Chapitre 79

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La brise marine lui caressait le visage, la houle heurtait sauvagement la coque du navire telle une créature des profondeurs cherchant à l'entraîner avec elle, le faisant tanguer dangereusement.

Harold, les mains appuyées sur le bastingage de la dunette arrière, se tenait bien droit, le visage impassible. Cœur d'acier, visage de marbre, il ne devait pas montrer sa peur. Plus d'une fois au cours du voyage il avait cru que la fin était arrivée, le fond de l'océan pour tout tombeau. Les vieux rafiaux récupérés à la forteresse de Drago flottaient à peine, il avait cessé de compter le nombre de voies d'eau dont ils avaient dû s'occuper. Une bonne tempête et tout aurait été fini.

— Le voyage n'aura pas été de tout repos, la bataille à venir le sera encore moins.

Il jeta un regard à l'homme se trouvant à sa gauche. Fylkir Ernason, originaire du nord, un éclaireur ou plutôt un espion, se ravisa Harold. Il était l'homme qui lui avait donné des sueurs froides dans l'arène. Lui et son amie avaient réussi à l'atteindre sans que personne ne s'en rende compte. Par un heureux hasard, ils avaient découvert sa position le jour même de son évasion et ils avaient profité du chaos pour s'infiltrer.

— Peut-être, mais je suis content d'être arrivé.

Beurk se détachait à l'horizon, une fois de plus il revenait sur cette île qui l'avait vu naître et qui lui avait tant pris. Une fois encore son avenir s'y déciderait.

— Moi aussi, la civilisation m'avait manqué, répliqua Fylkir avec une pointe d'amusement.

— Je ne suis pas sûr que considérer la bataille qui décidera de notre avenir à tous comme étant la civilisation soit de très bon goût.

— J'aime mieux ça que de me morfondre, surtout s'il doit s'agir de mon dernier jour à arpenter ce monde.

Harold sourit de son ton mordant, il le pensait vraiment.

— Toi et Eldrid, en binôme, vous feriez la paire. D'ailleurs, ton amie elle aurait pu rester.

— Elle a son propre objectif. Je ne serais pas étonné qu'elle soit dans le coin pour voir le déroulement de la bataille, mais elle ne participera pas, dit-il le regard fixé sur le ciel.

— C'est quand même dommage, une paire de bras en plus n'aurait pas été de refus, soupira Harold.

Il manquait affreusement d'hommes, seulement quelques centaines sortis des prisons de la forteresse, plus une dizaine de dragonniers. C'était déjà une chance en soi. Drago avait laissé derrière lui une poignée de dragons dressés par Harold, sûrement par manque de temps pour former plus de dragonniers avant son départ. Un léger avantage dont il n'était pas mécontent. Cela lui avait permis de les envoyer en éclaireur. Il savait ainsi que la bataille battait son plein sur terre et dans les cieux. La situation était mauvaise, pas critique, mais sans une intervention extérieure tout serait perdu.

— J'ai toujours des réserves concernant votre plan.

— Tu es pourtant celui qui m'a amené les otages que vous avez sauvés, répliqua Harold en haussant les sourcils.

Fylkir était intelligent, il avait forcément songé à ce qu'il se passerait quand il lui avait présenté les quatre enfants de chefs de l'Est. Lui et sa coéquipière les avaient sauvés en infiltrant une forteresse où ils pensaient le trouver. À défaut, ils avaient amené à Harold un avantage, on aurait certainement pu parler de monnaie d'échange en terme moins flatteur. Avec ces quatre-là, plus les jumelles et Kyria, il espérait pouvoir convaincre au moins la moitié, si ce n'était la totalité, des hommes de l'Est de trahir Drago.

— Nous n'avons aucune garantie. Des voiles aux emblèmes de Drago, ça ne sera peut-être pas suffisant. S'ils envoient un navire pour vérifier, on est mort. Si les éclaireurs se sont trompés et qu'on ne débarque pas exactement là où sont les hommes de l'Est, on est mort. Et à supposer que tout fonctionne, il faudra encore réussir à leur parler avant d'être attaqué.

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