L'enterrement eut lieu le jeudi suivant.
Le rendez-vous avec la banque le vendredi.
L'envie de tout laisser tomber et de me pendre le samedi.
Soit aujourd'hui
Il fallait que je me change les idées, vite et bien, où une méchante crise de panique risquait de me terrasser sans gloire. Et pour ça, je ne voyais qu'une seule solution : Zoé et sa bande de copines, toutes plus fofolles les unes que les autres. J'avais plus que jamais besoin de leur hystérie fusionnelle et communicative. La solitaire dans l'âme que j'étais enviait de temps en temps leur amitié indéfectible et à toute épreuve et s'en nourrissait dans les moments bien pourris comme aujourd'hui.
En repensant à la dernière fois où Zoé m'avait traînée en boite, je décidais de me passer de son aide ce coup-ci pour le relooking. Ma dernière prestation en mode pute m'avait calmée pour les 10 prochaines années. Mon trio gagnant (slim noir / débardeur et ballerines rose pâle) serait parfait ce soir. Fini de chauffer qui que ce soit ivre morte sur une piste de danse, perchée sur des talons aiguille et moulée dans une robe riquiqui. C'était pas moi et j'étais de toute façon une femme rangée maintenant. En mode solo certes ce soir puisque Thiago avait son 1er entraînement de Capoeira made in France, mais solo casée quand même. Aucun effort particulier coté coiffure, juste une tresse lâche qui tombe sur mon épaule gauche. Et côté maquillage, pas plus d'énergie déployée, mes 6 mois au Brésil ont laissé ma peau halée comme il faut, alors un coup de gloss et de mascara suffiront.
2 heures plus tard, bien évidemment, rien ne se passe comme prévu. Alex, qui ne devait pas être là, vient de débarquer avec toute sa clique de potes et j'ai juste eu le temps d'aller me planquer aux toilettes avant qu'il n'arrive jusqu'à notre table. Sauf que je peux pas y rester toute la soirée. J'ai voulu appeler Zoé à la rescousse mais mon téléphone a rendu l'âme avant d'avoir pu envoyer le moindre SOS. Karma de merde. Avec tous les clubs, boites, restos et bars que compte Paris, il a fallu qu'on se retrouve tous les deux ici. D'un autre côté, même cercle, mêmes points de chute. Logique.
Je hais la logique.
Mais je hais encore plus cette habitude que j'ai de fuir dès que je gère plus. Un bon coup de pied au cul, voilà ce dont j'aurais besoin maintenant. Mon karma pourri m'a entendue et me transmet LE signe par l'intermédiaire de 2 dindes gonflées à l'hélium qui viennent d'entrer dans la pièce pour se ravaler la façade. Et continuer leur conversation sans se préoccuper de moi
- Bon dès qu'on y retourne, j'attaque ! Il est chaud bouillant ce soir Alex, ce soir je repars pas sans m'être au moins fait bouffer la chatte !
- Fonce alors chérie, mais j'espère que t'es prête à suivre le rythme. Depuis qu'il est revenu sur le marché, c'est un vrai sauvage. Encore plus torride qu'avant. Et crois-moi, je sais de quoi je parle, mon cul s'en est toujours pas remis. Il est monté comme un âne, t'as intérêt à mouiller comme une folle où t'y survivras pas !
Classes les deux dindes. Prends-ça dans la tronche Lise ! Parce que bizarrement, j'ai aucun doute sur l'identité du "Alex" en question. Finalement c'est pas plus mal, s'il est occupé à se taper tout ce qui bouge, il devrait même pas me calculer. Qu'est-ce que j'ai l'air con avec mes petits bisous dans la ruelle maintenant. Il a du me prendre pour une cruchotte, c'est pour ça qu'il réagissait pas en fait. Quelle conne d'avoir cru qu'il avait changé et que je lui avais fait de l'effet !
Étrangement reboostée par cette prise de conscience pitoyable mais implacable, je décide de ne pas me laisser démonter. Après un coup d'œil rapide à mon reflet dans le miroir, je pince mes pommettes pour les faire rosir naturellement, tire un peu sur mon débardeur pour faire pigeonner mon décolleté (réflexe de nana en infériorité mammaire flagrant et stupide, mais on se refait pas) et sors dans le sillage des 2 dindes. Cette pause m'a fait du bien, je me sens plus sûre de moi en revenant à ma table et prends l'option de l'ignorer superbement. Enfin c'était sans compter sur les 2 dindes que je n'ai pas vues s'arrêter devant lui et dans lesquelles je rentre avec autant de délicatesse qu'un éléphant qui charge.
Quand elles se retournent simultanément vers moi d'un air outré, et me dégagent un véritable couloir entre leurs deux plastiques refaites, je me retrouve projetée devant Alex, dont le sourire carnassier s'efface à mesure que ses yeux s'agrandissent en me dévisageant. Pour une entrée en scène discrète, c'est raté ! Les dindes gloussent en me regardant avant de faire le rapprochement avec "l'Affaire Miller/Caminsky" d'il y a 6 mois et changent alors radicalement de comportement. Dinde numéro 1 s'adresse finalement à moi avec mépris du haut de son 1.80 m surgonflé.
- Ton tour est passé poulette, t'as pas su le garder alors laisse ta place maintenant.
Il n'en fallait pas plus pour me redonner paradoxalement confiance en moi. Sans lui jeter un regard, je m'adresse directement au coq qu'elle cherche à mettre dans son poulailler.
- Toujours du mal à gérer votre raffiné cheptel à ce que je vois Monsieur Miller. Y a du laisser aller chez vos dernières recrues, il faudrait songer à rectifier le tir. Sur ce, chères dindes, je vous abandonne à votre séance de baise torride et sauvage avec celui qui est de retour sur le marché. Il est tout à vous ! De toute façon, je n'aime pas réchauffer un vieux plat, à part la ratatouille qui est toujours meilleure dans ce cas. Mais ce serait lui faire offense que de la comparer avec votre coq de batterie.
Dinde numéro 1 s'offusque pendant que Dinde numéro 2 chercher encore à comprendre le sens de mes paroles. Elles se sont bien trouvées ces deux-là. Je ne demande pas mon reste, attrape mon verre qui était resté sur la table et pars rejoindre les filles un peu plus loin.
Mais une main m'attrape le bras avant que j'ai pu aller bien loin et m'oblige à me retourner
- Qu'est-ce que tu fous là Lise ? Nathan m'a dit que tu ne venais pas.
- C'est ce que je constate en effet, désolée d'avoir contrarié le déroulé de ta soirée. Je te laisse, tu as des chattes à bouffer si j'ai bien compris. Par contre, touche pas à l'autre, son cul ressemble toujours à un chou-fleur apparemment. Essaie d'être plus doux la prochaine fois, ça fait désordre après dans les debriefs.
- Mais tu me fais quoi là Lise ? Putain ! Mais t'es MARIEE ! Je t'ai attendue des mois et t'es revenue avec une putain de bague au doigt ! Et tu me fais une scène maintenant ! Mais je rêve !
- Je te fais rien Alex, d'ailleurs je me casse comme tu le vois
- Ah non, faut que t'arrêtes ça aussi, te barrer dès que ça commence à partir en couilles. Faut qu'on parle. Et puisque t'es là, on va le faire maintenant !
- Non Alex. J'ai rien à te dire. J'ai eu une semaine franchement merdique alors j'ai tout sauf envie de te parler maintenant. Ni plus tard d'ailleurs. Tourne la page, comme je l'ai fait. Ce sera mieux pour nous deux, je t'assure.
- Hors de question Lise !
- Je te demande pardon Alex ?
- Je ne tournerai pas la page sur nous Lise, pas comme ça. Pas sans une explication.
- Mais qu'est ce que t'as pas compris encore ? Je me suis trouvé un mec et je l'ai épousé parce qu'il me baise comme un dieu. On ne bosse même plus ensemble toi et moi Alex. Y a plus de nous. D'ailleurs y a jamais eu de nous en y réfléchissant bien. Alors oublie moi !
J'avale cul sec mon Mojito en le regardant droit dans les yeux. Je savais même pas que j'étais capable d'une telle méchanceté. Ni même de mentir avec autant d'aplomb. La situation m'a complètement échappée, et l'air abattu d'Alex me donne envie de ravaler mes paroles illico.
- Allez, bonsoir Alex, vas vite rejoindre tes pouffes qui t'attendent ...
Et merde, ça pour le coup, c'était les mots de trop. Parce que je vois immédiatement dans ses yeux qui reprennent leur éclat malicieux, qu'il a compris ma supercherie. Faut que je décampe dare-dare ...
- Bonsoir Lise, profite bien de ton mari le roi du sexe, parce que je compte moi même lui remettre son petit cul brésilien dans l'avion du retour très bientôt. Et il repartira sans toi, crois moi.
Cette fois je file sans dire une connerie de plus. Je sens son regard brulant dans mon dos, je sais qu'il ne se détournera pas de moi avant un moment maintenant. Pfffffff, comment tout faire foirer en 10 mots... Bravo Lise, t'es vraiment la reine des connes. Pourtant c'était si bien parti ...
Je fais un détour par le bar pour me commander 4 shots de Téquila. Y a urgence là. Zoé vient de me rejoindre aussitôt, en mode furie vu qu'elle n'a pas loupé une miette de notre conversation. Elle attend que j'ai fini d'enquiller mes rasades pour ouvrir la bouche
- Toi et moi faut qu'on parle. C'était quoi le plan qui allait avec ta grande tirade au juste ? Pas qu'il t'oublie j'espère ? Parce que là, avec ta démo de grande classe, tu viens de lui lancer le défi de sa vie. Et Alex est trèèèèèèès joueur. T'es pas armée pour ça Lise, il va te bouffer toute crue. Remarque ça doit pas être désagréable de se faire dévorer par Miller ...
- Zoé !
- Je déconne ! Allez viens danser maintenant. Tu vas bientôt être toute bourrée, on va se marrer. Charlie a aussi passé une belle soirée de merde, faut qu'on te raconte, t'as raté trop de trucs tout ce temps. Elle s'est tapé son stagiaire, tu te rends compte ? Remarque, toi, t'as bien roulé une pelle à ton boss qui t'a peloté le cul en retour, vous faites la paire toutes les deux !
- Charlie ? Tu voulais dire Marie, non ?
- Non non Lise, Charlie, t'as bien entendu. Remarque c'est parce que t'as pas encore vu Camille, sinon tu poserais pas la question. Ah au fait, Thiago nous rejoint, il m'a envoyé un message tout à l'heure, il arrivait pas à te joindre.
- Cool ! Enfin une bonne nouvelle ! Ah bah tiens, quand on parle du loup !
Je le vois me faire signe et lui réponds en retour par un grand sourire. Mais ma joie de le voir s'éteint immédiatement. Alex vient de l'intercepter pour l'entraîner à sa table, au milieu de son cheptel dopé aux hormones ...
Alex de retour, et en mode Conquistador = 1
Lise qui s'est encore foutue dans la merde toute seule = 0