Chapitre 44

1.4K 69 21
                                    

Le Dragon des Mers, le plus imposant de tous les Skeids jamais construit de main d'homme fendait les flots avec grâce. Devant eux s'étendait l'océan et au loin un point noir dont les contours se dessinaient peu à peu au fur et à mesure que la pénombre s'éclipsait. Il s'agissait de leur destination, une terre de douleur et de sang en devenir pour tous ceux qui accompagnaient Thorkell.

Il se trouvait sur la dunette du navire aux côtés de son père. Harold avait accepté de leur prêter son vaisseau pour mener la flotte nordienne. À leur droite se trouvait l'immense navire amiral de la Coalition commandé par Stoïck, pris aux mains de Drago des semaines auparavant lors de cette folle tentative d'attaque d'un convoi de la Coalition. Une décision totalement irréfléchie au point de se questionner sur la santé mentale du décisionnaire d'une telle action. Leur échec cuisant avait fourni à Stoïck un navire de guerre des plus impressionnant et à l'Alliance un prisonnier qui les menait vers un tournant de la guerre. Ils avançaient côte à côte au son mugissant des flots heurtant la coque et des vents d'ouest dans les haubans, ils menaient à leur suite près d'une centaine de navires. Skeids et drakkars se confondant en une vision d'une beauté sans pareille, capable d'emplir les cœurs d'espoir et d'effroi.

Sur les ponts les guerriers se tenaient en rang, arme à la main, prêts à se jeter au combat tandis que les marins s'affairaient pour maintenir la vitesse et la position des navires. Dès le début de leur expédition ils avaient fait une croix sur le confort pour emmener un maximum de soldats avec eux, rendant le voyage des plus éprouvant. Sur un navire, point d'espace et d'intimité lorsqu'il s'agit de mener une armée à la guerre. Tous n'avaient qu'une hâte, pouvoir se reposer en quelque terre paisible et d'y retrouver une certaine forme de solitude. Ni l'île d'Ospig ni l'îlot n'y avaient été propices, ils y étaient restés bien trop peu pour en tirer un quelconque bénéfice. En revanche si les Dieux étaient avec eux aujourd'hui ils pourraient profiter de quelques jours de repos une fois l'île prise et Dagur capturé.

Un peu de repos ne fera pas de mal, voyager en mer ainsi entassé mettrait à cran n'importe qui. Je suis bien content de n'a pas avoir été là durant la première partie du voyage...

Thorkell laissa courir son regard sur la flotte et les soldats sans pouvoir empêcher un frisson d'excitation de le parcourir. Il y avait tellement d'hommes, presque trois mille sur les navires et quasiment une centaine de dragonniers dans les cieux. Une part importante des forces des dix-neuf clans. De mémoire viking on n'avait pas vu cela depuis au moins plusieurs siècles lors des grandes guerres de légendes où le titre de Protecteur du Nord avait vu le jour.

Une force conséquente dont la morale et la vision pouvaient changer le monde. Pendant un instant Thorkell se demanda ce que l'on pouvait ressentir à commander une telle armée, savoir que d'un mot des milliers d'âmes se mettraient en mouvement. À l'allégeance aujourd'hui divisé en une multitude de chefs, unis seulement par nécessité, mais si un homme venait à diriger véritablement l'ensemble des nordiens alors les possibilités...

Il y en aurait tellement, il suffirait de modifier les pouvoirs attribués au titre de Protecteur du Nord pour qu'il ne soit plus un simple représentant avec quelques prérogatives, et avec la bonne personne...

— Impressionnant, n'est-ce pas ?

Thorkell tourna la tête, son père s'était rapproché, les deux mains posées sur la rambarde de la dunette, le regard vers l'avant. Sa barbe hirsute lui donnant l'apparence d'un vieux loup de mer, avec la guerre il avait cessé de la tailler tout comme il avait laissé pousser ses cheveux. D'un blond presque aussi blanc que l'albâtre, ils voletaient au gré du vent. Malgré ce laisser-aller il n'en émanait pas moins de lui une aura d'autorité, il était chef et cela se ressentait.

Dragon NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant