32. Les fureurs du Stromboli

13 0 0
                                    

Au large de Naples, à bord du Vanguard, 24 et 25 décembre 1798

Le roi Ferdinand avait assisté sans mot dire à l’incendie de deux vaisseaux, de trois frégates et de cent vingt chaloupes canonnières. La dissimulation est la première vertu d’un prince. A trois heures de l’après-midi, le vent calmit et la flotte anglaise s’éloigna, profitant d’une brise du sud. Le capitaine Berry vint prendre ses ordres. Le vent venait de tourner ouest nord-ouest.

-Faut-il nous élever beaucoup au large de Capri, demanda Berry ?

-Nous naviguerons grand largue. Les autres bâtiments dans nos eaux, route de Palerme, manœuvre indépendante, répondit Nelson.

-My lordship, se permit Berry, je ne crois pas que ce vent-là soit fait.

-N’importe. Je ne serai tranquille que lorsque Leurs Majestés seront en sûreté à Palerme.

En effet, le vent n’était pas fait et il tomba tout à fait à hauteur de Capri, permettant au royal passager du Vanguard de prendre quelque nourriture. L’amiral, qui redoutait un grain, monta sur le pont. 

-Tu avais raison, Berry. Nous aurions dû passer entre Capri et le cap Campanella. L’île aurait adouci pour nous la violence du grain qui va venir.

Une rafale d’ouest se leva.

-Faites amener les perroquets et serrez le vent, ordonna l’amiral. Carguez la grand’voile et hâlez bas le grand foc !

Le Vanguard continua sous sa brigantine, ses trois huniers et son petit foc. A l’horizon, une ligne noire, séparée de l’horizon par un filament d’argent, se rapprochait à toute vitesse. Un paquet de pluie accompagnée de tonnerre tomba sur le navire. Le grain passé, Nelson descendit rassurer le roi. La reine lui offrit une tasse de thé. L’amiral s’obligeait à la déguster à petites gorgées quand Berry lui envoya un de ses officiers :

-My Lordship, le vent a viré au sud. Si nous continuons sur la même bordée, nous serons jetés sur Capri.

-Eh bien ! Virez de bord, bâbord amures.

-Le navire a le vent debout et commence à culer. Le capitaine Berry souhaite que vous veniez prendre la manœuvre.

L’amiral remonta vivement sur la dunette. Le vent avait sauté au sirocco. Autour de l’île, se dessinait une large frange d’écume indiquant la zone où les déferlantes se brisaient contre les récifs.

-Changez la barre derrière, cria l’amiral. Virez en culant !

La manoeuvre était hasardeuse et il fallait être l’amiral pour donner cet ordre, qui pouvait entraîner la ruine du Vanguard. Le mât de misaine consentit et fit entendre un craquement terrible. Après quelques minutes d’effroi, le navire repartit, courant au cap nord nord-ouest, bâbord amures.

Sultan BonaparteWhere stories live. Discover now