1. Crises hypnotiques

142 13 30
                                    

Quelques rayons de soleil commençaient à percer les volets de la chambre que je partageais avec Rose quand je décidai d'ouvrir les yeux. Je jetai un rapide coup d'œil à ma montre avant de constater avec effroi qu'il était 7h25.

— Rose, appelai-je en donnant de petits coups secs sur le sommier au-dessus de ma tête.

Un grognement me répondit.

— Il reste cinq minutes, magne-toi !

Il faisait frais et j'enroulai un plaid autour de mes épaules avant de me lever pour ouvrir la fenêtre. J'aimais ce moment. Le vent balayait mon visage et je pouvais en profiter pour humer les parfums extérieurs. Du haut du vieux bâtiment qui abritait la pension Franz Anton Mesmer, je voyais Paris en mouvement, réveillée depuis l'aube. Les premiers passants trottinaient dans la rue, attaché-case à la main, sans prêter attention aux petits commerces qui avaient ouvert et qui laissaient s'échapper dans la rue quelques bonnes odeurs de pain chaud.

— Mmmph, qu'est-ce que tu fais ? entendis-je.

La voix me tira de ma contemplation et je quittai la fenêtre pour enfiler mon uniforme.

Je me tournai vers la masse informe qui gisait encore dans son lit et levai les yeux au ciel.

— J'aère, comme tous les matins. Allez, debout, on va vraiment être en retard !

Une tête sortit de la couette et Rose, ma meilleure amie, se redressa le regard hagard. Son visage rond était bouffi et ses yeux verts n'étaient que deux fentes étroites. Elle descendit l'échelle de son lit en manquant trébucher, mais réussit à se rattraper en prenant appui sur l'étagère derrière elle. Elle venait à peine de poser les pieds par terre qu'une tête passa par l'entrebâillement de la porte.

— Mesdemoiselles, je ferme les chambres dans trois minutes.

— Oui, Madame, nous sommes presque prêtes, dis-je en enfilant mon pull par-dessus la chemise de mon uniforme.

Rose n'était pas aussi avancée que moi et la surveillante lui lança un regard courroucé. Puis, laissant la porte ouverte derrière elle, elle reprit son tour des chambres. Je m'emparai de mon sac, y glissai mes cahiers, pris encore d'autres classeurs sous le bras et attendis Rose. J'englobai la pièce du regard pour m'assurer je n'avais rien oublié.

— Hypo, tu n'as pas vu mon écharpe ?

— Derrière toi, répondis-je en désignant le vêtement en question.

— Merci, grogna-t-elle.

Contrairement à Rose qui semblait avoir du mal à se réveiller, je me sentais en pleine forme et d'aplomb pour une longue journée.

— N'oublie pas ton sac et le cahier jaune qui traine sous le lit ! rappelai-je à Rose, qui mettait du temps à me rejoindre.

Quand nous entendîmes à nouveau les pas de la surveillante dans le couloir, nous ruâmes toutes les deux à l'extérieur, bien que Rose n'ait pas eu le temps de dompter sa tignasse blonde. Elle posa la main sur le haut de son crâne pour aplatir ses cheveux et nous lançâmes à l'unisson :

— Bonne journée, Madame !

Nous attendîmes qu'elle s'éloigne et pouffâmes de rire avant de nous féliciter respectivement. Nous avions accumulé un si grand nombre de retards l'année précédente que nous étions fières d'y avoir échappé le premier jour de Terminale.

Nous descendîmes les escaliers qui menaient au réfectoire et alors que je posai le pied sur la dernière marche, je fus soudainement prise de vertiges. Je m'arrêtai et posai une main sur le mur en pierre à côté de moi.

Les Hypnotiseurs de Paris - Tome 1Onde histórias criam vida. Descubra agora