Nous avons longuement discuté avec Andrew, à propos de notre enfant. Personne ne doit savoir que j'ai accouché... cela ne collerait pas avec la date du mariage, et ça ne serait pas très bon pour nous que le bébé soit conçu hors mariage.
Après de nombreuses délibérations, nous avons décidé qu'il était trop dangereux de garder le bébé ici, avec nous. Nous confirons le bébé à Judith, pour qu'elle s'en occupe. Étant chez les sans-factions, personne ne fera attention. Et comme je me rends souvent dans ce quartier, je pourrai venir voir mon fils. Je suis triste de devoir laisser mon fils à une autre personne, mais c'est pour notre bien à tous, et je fais confiance à Judith. D'un commun accord, nous avons décidé de recenser notre fils à la mairie dans quatre mois. Neufs mois après notre mariage... sachant qu'un enfant nait en général au début du huitième mois... cela n'attirera pas l'attention.
Quatre mois, sans avoir notre fils avec nous... ça va être long... mais après, qu'est-ce-que quatre mois dans toute une vie ? Nous aurons bien le temps de nous en occuper après. Au moins, il sera en sécurité, et nous aussi.
Ce matin, je suis allée emmener Caleb chez Judith. Andrew m'a accompagné, et a, par la même occasion, prévenu Judith qu'il viendrait une fois par semaine pour voir Caleb. Il ne faut pas qu'il vienne trop souvent, car cela paraîtrait louche... d'autant que je viendrai tous les jours... il réussira en revanche à faire croire qu'il va une fois par semaine voir un ami, à savoir Michael. Et comme il venait déjà tous les samedis pour faire des travaux et des réparations des bâtiments, ça en sera pas suspect.
Une fois arrivée chez Judith, nous avons confié Caleb à sa nourrice. Judith a promis qu'elle prendrait soin de lui comme de la prunelle de ses yeux. Je sais qu'elle dit la vérité. Stacy a aussi promis de venir donner un coup de main à Judith si elle en a besoin, et à aussi accepter de jouer de nourrice remplaçante si Judith a besoin de se reposer.
Andrew a proposé de payer Michael et Judith, comme il garde Caleb et s'en occupe pendant quatre mois. Ils ont refusé l'argent.
– Vous nous rendez déjà beaucoup service, entre les travaux de la maison, les soupes populaires etc... dit Michael. Nous n'avons pas besoin de cet argent. Gardez-le.
Même si nous avons beaucoup insisté, rien n'y fait... ils ne veulent pas de cet argent.
Alors que nous étions en train de partir, Judith attrape mon bras.
– Natalie, me dit-elle. Ton ventre !
– Oui et ?
– Et bien, vous voulez déclarer la naissance de Caleb dans quatre mois... donc tu es encore censé être enceinte ...
– Oui et ?
– Il faut que tu mettes un cousin, me souffle Andrew. Sinon ça ne sera pas crédible. Pendant quatre mois, tu devras porter un cousin, et essayer de grossir ton ventre un peu plus.
Judith me tend un cousin de forme ovale, avec une fermeture pour rajouter du rembourrage.
– Mais ?
– C'est Stacy. Elle a pensé que tu devrais en avoir besoin. Elle te l'a confectionné avec un vieux cousin.
Je prends le cousin, et avec l'aide de Judith, je le mets sous ma robe.
– L'ilusion est parfaite ! dit Andrew. On dirait que tu es enceinte. Tu n'as toujours pas accouché.
Nous nous apprêtons à partir quand je ne retourne vers Judith.
– Une dernière chose. Même si je fais confiance à Evelyne, je ne veux pas qu'elle soit au courant. Moins de gens au courant mieux c'est, je demande à Judith. Je n'ai pas envie que Marcus l'apprenne ... il pourrait nous dénoncer. J'espère que tu comprends.
– Ne t'inquiète pas. Motus et bouche cousue ! Si jamais elle voit Caleb, je lui dirai que je garde un enfant d'une des mes voisines.
– Merci beaucoup, dit Andrew.
En rentrant chez nous, Andrew étant parti au travail, je m'assoie sur le lit. Je pense à mon fils, Caleb, que nous laissons à des amis. Nous ne sommes pas un bon exemple de parents, en abandonnant notre fils, mais c'est pour notre bien, à Andrew, à Caleb, et à moi. Je suis sûre qu'il comprendra. Si j'avais pu, je l'aurai garder avec moi...
Je décide de faire le ménage. Je range toutes les affaires de Caleb que nous avons gardées dans un carton, que je cache au fond d'un placard. Si jamais nous avons une inspection, pas la peine que quelqu'un voit les affaires pour un nourrisson.
Après une heure et demie de ménage et de rangement, je décide d'aller rendre visite à Stacy. Elle doit avoir besoin d'aide avec tous ses frères et sœurs. Et au passage, j'essayerai de voir si Evelyne va bien et si elle n'a pas besoin d'aide. Elle est rentrée hier chez elle, sur insistance de son mari. Nous avons demandé à Evelyne de quand même rester chez Judith jusqu'à ce qu'elle soit totalement remise, mais elle a refusé. Je pense surtout qu'elle ne veut pas que son mari la punisse et lui fasse du mal.
Je sais cependant qu'elle va bien, et que le petit Tibias aussi puisque Stacy va rendre visite à Evelyne tous les midis et tous les soirs, afin d'apporter le repas. Elle l'aide à faire le ménage le midi, quand Marcus déjeune à son travail.
Une fois chez Stacy, je la trouve en train de donner des cours à ses frères et sœurs. Ayant donné certains cours dans la Marge, je l'aide avec bon coeur. Les enfants sont adorables, même si parfois ils courent dans tous les sens et qu'ils crient. Même si j'aime beaucoup m'occuper d'enfants, je préfère ne pas en avoir plus de trois, sinon c'est impossible à gérer...
Pendant que Stacy prépare le repas pour sa famille, et pour Evelyne, je lis une histoire aux enfants, afin de les occuper par conséquent de les empêcher de faire n'importe quoi et de déranger Stacy qui fait la cuisine.
Après avoir fait à manger à toute la marmaille, et après en avoir couché certains pour la sieste, Stacy me propose de me rendre chez les Eaton afin de donner le déjeuner à Evelyne, et de l'aider.
– Comme ça je peux rester surveiller mes frères et sœurs.
J'accepte volontiers. Je prend le sac dans lequel Stacy a mis à manger, et m'apprête à partir quand :
– Je vois que ce ventre te va à merveille ! me dit Stacy avec un clin d'œil.
– Merci ! Merci beaucoup pour le ventre. Je t'avoue que je n'y avais pas du tout pensé... j'aurais été capable de me promener dans la rue, sans mon ventre. Heureusement que je ne l'ai pas fait. Imagine la réaction des gens...
– Quand j'ai trouvé un vieux cousin dans le grenier, je ne savais pas quoi faire. Et puis une de mes sœurs s'est amusé à le mettre sous son tee-shirt et à faire croire qu'elle était enceinte. C'est alors que j'ai pensé à toi... et je me suis dis que tu en aurais besoin...
– Et bien encore merci pour tout ! D'ailleurs je pensais à un truc. Si un jour tu dois t'absenter, pour garder Caleb ou autre, n'hésite pas à me faire signe. Je serais ravie de venir garder et m'occuper de tes frères et sœurs. C'est tout à fait normal... après tout ce que tu as fait pour nous.
– J'y penserai ! Merci beaucoup. Allez file ! Evelyne doit avoir faim.
Après avoir salué la famille de Stacy, je me rend chez Evelyne. Je frappe à la porte, comme me l'a indiqué Stacy, puis j'ouvre la porte avec la clef que m'a remise Stacy.
Une fois à l'intérieur, je trouve Evelyne allongée sur le canapé, une serpillère dans la main, un balais dans l'autre. Elle semble dormir profondément. J'entends Tobias qui pleure, un étage plus haut. Je décide de laisser Evelyne se reposer, et je monte. Je trouve le petit garçon qui gigote et pleure à plein poumons dans un petit lit en bois. Je le prends dans mes bras et le berce. Il se calme aussitôt, mais continue cependant de pleurer.
– Monsieur a faim ? Je vais aller te faire à manger. Mais d'abord, je vais te changer la couche.
Je descend ensuite et me rends dans la cuisine. Je prépare à manger à Tobias, et lui fait boire le biberon.
– Eh bien ! Tu avais faim... dis-je en regardant le bébé dévorer son biberon à une vitesse incroyable.
– Il a souvent faim, dit une vois derrière moi.
Je me retourner, et vois Evelyne, qui se frotte les yeux.
– Parfois, lorsque je suis occupée, je demande à Marcus de lui donner le biberon, m'explique-t-elle. Mais en général, il ne le fait pas... il est tellement obnubilé par son travail... d'ailleurs, en parlant de travail, il a eu une augmentation. Tu te souviens, le gouvernement avait dit qu'il recherchais un nouveau membre, car l'ancien prenait sa retraite. Et bien c'est Marcus qui a eu le poste. Il est maintenant un des dirigeants de la ville, et c'est lui qui s'occupe de la Cérémonie du Choix. Je te laisse imaginer combien il est heureux...
– Oui. Je comprends...
En disant cela, je suis un peu déçue. J'avais espéré que ce poste revienne à Andrew. Lui qui a tellement travaillé, et dur. Je savais qu'il voulait ce poste...
– Même si je suis contente pour mon mari, j'aurais préféré que ce soit le tien. Il le mérite largement, et puis je sais qu'il sera un bon dirigeant. Quant à Marcus...
Evelyne ne termine pas sa phrase, mais je devine la suite. Marcus battant sa femme, et vu comment il avait l'air assez stricte et pointilleux sur certaines règles, quand nous étions allé dîner chez les Eaton, Evelyne se demande s'il fera un bon dirigeant.
– Ne t'inquiète pas. Je comprends. On verra bien...
– Je suis désolée de ne pas t'avoir accueillie. J'étais en train de faire le ménage, et je me suis endormie sur le canapé...
– Tu n'as pas à t'excuser, je la rassure. Tu as bien le droit de te reposer. Vu tout ce que tu fais. Et puis il ne faut pas oublier que tu as accouché il y a peu de temps...
– Oui c'est vrai. Le temps passe tellement lentement ici, que j'ai l'impression que cela fait plusieurs mois que Tobias vit avec nous. D'ailleurs, c'est quand que tu accouche ? Tu as déjà un bon ventre.
J'essaye de ne pas rougir. Evelyne n'est pas au courant pour Caleb, et je ne veux pas qu'elle le soit. Même si au début j'avais pensé que Tobias et Caleb pourraient grandir ensemble, il vaut mieux que chacun grandisse séparément, pour éviter les problèmes.
– Normalement, c'est pour dans quatre mois à peu près, je réponds en essayant de paraître détendue.
– Bon courage ! En général, les derniers mois sont assez éprouvants... et je ne te parle pas de l'accouchement.
– Oui... surtout que j'ai accouché chez toi, seule, je pense pour moi-même.
Après avoir aider Evelyne à terminer le ménage, je rentre chez nous, la laissant manger tranquillement, pendant que Tobias fait la sieste.
Une fois rentrée, j'ai la surprise de trouver Andrew qui m'attend, autour de notre petite table, sur laquelle se trouvent un poulet ainsi que des pommes de terres.
– Je vous en prie, Madame Prior, me dit-il en écartant une chaise de la table pour que je puisse m'asseoir.
– Que me vaut cet accueil ? je demande.
– Nous avons quelques choses à fêter.
– Ah oui ?
– Et bien, tout d'abord, il y a eu des promotions au travail.
– Oui je sais, Evelyne m'en a parlé. Marcus est maintenant un des dirigeants de la ville. Je suis désolée pour toi, j'ajoute en regardant mon mari. Tu méritais ce poste...
– Ne t'inquiète pas pour moi... tu te trouves assise en face du nouveau directeur de la surveillance de la ville.
– Quoi ? C'est vrai ?
– Oui ! Mon projet a été mis en place, et pour me récompenser, on m'a offert ce tout nouveau poste.
– C'est super ! Je suis très contente pour toi !
– Et ce n'est pas tout, ajoute Andrew. Je viens d'apprendre que nous allons pouvoir déménager d'ici, et nous installer dans une maison.