Les Hypnotiseurs de Paris - Tome 1

4. Réunion interhypnotique

Quelle ne fut pas ma surprise de voir autant de voitures circuler dans la petite rue où se trouvait Leann&Gussid lorsque je m'y engageai, le samedi après-midi. Il y avait d'ordinaire toujours beaucoup de piétons en raison des magasins nombreux, mais les véhicules s'y aventuraient rarement : la rue était étroite et débouchait sur une impasse.

J'ignorais la nature de la convocation que m'avait fait parvenir Grand-Mère seulement quelques jours plus tôt. N'ayant pas fait particulièrement d'effort sur ma tenue vestimentaire, j'espérais qu'il ne s'agissait pas en fait d'une cérémonie de présentation. Si c'était le cas, j'avais au moins eu la sagesse d'arriver en avance, pour pouvoir me préparer mentalement.

Quand je poussai la porte de Leann&Gussid, je découvris la librairie en ébullition. Tous ceux qui d'habitude ne quittaient jamais l'étage étaient descendus et s'agitaient dans la salle aux murs couverts de livres. Grand-mère, que je vis en premier, ne m'accorda même pas un regard. Je la regardai se diriger à grands pas vers l'escalier, les bras chargés de gobelets en plastique et de serviettes en papier. Plus loin, je remarquai un homme avec un tablier blanc décharger des plateaux de petits fours dans l'arrière-boutique et d'autres femmes que je ne connaissais pas se charger de les envoyer ailleurs. Un garçon de mon âge environ se tenait dans les escaliers, attendant des instructions. J'aperçus enfin Prune qui m'adressa un petit signe de main. Se tenant à côté d'un vieux lecteur CD, elle remuait les hanches au rythme de la musique.

— Que se passe-t-il ? demandai-je en désignant ceux qui s'activaient autour de moi.

— La réunion interhypnotique, ma chérie, répondit Prune sans arrêter de danser.

— La quoi ?

— Elle a lieu tous les dix ans, tu as de la chance de pouvoir assister à celle-là ! Ta grand-mère m'a dit pour ton pouvoir, ajouta-t-elle avec un clin d'œil. Une semaine plus tard et tu la manquais !

Les précisions de Prune ne m'éclairaient pas vraiment. Cependant, si cette réunion avait lieu tous les dix ans, elle devait avoir de l'importance. Je devais absolument trouver Grand-mère pour lui demander des explications.

— Tiens, toi ! m'apostropha quelqu'un. Tu peux emmener ça à l'étage ?

On me déposa une pile de nappes dans les bras que je n'eus pas vraiment le temps de refuser. Je ne connaissais que le bureau de ma grand-mère à l'étage et ne savais pas vraiment où me rendre. Mon embarras dut se lire sur mon visage car le garçon dans l'escalier vint à ma rescousse.

— Tu as besoin d'aide ? demanda-t-il en me libérant des nappes.

Je le laissai faire sans rien dire. Je ne l'avais jamais vu. Il semblait pourtant bien plus à l'aise que moi dans cet endroit.

— Tristan Blackstone, me dit-il pour se présenter. Je suis un Hypnotiseur. Et toi, qui es-tu ?

— Je... euh... Hypolline, répondis-je en tendant la main. Il semblerait que je sois aussi capable d'hypnotiser. Enfin, tout ça est très récent...

Il m'adressa un sourire amusé et je rougis.

— Et... tu es dans quel lycée ? demandai-je en le suivant dans l'escalier.

— Oh, rit-il, je ne suis plus au lycée. Je suis étudiant à la Sorbonne, en troisième année de droit.

Je me sentis soudain encore plus ridicule qu'auparavant et baissai la tête, affreusement gênée de ma maladresse. Je l'avais identifié comme un garçon plus jeune que moi, mon âge tout au plus. Je décidai de me taire et le suivis en silence, les yeux rivés sur mes chaussures.

Je faillis foncer dans Grand-mère, qui sortait de la pièce dans laquelle Tristan venait de s'engouffrer.

— Grand-mère, attends ! la hélai-je avant qu'elle ne reparte.