Tome 2 - Chapitre 20

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Je me tiens debout, devant l'aéroport, mon passeport dans la main. J'ai bien réfléchi et à cette heure, il n'y a qu'un endroit où je désire me rendre. Les années ont passé et malgré tout ce que j'ai fait, je ne peux pas l'oublier.

Son adresse est gravée sur mon torse, comme tout son être dans mon cœur. Où qu'elle soit, la retrouver est une nécessité. Elle a toujours été mon refuge dans les difficultés, j'ai besoin d'elle aujourd'hui. J'ai envie de savoir ce qu'elle est devenue. Je n'ai nulle part où aller, je me sens perdu. Je suis à un tournant de ma vie, emprisonner dans le tourment, tout à fait désemparé.

J'achète le premier billet disponible pour les USA, auprès d'une hôtesse charmante qui me sourit bêtement et n'est pas le moins du monde surprise que je la paie en cash. Ensuite, j'attends quelques heures sur une banquette inconfortable avant de finir par embarquer.

J'avais commandé mon passeport, par précaution il y a quelques mois, dans le cas où une affaire se passerait mal et que je devrais m'éclipser dans l'urgence. Je ne pensais pas mettre ce plan à exécution si tôt. Je n'ai jamais pris l'avion et j'essaie de ne pas trop analyser ma situation. Je commets sans doute une folie, rejoindre Agnès maintenant est vraiment ridicule. Pourtant, je n'ai pas réussi à détruire en tous points le désir de la retrouver un jour, j'ai toujours gardé au fond de mon cœur la volonté d'être avec elle et cela malgré toutes les embûches et la décision éprouvante de la quitter quelques années plus tôt. Elle fait partie de tout mon être, je ne suis à aucun instant parvenu à la remplacer, espérant que nous finirions à un moment donné réunis pour de bon.

Lorsque j'atterris à New York, je réalise que je vais avoir de grandes difficultés à me faire comprendre. Je ne parle pas un mot d'anglais et les dernières notions qu'il me reste du lycée sont bien loin.

Par chance dans l'aéroport, une hôtesse de l'air française m'indique que pour atteindre l'état du Texas stipulé sur l'adresse que je détiens, je dois prendre un nouvel avion.

J'attends à nouveau quelques heures dans le hall immense avant mon transit, mais je me dis qu'au moins, ici, je suis en sécurité, personne ne viendra m'embarquer pour me mettre sous les verrous ou pour me liquider. Je me demande ce qu'il se passe en France et m'inquiète pour mes frères et ma sœur, même si ceux-ci me garantissent être à l'abri dans les camps qu'ils rejoignent.

Une fois atterri à Houston, dans le Texas, je récupère mes bagages et pars à la recherche d'un hôtel après avoir fait changer une partie du pactole que j'ai emmené avec moi. J'ai besoin de me reposer, de me laver et de me raser avant d'arriver la bouche en cœur devant Agnès.

Je dors longtemps, peut-être soulagé d'avoir laissé ma vie derrière moi et toutes les pressions qu'engendrent mes responsabilités vis à vis sur le terrain. Comme si je m'étais délesté d'un poids, ou comme si j'avais réussi à sortir d'un engrenage. Lorsque je me réveille, il fait nuit. Le décalage horaire me perturbe et n'ayant pas mis ma montre à l'heure, je n'ai aucune idée du temps qu'il va me falloir attendre pour me présenter en bas et prendre un petit déjeuner.

Les heures s'écoulent lentement alors que je termine mes dernières cigarettes. Durant tout ce temps, l'angoisse de la revoir monte et je m'interroge le discours que je vais lui tenir à mon arrivée et sur la réaction qu'elle aura en me découvrant après tout ce temps. Je ne lui ai jamais donné de nouvelles malgré sa lettre, j'avais choisi de couper intégralement les ponts pour notre bien à tous les deux et pour me consacrer à mes objectifs. Maintenant, je vais peut-être m'en mordre les doigts. Pour m'occuper, je prends soin de me préparer et d'enfiler ma chemise bleue préférée.

Quand le levé du jour arrive enfin, j'avale un café, file louer une voiture, acheter des clopes et quelques vivres. J'ai une centaine de kilomètres à parcourir avant de me rendre à l'adresse à laquelle je ne sais même pas si Agnès sera encore présente.

La région est aride, l'herbe est sèche et les températures déjà hautes. Le paysage est cependant magnifique, avec du désert à perte de vue.

Après une heure de route et quelques cigarettes, je finis par arriver à l'endroit tant désiré. Devant moi se dessine un sublime ranch au bout d'une allée arborée et de chaque côté, des prés clôturés avec des chevaux.

Agnès est ici, je le sens, ce paysage lui ressemble tellement : à la fois sauvage et contenu, riche et éclatant. À bord de mon pick-up blanc, je croise deux cavaliers sur leur monture, coiffés de chapeaux de cow-boy. Lorsque j'arrive devant la magnifique demeure, je me gare et descends le cœur battant.

Un homme d'une soixantaine d'années vient à ma rencontre et me salue. Il me parle en anglais, mais je ne comprends rien. Une fois qu'il a fini, je prononce en articulant le prénom d'Agnès. Je n'ai pas le temps d'insister qu'une jeune femme apparaît sur le perron.

Je lève les yeux pour la détailler et la reconnais. Elle est là, devant moi, l'air ahuri, mais superbe. Mon cœur réagit aussitôt comme s'il venait de se réveiller avec brutalité d'un long sommeil. Il bat toujours si fort pour elle que je manque défaillir.

— Oscar ! murmure-t-elle entre ses dents.

Nous nous faisons face sans pouvoir bouger. L'homme entre nous continue de parler tandis que j'admire celle que je n'ai jamais réussi à oublier. Elle a la peau satinée par le soleil et ses cheveux relevés en queue de cheval. Revêtue d'un jeans et d'une chemise à carreaux, elle ressemble à une parfaite Texane, pourtant ses gestes délicats et son allure distinguée trahissent ses origines.

Ses yeux magnifiques me contemplent et son visage s'illumine quand elle réalise que je suis bien là.

Elle crie à nouveau mon prénom et saute les trois marches pour atterrir dans mes bras. Nous nous étreignons un long moment. Je la serre aussi fort qu'elle m'a manqué, retrouvant son odeur dans son cou et sa peau si douce. Enfin à ma place, je prie pour que le temps s'arrête et que plus rien ne nous sépare. Je ne veux plus jamais m'éloigner d'elle et m'en détacher.

Je n'arrive pas à croire ce qui se passe et je trouve cela trop beau pour être vrai jusqu'à ce que nous soyons interrompus par le vieux qui ne comprend pas ce qu'il se trame. Malgré mes bras qui refusent de lâcher prise, Agnès me repousse et lui parle en anglais avant de me dire sans me regarder dans les yeux :

— Je te présente Howard, mon beau-père !

— Ton beau-père ?

— Le père de mon mari, si tu préfères... Alors Oscar, qu'est-ce qui t'amène ici après toutes ces années ?

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant