Chapitre 11 : Rêve interstellaire

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L'horloge indiquait minuit. La lune avait disparu du ciel noir pour laisser place au scintillement lointain des étoiles. Lucy regardait ce spectacle nocturne sans ciller. D'habitude, les lumières de Magnolia ne lui permettaient pas de voir le cosmos, mais seulement quelques taches lumineuses parsemant le décor ténébreux. Un rapide coup d'œil dans les rues confirmait que la ville ne s'était pourtant pas éteinte, mais la fatigue empêchait la constellationniste de réfléchir sur ce détail mystérieux. Elle profita du silence envahissant pour fermer les yeux un instant, s'imprégnant de l'effluve salée de la brise.

La suite était beaucoup plus vague. Un rire s'échappa du décor feutré. Le tintement cristallin ne cachait pas entièrement un creux de voix, un râle mélancolique, une tristesse éthérée. Propulsée dans les sombres profondeurs de la création divine, Lucy sentit son cœur se dégager de sa cage thoracique, battant la mesure dans l'Univers tout entier. Devant elle, malgré la barrière de ses paupières fermées, les étoiles s'effaçaient peu à peu, scintillant toujours plus vivement, au rythme de son cœur, avant de rendre leur dernier soupir. Dans la béatitude passagère de ce terrible silence qui menaçait de lui éclater les tympans, une phrase s'écrivit naturellement dans son esprit.

« Les étoiles pleurent. »

Qui l'avait prononcée ? Qui l'avait inscrite en elle ? Cette phrase n'avait pas sa voix, pas plus que son âme. Elle était insufflée par un spectre à la fois étranger et familier, un fantôme du passé qui exerçait une pression sur son avenir. Leur avenir à tous.

Ça y est, elle étouffe. Elle étouffe, elle étouffe. Elle... étouffe. Et dans le subconscient de la Fée stellaire filaient comme des astéroïdes les Esprits de toute vie, de toutes vies. Ils brûlaient. À toute vitesse. Et un sourire blanc se dessinait dans l'immensité spatiale, si chaleureux qu'il lui glaçait la peau au travers de sa conscience éteinte. Un sourire d'essence divine, d'une sainteté immaculée, qui respirait la pureté. Aucune innocence. Aucune. Le sourire angélique lézardait dans toutes les parois de l'Univers, de son univers. Il inspirait une crainte indescriptible ; les astres mêmes l'avaient en horreur. Lorsqu'il laissa voir ses crocs, tout éclata.

Ils s'entre-tuent. Ils s'entre-tuent !

Retour dans la ville. Le sang giclait, les hurlements avaient remplacé le silence, la vie tombait, lourde. Une larme roula des yeux indifférents, fermés à la terreur. Et dans le chaos soudain, tandis que frappait le jugement céleste, une étoile brillait au-dessus de toutes les têtes.

***

Lorsque Lucy se réveilla de sa nuit troublée, ses yeux mouillés avaient coulé le long de ses joues. Elle n'en prit note, malgré les frissons inhabituels qui fourmillaient dans son dos, jugeant plus étrange l'endroit où elle s'était endormie. Quelques étirements lui permirent de libérer ses membres endoloris. Une fois mieux réveillée, elle analysa la table qui lui avait servi de lit, et y trouva son cahier de notes ouvert sur un schéma de constellations, dessiné tard la veille. Une étoile avait englouti la page blanche déchirée d'un coup de tonnerre, semblait-il, tandis que le reste était parsemé de croix. Incompréhensible. À quoi avait-elle bien pu penser en traçant ce dessin ridicule et insensé ? Les souvenirs de la Fée surgirent alors brutalement en un désordre anarchique. Une espèce de croissant de lune éclatant de blancheur se renversa pour former un sourire carnassier grandissant, grandissant, mais avant qu'il ne dévore tout l'espace de son esprit, Lucy se gifla violemment, comme pour sortir du gouffre de ses pensées qui ne semblaient plus lui appartenir.

C'est ce moment que choisirent Natsu et Happy pour débarquer dans son appartement. Toutefois, accroupi sur le bord de la fenêtre, le mage de feu vit son sourire se fendre d'un air troublé.

Crocs Célestes [StinLu]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant