides ?

Ni Alice ni Aymeric ne répondirent à sa question, manifestement rhétorique. Ils connaissaient fort bien les bonnes actions des Fomoires, car c'étaient celles-là même qui leur assuraient toujours plus de fidèles malgré le contrôle étroit qu'ils exerçaient sur tous. La plupart des humains s'étaient laissés convaincre de la nature divine de Bres et, surtout, de sa bienveillance à leur égard. Et parce qu'il leur offrait un semblant de Paradis, ils se moquaient que leur vie fût de plus en plus surveillée. Proposez un leader charismatique à la foule, affirmant être en pouvoir de tout résoudre, et celle-ci perd tout goût pour la liberté, qu'elle fût de mouvement ou de pensée. Le traitement du cancer ou du SIDA valait bien une interdiction de voyager de ville en ville sans autorisation, la certitude d'avoir une agriculture prospère celle de critiquer les décisions du nouveau dieu et de son prophète. Tant que leur bonheur personnel était assuré, la plupart des Hommes se moquaient du devenir de leur propre voisin.

— Vous vous rappelez que nous avons pris en charge vos criminels les plus dangereux peu après notre arrivée ? interrogea Laith.

— La criminalité a rapidement diminué lorsque les assassins et les violeurs ont découvert qu'on leur imposait une nouvelle façon de contribuer à la société. Ou, devrais-je dire, à la chaîne alimentaire, observa cyniquement Aymeric.

Laith s'arrêta devant une porte, qu'elle n'ouvrit pas immédiatement. Elle se tordit nerveusement les doigts, craignant tout à coup de révéler les secrets du monastère et d'en affronter les conséquences. La gorge nouée, elle chercha une quelconque forme d'encouragement auprès des deux humains, mais la femme affichait un air absent, et l'androgyne la vrillait d'un regard acéré. Elle ne pouvait plus reculer. Elle ne pouvait plus nier la réalité comme elle l'avait fait au cours des mois précédents.

Après avoir pris une inspiration, Laith ouvrit la porte et, toujours aussi nerveuse, entra la première. Alice pénétra à sa suite et se figea dès que ses yeux se posèrent sur le lit bancal. Son estomac se souleva dans un haut-le-cœur. Les lèvres crispées, elle ressortit, bousculant Aymeric au passage. Une fois adossée contre le mur de vieilles pierres du couloir, elle tenta de reprendre ses esprits, de se raisonner, de surmonter le mélange de répulsion, d'horreur et de révolte qui montait en elle. Ses souvenirs cauchemardesques, jusqu'alors réprimés, menaçaient de craqueler la fragile coquille de son intégrité mentale. Elle éprouvait la sensation que le monde avait irrémédiablement basculé dans la folie et que plus rien ne pourrait désormais le sauver.

Aymeric, qui l'avait suivie d'un regard intrigué, reporta son attention sur le fond de la cellule, non sans une légère grimace de dégoût. L'odeur fétide de la sueur mêlée à celle de l'urine et des excréments l'incommodait bien plus que le pathétique spectacle que leur offrait l'Éveillé. En vérité, il n'éprouvait qu'un profond dédain pour ces imbéciles qui avaient décidé d'adorer Bres en mépris de tout bon sens et, ce faisant, de précipiter eux-mêmes leur destin. À choisir la soumission plutôt que la révolte, à préférer s'enterrer dans le mensonge plutôt que d'affronter la réalité, ils ne méritaient guère mieux, de toute manière. Ils trahissaient leur propre sang dès l'instant où ils décidaient de s'abandonner à ce nouvel opium du peuple que constituait la religion de Bres alors qu'un peu d'intelligence leur aurait permis d'arriver au même constat qu'Alice : sur les milliers d'Éveillés partis en pèlerinage dans les temples, seules quelques centaines en étaient revenus Transfigurés.

L'adepte, aux paupières pourtant grandes ouvertes, ne semblait pas avoir remarqué leur entrée. Il restait immobile, allongé sur le dos. Sa large poitrine se soulevait à peine sous l'effet de sa respiration lente, presque laborieuse. Son embonpoint était tel que ses chairs flasques donnaient l'impression qu'elles allaient dégouliner d'un moment à l'autre hors du matelas. De temps en temps, ses yeux roulaient dans leurs orbites, comme le faisaient ceux d'un rêveur dans son sommeil. Un léger filet de bave s'écoulait de ses lèvres et formait une trace d'humidité.

Aymeric avança sans prêter la moindre attention à la Fomoire qui, inquiète de sa réaction, se tassait à nouveau dans un recoin. Il observa avec une froideur chirurgicale la poche dont le liquide rouge, semblable à celui qu'ils avaient bu, s'écoulait dans la perfusion reliée à l'unique bras de l'homme. Puis, il nota que, nonobstant l'atmosphère malsaine de la chambre, on avait soigneusement bandé ses moignons récents dans des gazes propres.

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