33. Palais du roi Roger, Palerme 26 décembre 1798

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Palais du roi Roger, Palerme le 26 décembre 1798

-Son Eminence, le cardinal Ruffo, fit l’huissier ouvrant la porte à deux battants comme pour un membre de la famille royale.

Le cardinal entra, salua respectueusement le roi et tendit son anneau à baiser à la comtesse. Le cardinal Ruffo ambitionnait de devenir un second Richelieu et portait autant de goût au sabre qu’à l’autel. Le roi, assis derrière son bureau, jetait des rogatons à ses chiens de chasse d’un air

maussade.

-Eh bien, mon Eminentissime, nous ne sommes pas loin d’être frits, oui… fritti, fit le roi. A Palerme, je ne suis plus que le souverain d’une île d’un million et demi de sujets. Mes vaisseaux ont brûlé comme des allumettes. Mon armée court encore. Quant à la noblesse napolitaine, elle s’est entichée toute entière des idées des Lumières. Que Championnet entre à Naples et il proclamera la République ! Que nous reste-t-il ?

-Votre Majesté, il nous reste le peuple.

-Le peuple ?

-Oui, Votre Majesté. Et qui n’attend qu’un signe de vous pour se soulever.

-Mon pauvre Ruffo, tu rêves. Le peuple n’a que des fourches et des fusils de chasse. Pas un canon. Comment ferait-il mieux que mes soixante mille soldats ? D’ailleurs je n’ai rien à lui promettre.

-Le peuple n’a pas besoin de promesses. Il n’a besoin que d’un roi qui marche à sa tête.

-Ah ! La guerre encore ! Maudit Nelson ! Maudits Hamilton !… Quant à Saint Janvier, il me le paiera. Si je remets les pieds à Naples, mon premier soin sera de faire construire une église à Saint François.

-Un saint français du côté de sa mère, Votre Majesté ! Serait-ce bien politique, sourit le cardinal ?

-A Saint Roch alors.

-Celui-ci l’est des deux cotés.

-La peste soit de ces saints français, dit le roi en se renfrognant !

Le cardinal et la comtesse échangèrent un regard. Cette dernière prit la parole :

-Sa Majesté se souvient-elle de Leurs Altesses Royales, Victoire et Adélaïde ?

-Ma foi, j’ai dû leur envoyer dix ou douze mille ducats en leur recommandant de prendre la fuite…L’ont-elles fait ?

-Elles sont à Brindisi… Sa Majesté se souvient-elle que l’un de leurs sept gardes du corps, un Corse nommé De Cesari, ressemble merveilleusement à Son fils aîné, le prince de Calabre ?

-Certes, j‘ai failli y être trompé moi-même.

Sultan BonaparteWhere stories live. Discover now