10 - PHANTOM - Partie 1/2

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La pluie avait cessé pendant la nuit. Une légère brise charriait un mélange de terre encore humide et d'effluves subtils de chair carbonisée. Les rues vides et silencieuses s'animeraient dans quelques heures.

Tandis que le ciel se teintait d'un doux dégradé pastel, Kyeran méditait, assis sur un toit. Il profitait de cette accalmie matinale pour se recueillir auprès des âmes dont la flamme s'était éteinte trop tôt. Des images d'enfants décédés la veille dans les bras de leurs parents le hantaient et son cœur se pinça alors qu'il adressait une prière silencieuse à l'attention d'Yldrarth. Bien qu'il ignore si sa déesse lui répondrait, son obstination à vouloir exprimer sa peine l'incita à continuer.

Il avait beau ne pas apprécier les humains, des larmes inattendues brouillèrent sa vue. Peu importe l'espèce à laquelle appartenait la progéniture, chez les Dragyans, elle était ce qu'il y avait de plus précieux au monde. Et ce triste événement n'avait pas manqué de lui rappeler la douloureuse perte de ses deux cadets. Toutefois, malgré son sentiment d'impuissance face à cette fatalité, une étincelle de détermination continua de pulser en lui et de le maintenir à flot. Le navire insubmersible du nom de Kyeran n'avait pas encore sombré et tant que sa rédemption ne serait pas accomplie, il poursuivrait sa lutte acharnée contre le Fléau.

— Hé ! Tu viens ? On y va ! l'appela la voix de Sköll.

Au pied de l'immeuble, son ami venait de terminer de ranger les affaires dans la fourgonnette et l'invitait à le rejoindre. Il se redressa et d'un bond, sauta du toit avant de se réceptionner avec souplesse sur le sol humide. Quand il arriva au véhicule, aucun de ses deux partenaires ne le questionna sur sa morosité. Ils avaient compris.

Le voyage se déroula dans le plus grand des silences. Hayato s'était assoupi et Sköll dirigeait ses gastérios à la baguette. Pendant ce temps, Kyeran regardait le paysage défiler avec lassitude. Il allait devoir rester encore plusieurs jours à Solsti pour mener à bien la mission confiée par Bolkiah, mais sa motivation s'était volatilisée.

Une demi-heure de trajet plus tard, ils arrivèrent dans la grande ville. Contrairement à Zapornia, ses rues étaient tout sauf accueillantes. Les façades noircies par la poussière des mines de charbon voisines rendaient cette vieille cité industrielle triste et monotone. Au moins, le passage de quelques véhicules ainsi que le sifflet lointain d'un train à vapeur apportaient un semblant de vie.

Ici, pas de belles maisons en bois ou en pierres de taille, pas de jardins luxuriants ou de parcs arborés. Seuls des blocs en briques rouge sale, tous identiques et parsemés de fenêtres blanches, s'alignaient à l'infini le long des boulevards ; apparence typique des habitats miniers.

La population locale n'était guère plus charmante. Son tempérament d'ordinaire taciturne s'était accentué depuis que le Fléau ravageait la région. À présent, les ouvriers devaient, en plus de passer leur journée à suer sous terre, se calfeutrer chez eux. Ce mal sournois effaçait peu à peu toute trace d'interaction sociale et cela empirerait lorsque le couvre-feu s'appliquerait dans tout le pays d'ici quelques semaines.

Un bâtiment esseulé attira l'attention de Kyeran. Il dénotait du reste des habitations par un aspect plus récent et mieux entretenu.

Il tapota l'épaule de Sköll.

— Tu peux t'arrêter ?

Son ami s'exécuta et tira sur les rênes. Les deux gastérios ralentirent leur course en piaillant de protestation et la fourgonnette s'immobilisa.

Le livreur releva ses lunettes de conduite, puis haussa un sourcil.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as vu quelque chose ?

MÉMORIA ZÉROOù les histoires vivent. Découvrez maintenant