Chapitre 64

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— Il va bientôt être l'heure, commenta Kyria depuis sa paillasse en regardant Harold.

La lumière matinale filtrait difficilement à travers le soupirail. C'était devenu une sorte de rituel entre eux depuis l'entrevue d'Harold avec Drago. Quand le jour pointait, Kyria prononçait cette phrase. L'heure pour lui d'aller entraîner les dragons, l'heure de sympathiser avec l'ennemi, mais pas seulement. Chaque jour cette heure se rapprochait un peu plus du moment fatidique où tout prendrait fin.

Les jumelles dormaient toujours, lovées l'une contre l'autre. Recouvertes par une couverture de laine, seules leurs chevelures d'or étaient visibles. En les voyant aussi paisibles, Harold sourit. La situation avait beau être ce qu'elle était, même au fin fond d'une cellule dans une forteresse perdue il était possible de trouver de l'espoir. Elles représentaient l'avenir. Lequel ? Il n'en savait rien, mais il ferait tout pour leur en donner un. Un avenir dans lequel elles pourraient s'épanouir et où il serait aux côtés d'Astrid, c'est ce qu'il souhaitait de tout son cœur.

Il voulait croire en leur sincérité ainsi que dans celle de Kyria. Il faisait toujours attention, il redoublait de vigilance dans ses propos et dans ce qu'elles lui disaient. Il restait sur ses gardes, mais instinctivement il acceptait leurs paroles. Malgré les ombres ayant noirci son cœur, s'il devait un jour lever son arme contre elles il n'était pas sûr d'en avoir le courage ni la résolution. Ses liens avec elles s'étaient renforcés. Une forme de confiance avait commencé à se former, certes fébrile, toujours est-il qu'elle était bien présente.

— Tu te souviens de ce dont je t'ai parlé sur Yrving ?

— Ne t'en fais pas, je n'ai rien oublié, répondit Harold en reportant son regard sur Kyria.

— Avant de lui révéler quoi que ce soit, pose-lui bien les questions dont on a discuté. S'il réussit à y répondre correctement alors ce sera forcément leur oncle, dit-elle en jetant un regard aux jumelles endormies.

— Ne t'inquiète pas, je sais ce que j'ai à faire. Mais tu sais, c'est un prénom très commun, il ne s'agira peut-être pas de lui.

— Il faut quand même tenter le coup.

— Je sais, je voulais juste t'éviter de te faire trop d'espoir au cas où ça ne serait pas lui.

— Merci de te préoccuper de mes sentiments, mais vu la situation c'est un luxe qu'on ne peut pas se permettre.

L'homme dont ils parlaient était un garde de l'arène où Harold entraînait les dragons. Un homme de l'Est chargé de sa surveillance qui s'était montré particulièrement bon envers lui. Il avait fait preuve de souplesse, ils avaient discuté et ils avaient même partagé un repas. Harold avait relaté tout cela à ses compagnes de cellules et à son propre étonnement il en était ressorti une possibilité inattendue. Si elles ne se trompaient pas, cet homme pourrait être l'oncle des jumelles. Une aubaine pour Harold, encore faudrait-il réussir à déterminer dans quel camp il se trouvait. Travaillait-il en tant que garde par obligation ou avait-il embrassé la cause de Drago ? Cela restait à déterminer.

Des pas se firent entendre dans le couloir, ses geôliers venaient le chercher. Harold s'approcha de la porte.

— On se revoit tout à l'heure, lui dit Kyria.

Harold hocha la tête et lui sourit. Les gardes arrivèrent l'instant d'après. Ils vérifièrent que tout était en ordre dans la cellule puis ils l'ouvrirent pour laisser Harold sortir.

— Guthorm, Lif, voir vos têtes de si bon matin aurait de quoi dégrisé le plus saoul des vikings.

Les deux grognèrent de déplaisir. Ils auraient sûrement aimé pouvoir s'en prendre à Harold pour le remettre à sa place, une chose désormais impossible pour eux.

Dragon NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant