10. Hypnose

25 5 2
                                    

On y venait enfin. J'avais tant attendu ces cours d'hypnose ! Il était plus que temps que j'apprenne à me défendre par moi-même. Ce n'était désormais plus Prune que je retrouvais, mais Grand-Mère. Notre rendez-vous hebdomadaire était fixé au jeudi soir.

Quand, pour la première fois, je sortis de Mesmer après les cours, seule, une dérogation à la main, je sentis mon cœur se remplir d'exaltation et je frissonnai. Toutes les pensionnaires dînaient au réfectoire, et moi, je m'échappais pour quelques heures.

Ce fut particulièrement fébrile que je poussai la porte de la vieille librairie après avoir tourné dans la serrure une petite clé que Grand-Mère m'avait donnée quelques jours plus tôt. Aussitôt entrée, je fus plongée dans l'obscurité. Tout était éteint. Mais je savais qu'à l'étage, il en était autrement. A dix-neuf heures, ils étaient encore quelques-uns à travailler. Prune avait dû monter également : il n'y avait pas plus de lumière dans l'arrière-boutique que dans la pièce principale.

J'empruntai les escaliers, un peu hésitante. Je m'étais rarement rendue complètement seule à l'étage et, ainsi, dans le noir, j'avais presque l'impression de braver l'interdit. Heureusement, Grand-Mère m'attendait en haut.

— Je t'ai entendue rentrer, dit-elle en souriant, avant de m'embrasser.

Je ne pus m'empêcher de penser qu'elle devait avoir l'ouïe sacrément fine si elle m'avait entendue de son bureau.

Elle m'entraina à sa suite et je pris place dans la confortable petite pièce où elle avait l'habitude de travailler. C'était sûrement celle que je connaissais le mieux après la librairie.

Grand-Mère ferma quelques cahiers, les poussa sur le côté pour faire de la place et posa ses avant-bras sur son bureau, avant de me regarder bien droit dans les yeux.

— Je sais que tu attends ça avec impatience depuis un bon moment, ma chérie, mais je ne suis pas mécontente de t'avoir fait attendre, je pense que cela t'a fait prendre conscience du danger que peut représenter le pouvoir d'hypnotiser les autres.

Ça, c'est sûr, songeai-je. J'étais même d'avis que l'on m'avait fait attendre un peu trop longtemps au vu du danger. Il y avait plusieurs situations que j'aurais préféré éviter. Mais je n'osai pas reprendre Grand-Mère. Il était trop tard pour revenir en arrière, de toute façon, et désormais, je voulais avoir l'occasion de tester et d'apprendre à contrôler mon pouvoir.

— Tu auras sûrement remarqué que ce pouvoir se manifeste de manière assez violente chez toi. C'est particulièrement encourageant en ce qui concerne ce dont tu vas être capable, mais c'est tout aussi dangereux si tu n'arrives pas à te contrôler. Tu dois toujours t'en rappeler. Avec l'hypnose, rien n'est jamais acquis. Cette force que tu as en toi ne t'appartient pas. C'est un don. C'est à toi de choisir de t'en faire l'amie en l'utilisant à bon escient. Tu ne dois pas oublier non plus le Conte des Six Frères. Nous avons cette seconde chance de posséder un pouvoir aussi puissant, mais nous ne pouvons pas en faire ce que bon nous semble. Il peut être repris à tout moment.

Je hochai la tête.

— Il existe une règlementation créée par les Hypnotiseurs de Paris qui fonde notre éthique. En attendant que nous l'étudiions, tu dois juste retenir que savoir utiliser ce pouvoir ne veut pas dire en avoir le droit. Pour l'instant, l'objectif est surtout que tu apprennes à le canaliser et à le contrôler afin que vous ne soyez pas en danger, toi, et ceux qui se trouvent sur ton chemin.

Grand-Mère mit ses lunettes et se leva pour aller chercher un livre dans sa bibliothèque. Elle farfouilla un instant, avant de dénicher un petit livre aux pages cornées.

— Après cette courte mise en garde, nous allons pouvoir passer à la pratique.

Elle me fit me tenir bien droite, cela favorisant, selon elle, la concentration, et me demanda ensuite de choisir un objet dans la pièce. Mes yeux se posèrent sur l'horloge en face de moi.

Les Hypnotiseurs de Paris - Tome 1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora