Tome 2 - Chapitre 9 (suite 2)

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***

Je suis voué à m'approprier les biens d'autrui. Aux riches, je vole les objets de valeur dans les maisons, la fortune, les bagnoles. Au mari, j'emprunte la femme et désormais, je soustrais la fille au père.

Je songe à Loran qui dort profondément dans la caravane voisine lorsque je pousse la porte grinçante de Lucinda. Il fait nuit, la lune est noire et le ciel est couvert. Il n'y a pas de bruit autour de moi, seul le vent frais fait crépiter les branches dans les arbres qui me dominent.

— Scar ?

Je n'ai pas le temps d'entrer, le plancher craque sous les pieds de Lucinda qui se précipite pour me sauter au cou. Simplement vêtue d'une petite chemise fine et douce, je respire son parfum fleuri à pleins poumons. Elle sent terriblement bon et la serrer dans mes bras réchauffe tout mon être. Sous mes doigts, je sens le contour de ses formes généreuses qui sont loin de me déplaire.

— Je croyais que tu ne viendrais plus...

— Je voulais être certain que personne ne me voit !

Elle se moque de ce que je lui chuchote, elle embrasse mes cheveux, mes joues, mon nez et enfin ma bouche. Je monte la dernière marche et referme lentement la porte derrière moi sans lâcher celle que je convoite. Elle me tire jusqu'à son petit lit dont je m'accommode sans réfléchir.

Mes lèvres parcourent le corps tendre de Lucinda qui s'arque sous mes baisers. L'attraction est trop intense, comme deux aimants une force incontrôlable nous pousse l'un contre l'autre. Je chasse un ultime remords qui me crie que je fais une erreur. Comme si la leçon que j'ai reçue avec la grossesse de Belinda ne m'avait pas suffi, je me jette dans les jupes d'une nouvelle fille du terrain.

Ces pensées disparaissent lorsque je m'attaque à retirer sa petite culotte. Loin de m'aider, je la sens se tendre et hésiter.

— Je suis vierge ! finit-elle par me glisser à l'oreille, comme si elle m'avouait une tare.

Je sais ce que signifie sa confidence. Sa vie basculera à jamais, le jour où son père découvrira qu'elle a perdu sa chasteté. En la lui prenant, je vole l'honneur de sa famille et celle-ci deviendra la risée du camp. Plus aucun homme n'acceptera de l'épouser. L'humiliation que subira Loran à ce moment-là m'emplit de joie.

Je me laisse tomber à côté d'elle et l'attire dans mes bras pour la rassurer. Je ne compte pas la prendre de force, je veux la sentir me désirer. Je joue avec une mèche de ses cheveux blonds, en cherchant mes mots. Je ne souhaite pas la bercer d'illusions. Son choix doit se faire en pleine connaissance de cause.

— Lucinda, je ne vais pas te mentir. Je ne t'épouserai pas. Que tu sois vierge ou pas, je ne reviendrai pas sur ma décision.

La jeune fille au rêve anéanti se recroqueville et pose sa tête sur ma poitrine. Elle accuse le coup tandis que je caresse sa nuque pour apaiser sa peine. Une fois de plus, elle me fait penser à une enfant. Nous restons ainsi un long moment enlacé.

Si je n'avais pas été autant brisé, j'aurais pu la protéger, comme je protégeais Agnès. Je l'aurais prise sous mon aile pour lui apporter un peu de réconfort. Je me serais certainement senti plus proche de la jeune fille, après tout elle aussi a grandi sans sa mère. Je lui aurais donné un peu de tendresse, mais aujourd'hui j'en suis incapable. Au contraire, je vais profiter de sa faiblesse pour assouvir ma volonté d'achever mon oncle et mon cousin. Je vais sacrifier Lucinda au bénéfice de ma vengeance. La vie ne m'a fait de cadeau et je suis devenu un égoïste à l'ambition démesurée, assoiffée de revanche. Je ne ressens plus rien, ma carapace est trop hermétique, je ne peux pas me laisser pas attendrir. Il est trop tard, l'image de Loran dans toute sa cruauté me revient à l'esprit. Il a bafoué les codes du clan, n'a pas hésité à dénoncer son propre frère, mon père, il m'a abandonné lorsque j'étais enfant pour me confier avec Tito à un étranger que je n'avais jamais vu. J'ai grandi loin de ma famille et loin du camp à cause de lui. A mon retour, j'ai été battu, il a cherché à m'asservir. Cet homme n'a pas d'honneur ni de parole et c'est maintenant à mon tour de le lui faire payer.

En m'attaquant à sa fille, j'accomplis enfin ma vengeance.

— Scar, j'ai envie de toi, finit par me dire timidement Lucinda en se hissant sur moi.

Elle colle sa bouche sur la mienne et je n'hésite plus une seule seconde à satisfaire son ultime demande.

Avant que le soleil ne se lève, je déserte le lit de la jolie blonde en lui promettant de revenir très vite.

Dans les jours qui suivent, Lucinda devient mon passe-temps. En présence des membres de ma famille, je mime l'ignorance et fais en sorte que personne ne se rende compte de notre relation. Je rejoins la jeune fille de manière irrégulière, je m'ennuie avec elle, je la trouve naïve et inexpérimentée. Elle manque de fantaisie et de joie de vivre.

Notre liaison cachée n'évolue pas, elle demeure purement sexuelle, Lucinda n'est que l'instrument final de ma vengeance.

Le retour de Bastian au camp qui surveille sa sœur et la reprise des affaires me contraignent à espacer mes visites chez Lucinda. Je réalise que la jeune fille ne me manque pas.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant