Chapitre 1 : Nouvelle lettre

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J'élance le bras, envoyant ma balle de tennis contre le mur de mon studio. Elle rebondit et me retombe dans la main. Je referme mes doigts dessus, pressant le tissu rugueux qui la compose. Elle ne me sert généralement pour des exercices et pratiques. Ma psychologue ne cessait de me répéter que je suis comme une vielle machine qui commence à rouiller. Je grince.

La faute à qui ? Depuis l'incident, il n'y a plus de couleur, plus d'envie. Il ne reste qu'un monde tout gris. Je peine à me rétablir et courir à travers les rues de ma ville, à la poursuite de gens dont je n'ai jamais entendu parler avant que leur nom ne se présentent dans ma boîte aux lettres,  ne m'aide en rien. Parfois, il arrive que je reçoive trop de courrier pour que je puisse tous les réceptionner. Alors je laisse ces gens venir à moi. Et cela ne fait que m'ennuyer davantage.

Des hommes, des femmes. Une mamie adorable. Parfois des enfants. J'en vois de tout genre.

Je suis sûr que de l'Autre Côté, ils me surveillent. Je sens leur yeux perçants sur moi au moindre de mes faits et gestes.

Je relance la balle. Sa couleur jaune dépérit, disparait sous mes yeux abîmés. Elle rebondit encore, atterrit dans ma main une nouvelle fois. Je fixe mon plancher, je n'ai rien à dire, personne à qui parler. Mon téléphone est éteint, j'ai oublié de le recharger. Et puis, bien que j'ai un rendez-vous dans pas longtemps, il est encore tôt et de ce fait, je n'ai rien d'autre de mieux à faire que d'attendre le temps qui file.

On sonne à la porte mais je ne quitte pas mon poste. A coups sûr, il s'agit encore d'un visiteur. Je soupire. J'entend les bruits de pas qui se rapprochent de moi, me confirmant ce à quoi je me doutais, mais je ne lève pas la tête.

— On ne m'a pas dit que c'était toi mais maintenant que je te vois, j'ai plus qu'envie de m'en aller d'ici, me dit une voix de femme.

Elle est dans la quarantaine. Elle a fait parlé d'elle ce matin, c'est passé à la radio mais je n'ai pas écouté l'article en entier. Je voulais éviter de me prendre la tête trop longtemps avant son arrivée chez moi. Tout ce que j'ai retenu fut qu'elle s'était faite renversée par une voiture.

— Il fallait regarder des deux côtés en traversant la route, répondis-je d'une voix lasse. Cela vous aurez évité de vous retrouver à vous plaindre ici.

Je l'entends ouvrir la bouche dans un bruit offusqué. Je l'ignore et reprends :

— Vous vous appelez ?

— Tu es censé avoir reçu une lettre avec mon nom, n'est-ce pas ?

— Je ne l'ai pas lu.

Elle lève les yeux au ciel. Finalement, je me décide à noter son physique. Non pas que j'ai le plaisir de le faire mais quitte à passer du temps avec elle, autant que je sois fixé dès maintenant.

La première chose qui me vient à l'esprit et qu'elle est magnifique. Elle est grande, élancée et avec une taille de guêpe. Elle porte un tailleur qui lui colle à la peau et qui lui sied à la perfection. Sa jupe droite est fixée sur ses hanches et les premiers boutons de sa chemise sont ouverts, offrant qui bon le souhaite, une vue dégagée sur sa peau qui ne semble pas le moins du monde affectée par son âge. Ses longs cheveux ébènes tombent dans son dos et laissent ressortir la pâleur de son visage et le clair de ses yeux bleus. Mais elle a beau être magnifique, elle est grise. Ses iris sont grises, son tailleur est gris, ses talons aussi.

Elle a un petit sourire satisfait lorsqu'elle remarque mes yeux sur sa silhouette. Je suis au moins sûr d'une chose, elle sait qu'elle attire les regards et apprécie lorsqu'ils sont en sa direction. Enfin, étaient.

La femme se penche vers moi, me collant presque sa poitrine sous mon nez, frôle le bout de ses ongles sur ma cuisse et me murmure à l'oreille :

— Je m'appelle Nemuri Kayama.

Ce à quoi je trouve simplement à lui répondre :

— Je suis pas là pour ça.

Elle me regarde, hausse un sourcil et soupire dramatiquement.

— Mh... Bon, quand commence-t-on ?

Son ton est élevé. Elle parle fort, sans se laisser démontrer. Son changement de sujet me rappelle tout de même ce pourquoi elle se trouve dans mon appartement.

Elle est ce que j'appelle une Errante. Elle est morte il y a quelques heures à peine, son corps doit déjà être prit en charge mais ce n'est plus un problème dont elle se soucie. Elle est devant moi alors elle sait, tout comme moi, qu'elle n'a plus aucune chance de retourner dans cette vie qu'elle vient de quitter. Par bonheur à mon égard, tout décès ne se transforment pas en Errant. Je ne serait pendu depuis bien longtemps si cela avait été le cas.

Nemuri se trouve ici à mes côtés parce qu'elle pas encore assimilé l'idée qu'elle n'existe plus. Qu'elle ne reverra plus personne de son ancienne vie. Alors en attendant, elle est une Errante. Et ma place dans toute cette histoire, est que je suis là pour rendre sa transition plus paisible.

Je ne sais trop comment, ni par qui elles sont envoyées, mais je reçoit régulièrement des lettres fermées par un cachet rougeoyant. Sur ces lettres, il y a un nom écrit d'une encre noire. C'est une sorte de mise en bouche lorsque ces âmes se présentent face à moi quelques heures plus tard. Puis, lorsque le moment fatidique est là, elles restent le temps qu'il leur faut avant de partir, ne rendant aux gens et au autre, que le mur triste d'une réalité morose.

J'en vois tellement qu'avec le temps, j'ai préféré rester indifférent. Il m'arrive parfois de vouloir donner mon maximum pour aider un Errant, lorsque je ne suis pas trop épuisé. Le problème est que personne en dehors de ma sœur ne connait cette particularité qui fait ma réalité. Elle l'a découvert lors de l'enterrement de mon frère Touya. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde autour le pleurait alors qu'il était là, à me tenir la main et a me certifier qu'il n'y avait pas besoin de s'inquiéter. Quand j'en ai parlé, soit on pleurait davantage, soit on me disait que le choc parlait à ma place et on posait sa main sur mon épaule pour me rassurer. Seule ma sœur m'a cru quand je lui ai raconté. Depuis ce jour, elle me couvre parfois, quand il le faut.

Nemuri claque ses doigts devant moi.

— Allô ! Ici la Terre pour la Lune, vous me recevez ? J'ai demandé quand on allait commencer, j'attends encore la réponse.

Je serre la balle de tennis dans ma main et me relève difficilement, faisant craquer mes genoux. Jetant un coup d'œil à l'heure sur mon micro-onde, je lui dit :

— On commencera quand tu sera enterrée.

— Sérieusement ? se plaint-elle. Pourquoi on commence pas de suite ? Tu veux me rendre folle à marcher avec des gens pour qui j'existe plus ?

J'attrape mon sac à dos et sort de l'appartement, passant devant elle comme pour la narguer, saisissant la poignée de la porte d'entrée, que j'ouvre sans précédent.

— On commencera plus tard parce que là, tout de suite, j'ai un quelque chose de prévu.

Et je lui claque la porte au nez.

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Bonjour bonjour :D
J'espère que vous allez bien !

Nouvelle fiction ! Yay ! Celle-ci date de 2021 mais je suis retombée dessus et j'avais envie de la reprendre pour la publier, d'autant plus que j'ai encore mes notes pour cette histoire alors je croise les deux pour que ça me plaise et que ça vous plaise aussi.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !

Prenez soin de vous,
Des bisous, Koala.

Ton nom noir sur blanc [TodoDeku]Where stories live. Discover now