Chapitre 67

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Harold soupira une énième fois en ce début de matinée sans pouvoir cacher totalement son inquiétude. Cela faisait déjà plus d'une heure que le soleil avait point par le soupirail et pourtant personne n'était venu le chercher.

Ce n'était pas normal.

Peu importe comment il tournait cela dans son esprit, il sentait que quelque chose n'allait pas.

Il aurait dû se trouver dans l'arène à entraîner des dragons, à la place il était toujours dans sa cellule, assis sur sa paillasse. À force d'ennui et de se triturer les méninges pour essayer de comprendre les raisons ayant pu entraîner ce changement de programme, il commençait à avoir faim et soif. Une sensation n'arrangeant en rien son humeur morose.

À sa gauche, les jumelles s'occupaient comme elles pouvaient en discutant pour la quinzième fois, si ce n'était plus, du dragon qu'elles choisiraient une fois sorti d'ici. Harold trouvait cela tout aussi mignon qu'exaspérant, lui qui était habituellement d'une grande patience avait bien du mal à se contenir. Les jeunes filles n'y étaient pour rien, l'inquiétude le rongeait. Un état que Kyria n'avait pas manqué de remarquer.

Elle était en face de lui et ne cessait d'observer ses mimiques contrariées depuis le début de matinée. Elle aussi ressentait la même chose, Harold le voyait dans ses yeux, mais elle le cachait un peu mieux.

Finalement, il décida de s'exprimer à haute voix.

— Ce n'est pas normal, quelqu'un aurait déjà dû venir. Ne serait-ce que pour nous donner à manger.

— Moi ce qui m'inquiète, c'est qu'avec aujourd'hui cela fait le troisième jour, répliqua Kyria.

En les entendant parler, les jumelles s'arrêtèrent et se tournèrent vers eux. Elles ne dirent pas un mot pour les déranger, calmes et prêtes à les écouter avec attention. Il aurait voulu leur épargner la peur et l'angoisse, mais il ne pouvait faire autrement, ils devaient avoir cette discussion. Leur avenir à tous était peut-être en jeu.

— Tu penses qu'ils ont menti ?

— Deux jours sans entraînement, car ils avaient soi-disant besoin de l'arène pour autre chose et un simple grognement à chaque fois qu'ils sont venus nous apporter à manger... Ils seraient venus te chercher ce matin j'y aurais cru, mais maintenant...

— Cela veut dire qu'ils voulaient me tenir à l'écart des dragons et de toute information sur ce qu'il se passe dans la forteresse.

— Tu avais dit qu'on avait encore du temps, dit Kyria avec une pointe d'énervement sous-jacente.

Ce n'était de toute évidence pas intentionnel, ses émotions avaient pris le dessus. Harold ne lui en voulait pas, il comprenait sa réaction. S'ils avaient laissé passer leur chance alors tout était perdu.

— Je ne comprends pas non plus ce qu'il se passe. De ce que j'en sais, il est encore trop tôt pour partir pour Beurk. Drago n'a aucune raison de prendre des risques en s'y rendant tant que l'île n'est pas suffisamment affaiblie et en plus il a accepté de m'emmener avec lui.

— Et s'il t'a menti ou pire, s'il a découvert que tu manigançais quelque chose ?

Harold sentit un frisson glacial le saisir. Il aurait voulu crier que c'était impossible, mais maintenant que le doute s'était immiscé dans son esprit, il n'en était plus aussi sûr. S'il avait laissé un indice sans le vouloir alors Drago aurait pu décider de rompre leur accord. Il aurait même été dans son intérêt de le faire.

D'un autre côté, si Drago lui avait menti depuis le début alors ils avaient tous deux joué au même jeu et Harold était dans une très mauvaise passe. Si Beurk tombait avant qu'il ne puisse agir alors la seule solution serait la soumission. À condition bien entendu que Drago l'accepte. Jusqu'à présent Harold s'était rassuré en se disant que dans le pire des cas il pourrait toujours faire comme s'il avait toujours eu l'intention d'honorer sa parole. Il avait conçu un plan plutôt souple lui permettant de jouer sur les divers tableaux. Soit il réussissait et sortait grand gagnant de la guerre, soit il perdait et se soumettait pour éviter le pire à ses proches et son peuple. Mais si Drago avait tout découvert, ce serait beaucoup plus difficile de lui faire croire en sa loyauté.

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