Tome 2 - Chapitre 6 (suite)

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La tête pleine d'idées noires, je me décide à me lever de mon lit et cesser de m'apitoyer sur mon sort. La vie ne m'a jamais épargné et je vais lui rendre tous les mauvais coups qu'elle m'a filée.

En poussant la porte de ma caravane, je retrouve Lucinda assise en tailleur sur le plancher de ma terrasse, en train d'amuser mes chiots avec une plume. Je ne peux retenir la violence et la rage qui montent en moi quand je m'adresse à elle, comme si elle était responsable du contenu de la lettre et de mon existence déplorable.

— Dégage de là !

— Scar, c'était une mauvaise nouvelle ?

Elle me regarde, d'abord interloquée, puis se relève, défroisse sa jupe et renfile ses sabots qu'elle avait sortis pendant que je m'affale sur une chaise. Je dois accuser le coup, même si je m'y étais préparé. Lire les mots d'Agnès me met face à la réalité que j'ai jusqu'à présent ignorée.

Je ne pourrais donc jamais avoir Agnès, mais je me fais le serment de ne laisser aucune femme prendre sa place. Je l'aime plus que tout et jamais je n'aimerai quelqu'un autant qu'elle. Je ne me marierai pas, je n'aurai pas d'enfants, je ne veux pas de famille. Je serai impitoyable sur le sujet.

Cannibal gratte ma jambe avec ses petites griffes, je me baisse pour l'attraper et le déposer sur mes genoux. Je le caresse en songeant que j'ai mes chiens, mes frères, ma sœur, mes deux amis. Je ne suis pas seul. Tout est désormais clair pour moi, je vais consacrer ma vie à des aventures sans engagement et sans lendemain, à voler les gens puissants pour m'enrichir et apporter du bien être à ceux qui ont toujours été là pour moi. Je souhaite être libre, affranchi des contraintes tant sur le plan sentimental que professionnel.

— Tu veux que je te fasse des choux à la crème pour ce soir ? propose gentiment Lucinda.

— Laisse-moi ! Va-t'en !

Je lui indique avec autorité la direction du chemin. Elle semble dépourvue de me voir ainsi, mais j'ai besoin d'être seul. Je vais occuper ma tête pour ne plus songer, je vais terminer d'élaborer mon dernier plan et le présenter à mon clan.

***

Quelques jours plus tard, je suis fin prêt. J'ai brûlé la lettre d'Agnès pour tourner la page. J'ai cru que ce serait plus facile de faire comme si elle n'avait jamais existé. C'est faux ! Son image me hante et j'ai très vite regretté d'avoir fait partir en fumée ses derniers mots. Pour me consoler, j'ai tatoué sur mon avant-bras gauche, son adresse aux USA que j'avais ancrée dans ma mémoire. Si un jour l'envie de lui répondre me prenait, je saurais où envoyer la lettre.

Stazek et Karlo arrivent les premiers, nous nous installons à l'extérieur. Le temps est menaçant et je ne suis pas certain que nous puissions rester sur la terrasse durablement. Le vent se lève et je suis obligé de mettre un gros caillou sur mes nombreuses notes pour ne pas qu'elles s'envolent. J'ai sorti un pack de bières que j'ai posé par terre et je les invite à se servir en attendant les autres membres du clan.

— J'ai hâte que tu nous dévoiles enfin, ce que le « requin » souhaite comme voiture, lance Karlo en décapsulant une bouteille sur le coin de la caisse en bois.

— Je me demande surtout pourquoi tu fais tant de mystère autour de cette affaire, renchérit Stazek. On en a traité des dizaines depuis qu'on bosse ensemble !

Depuis l'histoire d'Hubert, Stazek émet une certaine réticence à suivre mes projets. Il est continuellement dans la retenue, me jugeant ingérable et capable de m'emporter. Je me dis que la méfiance qu'il exprime est bonne à prendre et va m'aider à corriger certaines choses, à être plus performant et plus perfectionniste. De mon côté, je doute parfois de sa fidélité et n'arrive plus à lui faire pleinement confiance. Je le garde à l'œil depuis l'histoire de La Rochelle. Je n'ai toujours pas compris comment il s'est retrouvé démasqué à la merci d'un passant. Je me fais peut-être de mauvaises idées à son sujet et sans preuve concrète, je conserve mes soupçons pour moi.

Mes frères et Yankee arrivent enfin, nous nous asseyons tous les six autour de la table.

Tandis que tous m'écoutent attentivement, je ne traîne pas, j'expose les faits et énumère avec précision la commande des dix voitures. Je détaille également les villes et surtout les résidences privées dans lesquelles elles nous attendent.

— Mais tu es complètement fou, Scar ! me coupe Stazek en se grattant la tête.

Il ne tient plus et lève les yeux au ciel en soupirant, prenant à parti Karlo en lui donnant un coup de coude pour le pousser à réagir.

— On va droit au casse-pipe avec ton histoire, intervient Karlo calmement en se servir une nouvelle bière. Tu n'aurais jamais dû accepter cela sans nous en parler !

Le regard ahuri de mes cinq autres complices me fait prendre conscience que le challenge est totalement démesuré.

Je soupire et jette un coup d'œil en direction de mes frères. J'ai besoin de sentir leur confiance en moi et leur soutien indéfectible. Paco et Yankee, concentrés sur la liste de voitures, tirent sur leurs clopes tandis que Tito berce Cannibal qui s'est endormi sur ses genoux. Comme moi, il aime les animaux et a le contact facile avec eux, peut-être une des seules passions qu'aura su nous transmettre Pierrot. Mon frère qui d'habitude est toujours prêt à me défendre reste muet et songeur.

D'ailleurs, personne ne se prononce davantage sur ce que j'ai dit. Le silence devient pesant et je vérifie mes tracés sur la carte en m'allumant une cigarette. Coûte que coûte, je tiendrai mon engagement pris auprès du requin.

— J'ai accepté ! finis-je par lâcher en tapant du poing sur la table. Ce sera donc avec ou sans vous...

J'ai déjà réfléchi à différentes possibilités et aux problèmes que cela incombe de voyager à bord de ces si rares véhicules. Même de nuit, ils seront facilement repérables, je dois bien l'avouer. Mon plan doit être parfait, je ne peux plus laisser place à l'amateurisme. J'ai besoin de mon équipe au complet, mais s'il me lâche sur ce coup, je ferai sans eux.

— On peut passer par les petites routes...

— Avec une Ferrari 308 GTS ? interroge Karlo, en faisant les gros yeux. Scar, elle est rabaissée au max !

— J'ai déjà défini des itinéraires. Il faut les vérifier avant le jour J !

Sans perdre un mot de ce que je raconte, Paco échange un sourire complice avec Yankee. Je sens que je suis sur le point de les convaincre de me suivre dans ma démence. Alors je sors un dernier argument de taille :

— On peut se faire un max de blé sur cette commande.

Tous les visages s'éclairent en entendant cet ultime point. L'argent, les temps sont loin où nous en manquions et pourtant nous en voulons toujours plus.
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Désolé pour le retard de publication 😅

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant