La princesse aux mille illusi...

By KailynMei

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(suite et fin du Roi des tréfonds, abandonné) Dix ans se sont écoulés depuis l'avènement de Bres. Dix ans... More

Prologue
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 2
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 3
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 4
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 5
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 6
Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 7
Interlude 1 - Un amour insensé
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 1
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 2
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (1)
Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 3 (2)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (1)
Partie 2 - Rêves d'un autre monde - Chapitre 4 (2)

Partie 1 - Prières sur les ruines de l'ancien monde - Chapitre 1

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By KailynMei



Your words are shivers down my spine

I'm numb and shapeless - in your web - in your web

My blood runs slow and red like wine

The past is shattered - forever

- Cure de Tristania



Dix ans plus tard...



La pluie dégoulinait le long des troncs et délavait le paysage de ses rares couleurs. L'hiver avait dépouillé les arbres, mais la neige n'avait toujours pas imposé son empire ivoirien sur les coteaux et les vallons. À vrai dire, elle ne tombait plus sur la région depuis que les Fomoires en avaient décidé autrement.

Une voiture aussi grise que la tristesse alentour s'arrêta sur la route goudronnée, non loin de l'ancien monastère fortifié au pied duquel périssaient les herbes.

Avec ces épaisses murailles hautes de plusieurs mètres, l'édifice moyenâgeux inspirait une écrasante sensation d'invulnérabilité. Pourtant, les rares moines qui s'étaient accrochés à leur foi, espérant d'une intervention divine, en avaient été chassés dix ans plus tôt... dans la souffrance et le sang. Leurs noms avaient grossi la longue liste de martyrs suppliciés par les Fomoires.

Il n'existait aucune place pour d'autres religions que celle du Dieu des dieux, Bres. Signe de la conversion de l'édifice au nouveau démiurge, une structure cristalline enclosait le toit de la chapelle et dressait ses aiguilles baroques et opalescentes loin au-dessus des sombres fortifications. Par beau temps, elles flamboyaient tel un fanal indiquant le chemin du pèlerinage aux fidèles. Mais en cette heure, elles se confondaient avec les nuées grises et jetaient un filet d'ombres arachnéennes sur ceux qui osaient se présenter à l'entrée du sanctuaire.

Le claquement des portières rompit brièvement le clapotement furieux des gouttes. Quelques secondes plus tard, deux silhouettes cheminèrent en direction de l'énorme porte du monastère. Capuches rabattues sur la tête, elles luttèrent contre le vent et la pluie qui témoignaient de l'humeur exécrable de la prêtresse vivant derrière les murs.

Arrivé devant l'entrée, le plus petit des deux visiteurs frappa avec insistance à l'aide du heurtoir gravé d'un œil reptilien entouré d'un symbole solaire. Puis, il attendit en émettant un léger reniflement. L'humidité les pénétrait jusqu'aux os.

Au bout d'un moment, le judas s'ouvrit dans un claquement. Deux yeux jaunes fendus de pupilles étirées les scrutèrent avec méfiance.

Le temple n'accueillait que les pèlerins sur le point d'atteindre la Transfiguration, ultime étape sur la difficile voie permettant aux Hommes de s'unir à leur dieu et de renaître sous une forme nouvelle. Ceux qui arrivaient jusque-là avaient enduré des mois d'épreuves et de souffrances pour prouver la puissance de leur dévotion. Ils apportaient leur désir d'une existence faite de jouissances célestes, leurs espoirs de transcender leur humanité pour s'incarner en... autre chose.

— Êtes-vous des profanes égarés ? questionna le Fomoire.

Sa voix était si chuchotante qu'elle peinait à s'élever au-dessus du bruit assourdissant de la pluie.

— Non, nous sommes des Éveillés venus de l'Eiffel pour connaître la Transfiguration, déclara celle des deux silhouettes qui avait frappé à la porte.

Ce fut peut-être grâce à sa voix douce et féminine, ou peut-être grâce à la teneur de ses propos, mais le Fomoire parut se détendre. Il ne leur ouvrit pas pour autant.

— Quelles sont les preuves de votre dévotion ?

Sans marquer la moindre hésitation, la jeune femme repoussa sa capuche. Malgré l'obscurité, le tatouage de son front, un œil reptilien placé au centre d'un soleil stylisé, n'aurait pu passer inaperçu. Son compagnon l'imita ; il portait lui aussi la marque distinctive, identique à celle qui ornait le heurtoir.

— Et celle de votre communion avec notre dieu ? ajouta le Fomoire.

La femme, dont les cheveux blonds dégoulinaient déjà d'eau, se contenta d'un bref acquiescement avant de soulever l'une de ses manches. En lieu et place d'un bras de chair et de sang, elle portait une prothèse mécanique, une merveille fusionnant science et magie conçue par les alchimistes Fomoires. Seul un mortel bien considéré pouvait bénéficier d'une telle faveur après la perte d'un membre. Cela intima aussitôt du respect à la créature, qui elle-même n'en avait jamais vue en dix ans.

— Voulez-vous aussi voir ma jambe, gardien ? questionna la jeune femme sans toutefois manifester la moindre animosité.

— Cela ne sera pas nécessaire. Par contre, je dois m'assurer que votre compagnon est bien un Éveillé. Avec ces infidèles qui tentent de nous infiltrer, nous nous devons d'être prudents.

La mutilée se tourna vers le jeune homme. Son visage pâle et ses cheveux noirs collés le long de ses joues lui donnaient un air presque pitoyable. Il tira sur son col pour révéler des marques sur sa gorge.

— Il a offert ses cordes vocales à notre dieu. Aussi, ne vous étonnez pas de son silence.

L'intéressé hocha la tête. Son regard brillait d'une ferveur confinant à la folie. Si tous les adeptes accordaient la même dévotion à Bres, certains l'exaltaient plus que d'autres, au point de consentir à des sacrifices infiniment supérieurs à ceux que les prêtres exigeaient d'eux. Là où certains se contentaient d'une phalange ou d'un orteil, d'autres se séparaient d'un membre, voire d'un de leur sens afin de prouver qu'ils ne doutaient pas de leur élévation finale.

Rassuré, le Fomoire referma le judas. Quelques secondes plus tard, un verrou cliqueta, et le battant s'ouvrit.

Sur les pas du gardien, les deux pèlerins passèrent une cour et traversèrent un bâtiment qui devait autrefois servir d'hospice. Ils longèrent un couloir percé d'arcades donnant sur un cloître dont la beauté aurait intrigué même les impies. Alors que le Fomoire silencieux poursuivait son avancée vers la chapelle couronnée de ses flèches de cristal, les deux mortels s'arrêtèrent quelques instants pour contempler les coraux purpurins dont les branches brillantes s'entremêlaient et s'élevaient vers le ciel. Un fin réseau de nervures d'un doré luminescent apportait chaleur et réconfort en cette journée glaciale. Le halo palpitait au même rythme qu'un cœur.

La femme posa une main sur l'épaule de son compagnon qui dévorait des yeux le bosquet fantasmagorique. Il hocha la tête pour signifier qu'il avait compris sa demande silencieuse, et ils rattrapèrent leur hôte qui patientait plus loin, indifférent à leur curiosité. Son visage osseux et cireux ne laissait filtrer aucune émotion. Ses yeux aux pupilles fendues avaient la fixité scrutatrice du serpent. Comme la majorité des Fomoires traditionalistes, il ne voyait guère l'utilité d'imiter les mortels jusque dans l'expression physique de leurs sentiments et se souciait fort peu de dérouter ses interlocuteurs par son inhumanité.

Ils entrèrent enfin dans la chapelle et durent se changer dans le narthex. Le Fomoire récupéra leurs vêtements avant de leur tendre des robes d'un noir austère pour couvrir leur corps.

Sitôt cela fait, ils passèrent dans la nef débarrassée de ses bancs. Les tapis rouges que l'on avait déposés au sol réchauffèrent leurs pieds nus. Si les vitraux avaient été occultés par des voilages sombres, des candélabres consumaient leurs bougies au pied des colonnes blanches, et un brasier brûlait aux deux extrémités du transept, tant et si bien qu'il ne faisait guère obscur. Un fort parfum d'encens embaumait la salle.

Les deux initiés s'arrêtèrent lorsqu'ils eurent rejoint le chœur.

Une Fomoire sculpturale se tenait là, accoudée à l'autel avec une désinvolture qui confinait au blasphème. Sa peau était d'une telle blancheur que l'on ne pouvait la différencier du marbre.

Les mortels retinrent leur souffle, car ils savaient avoir affaire à la prêtresse qui régnait sur ces terres. Sa longue chevelure ébène cascadait sur ses épaules en voilant partiellement sa nudité provocante mais nullement l'opulence de ses formes.

— J'ignorais que nous devions recevoir de nouveaux initiés, déclara-t-elle d'une voix profonde et sensuelle.

Elle fronça les sourcils ; ses yeux, perles nocturnes, rappelaient ceux dénués de vie des arachnide. Elle se décolla de l'autel et avança d'une démarche chaloupée. Ce faisant, le voile de ses cheveux révéla son pubis épilé.

Son corps exhalait une odeur entêtante de fleurs, qui donna aussitôt le tournis aux deux adeptes. Ils s'agenouillèrent en signe de révérence et la fixèrent avec expectative, hypnotisés par ses gestes empreints d'une lascivité malsaine.

Elle les étudia pendant quelques secondes, puis un sourire avide étira ses lèvres d'albâtre. Malgré sa peau lisse comme la pierre des statues antiques, la prêtresse avait abandonné la rigidité qu'affectionnait encore son semblable reptilien. Son apparence aurait-elle été plus humaine qu'elle aurait fait illusion.

— Soyez les bienvenus. Je m'appelle Aina.

Elle roula chacune des syllabes comme si elle en savourait la sonorité sur sa langue. Ses doigts fins terminés par des ongles effilés caressèrent la joue de la jeune femme, qui dodelinait légèrement de la tête sous l'emprise de son odeur capiteuse, obsédante. La prêtresse se pencha pour l'embrasser de ses lèvres à peine tièdes. Sa bouche s'attarda sur la sienne plus que de raison, comme si la Fomoire cherchait à la rendre un peu plus ivre de sa présence, un peu plus abandonnée.

Puis elle s'écarta et riva ses billes d'ébènes sur les iris bleus du jeune homme. Sa main effleura ses cheveux courts avant de descendre le long de sa nuque. Elle s'attarda sur les cicatrices de sa gorge ; elles exerçaient sur elle une fascination fétichiste.

— Avec des cheveux plus longs, tu serais tellement beau, murmura-t-elle à son oreille. Comme une femme. Ou... comment dites-vous déjà ? Comme un ange.

— Il sera tout ce que vous désirez, déclara la jeune femme.

Aina laissa échapper un rire et glissa les bras autour de leurs épaules pour les attirer contre elle.

— Oh, je n'en doute pas un seul instant ! s'exclama la Fomoire. Regardez-vous ! Si adorables que j'aimerais vous avoir pour moi seule...

Le gardien, sans doute agacé par ses propos, se racla la gorge pour attirer son attention. La prêtresse se redressa tout en lui jetant un regard vénéneux, puis se détourna pour revenir à son autel. Elle y ramassa une coupe dans un métal doré ouvragé et l'apporta à ses nouveaux disciples.

— Vous avez accompli le plus dur sur le chemin de la Transfiguration, mes enfants. Bientôt, vous vous unirez à nous pour renaître sous une nouvelle forme, énonça-t-elle, les paupières mi-closes.

Elle leur tendit la coupe. Si le jeune homme s'en empara sans la moindre réticence pour avaler une gorgée du liquide rougeâtre qui la remplissait, la jeune femme resta figée.

— Hésites-tu ? questionna la Fomoire.

Son sourire avait disparu, ce qui lui donnait une expression bien plus menaçante.

La jeune femme porta la coupe à ses lèvres et réprima la nausée qui s'empara d'elle lorsque l'élixir à l'arrière-goût métallique entra en contact avec sa langue. Sentant le regard d'Aina peser sur elle, elle se força à avaler. Aussitôt, une délicieuse félicité envahit son corps et plongea son esprit dans des brumes opiacées.

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