Chapitre 42

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Bannie...

Tout aussi acéré que la lame de sa hache, ce mot résonnait dans l'esprit d'Astrid avec la dureté de l'obsidienne, lacérant son esprit de sa signification. Elle souffrait. Mais pas de cette douleur vous faisant vous recroqueviller sur vous-même ou vous agiter en tous sens. Non. Une douleur libératrice.

S'en étaient fini des mensonges. Terminé cette idée absurde de mariage. Elle allait enfin pouvoir être elle-même.

À son propre étonnement, elle se sentait soulagée. De tout ce qu'elle s'était imaginé c'était le plus troublant. Si la situation n'avait pas été aussi dramatique, elle en aurait presque souri. Seule l'en empêchait l'idée qu'elle ne reverrait plus sa famille et ses amis.

Pas sur Beurk en tout cas.

Son île lui manquerait, c'était une certitude. À cette pensée son cœur se serra. Elle y était née, elle l'avait toujours considérée comme son foyer. Elle avait fait tellement pour la préserver, la protéger que la sanction en était d'autant plus douloureuse, mais elle tentait de se rassurer comme elle le pouvait.

Ils pourront toujours venir me voir... mais où ?

C'était la grande inconnue. Les nordiens allaient-ils l'accepter ou lui refuser leur hospitalité par crainte des conséquences sur l'alliance après la scène qui venait de se produire ? Elle n'avait pas réellement réfléchi jusqu'à ce point et elle sentait désormais une angoisse sourde prendre forme dans sa poitrine.

S'ils refusent de m'accueillir, qu'est-ce que je ferais ? Je ne vais quand même pas errer seule. J'aurais peut-être dû me montrer moins impulsive...

Dès l'instant où elle avait appris le plan d'Harold, le savoir en forme, à la tête d'une armée, prêt à en découdre avec l'un des plus importants lieutenants de Drago, son sang n'avait fait qu'un tour. Elle avait foncé sans plus de réflexions ni prendre le temps de remercier les dragonniers venus les chercher. À cette idée elle se sentit légèrement honteuse, revoyant dans son esprit leurs visages harassés de fatigue. Les pauvres n'avaient pas dû avoir un instant à eux. Afin d'accomplir la volonté d'Harold, ils avaient sans aucun doute donné le meilleur d'eux-mêmes et c'était à peine si elle leur avait montré de la reconnaissance. Si elle les revoyait, elle se promit de leur faire ses excuses. Ils méritaient au moins cela pour avoir permis à leur petit groupe d'arriver à temps.

Tout au long du trajet elle s'était imaginé un nombre incalculable de scénarios sur la manière dont elle devait agir, pesant le pour et le contre sous le regard inquisiteur de ses amis. Se révéler, faire profil bas, ne rien dire, aller voir Stoïck seule, rencontrer Harold en premier... Elle avait tout examiné jusqu'à l'exaspération, choisissant au dernier moment, en arrivant au-dessus de l'îlot d'abandonner toute idée de plan. Poussée par un élan de rage, elle avait décidé qu'il était temps d'en finir quitte à en payer le prix.

Elle ne pouvait plus supporter les mensonges et les faux semblants. Ils risquaient chaque jour leur vie, si les Dieux la rappelaient à eux elle ne voulait pas avoir de regrets. Elle connaissait les risques et ses chances. Sur Beurk les choses étaient claires, tout acte pouvant relever de la trahison entraînait l'exclusion du clan ou la mort dans les cas les plus graves.

Elle avait parié que Stoïck n'irait pas au-delà du bannissement. Pas avec Alrik et une partie des membres de la Garde Noire à ses côtés. Elle s'était liée avec eux, elle avait obtenu leur fidélité, pour Alrik cela allait au-delà. La mort de Raina les avait rapprochés. Il était devenu son ombre tout comme elle était devenue la sienne. Ils se battaient de concert, se soutenant tant dans l'âpreté des combats que dans la quiétude leur faisant suite. Elle en était venue à apprécier le surnom que leur avaient donné les soldats.

Dragon NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant