4. Milan 27 juillet 1797

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Milan le 27 juillet 1797

Bonaparte fit appeler un officier qui portait au bras gauche une soie rouge et blanche d’aide de camp. L’homme, nommé Antoine-Marie Chamans de Lavalette, était d’apparence burlesque : petites jambes, début d’embonpoint causé par la bonne cuisine italienne, nez en pois chiche, grosses joues et yeux minuscules. Il était presque chauve et rabattait sans arrêt, d’une petite main blanche aux ongles roses, les quelques cheveux qui se redressaient sur son occiput. Bien que d’apparence fort peu militaire, Lavalette cachait un courage de lion sous une apparence de roquet. Plein d’esprit et du plus fin, il était aussi fidèle en amour qu’en amitié. Arrivé au lendemain de Castiglione, Lavalette, confondu d’admiration était devenu un séide de Bonaparte. L’aide de camp se mit au garde-à-vous. Bonaparte alla vérifier par l’entrebâillement de la porte l’absence d’oreille indiscrète dans la pièce d’à côté. Berthier y rédigeait une instruction pour le général Clarke.

-Lavalette, commença Bonaparte, nous sommes tous deux des aristocrates qui servons la Nation, n’est-ce pas ?

C’était toucher d’emblée Lavalette dans son point le plus sensible. Ses yeux s’embuèrent.

- Je suis entouré de républicains obtus et mal élevés qui ne comprennent pas toujours le but que je me suis fixé : la gloire et le grandeur de la France. Un but qui prévaut sur toute chose et qui nécessitera peut-être de changer la forme du gouvernement.

Lavalette hocha imperceptiblement la tête. Mais si faible qu’ait été ce mouvement, Bonaparte s’en aperçut.

-Nous sommes à la veille d’une crise, Lavalette. Le Directoire est à la veille de tomber. Allons-nous perdre le fruit de tant de combats et signer une paix honteuse ? Je préférerais marcher sur Paris avec mon armée que voir un gouvernement qui braderait nos victoires. Et Bonaparte se mit à marcher de long en large avec une colère rentrée qui n’était pas tout à fait feinte.

-Lavalette, aidez-moi.

-Moi, citoyen-général, s’exclama Lavalette avec une surprise ravie ! Que pourrais-je faire ?

-Je sais que vous avez des relations à Paris parmi les royalistes du boulevard Saint-Germain. Jamais je n’ai insulté ni Dieu ni ses prêtres mais l’heure du retour des princes n’a pas encore sonné. D’ici là, il faut sauver la France. Je ne peux vous imposer cette mission mais peut-être l’accepterez-vous. Vous irez parler à Carnot, à Barthélémy mais aussi aux clichyens et vous leur direz que je désapprouve ce que prépare le Directoire !... Si vous refusez, je ne saurai vous en vouloir…

Lavalette se haussa de toute sa taille et gonfla sa poitrine.

-J’accepte, citoyen-général.

-Si les agents du Directoire vous arrêtent, je ne pourrai que vous désavouer. Songez-y.

-Peu importe, répliqua Lavalette.

-Bien… Berthier.

Bonaparte appela son chef d’état-major et lui tendit une clef qu’il portait au cou :

Sultan BonaparteWhere stories live. Discover now