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"Je n'ai que peu souvenir de mon enfance : je suis né dans la nature. Comme tous les chats de la portée, je suivais la même routine : téter, dormir, téter, dormir, téter, dormir, téter. Or, cette somnolence omniprésente finie par devenir néfaste, tout particulièrement lors de la première sortie du nid familial."

"Je me souviens avoir été fasciné par la forêt : toutes ces couleurs, toute cette végétation changeait énormément du brun fade du terrier. Je me mis en tête que je me devais d'explorer les environs. Je finis par m'écarter du groupe. Je me souviens avoir tellement joué à l'aventurier que je finis par me perdre et m'endormis simplement sous une vulgaire bûche moisie. Pendant ma sieste, un deux-jambes finit par me trouver, et il m'emmena avec lui."

"Je suis donc passé de chat sauvage à chat domestique. Contrairement à ce que disait les autres chats, la vie de chat domestique était loin d'être désagréable. Le deux-jambes qui m'avait enlevé était loin d'être le plus mauvais des propriétaires : il habitait dans une large et somptueuse villa dans un petit village qui trônait au sommet d'une colline. On pouvait voir au loin une ville fourmillant d'activité, des larges colonnes de fumées grisâtres s'échappant de grands tuyaux gris-clairs verticaux."

"Au fur et à mesure que je grandissais, ma compréhension envers les deux-jambes augmenta également : j'étais à présent capable de comprendre ce qu'ils disaient. Je compris qu'ils s'appelaient en réalité 'humains'."

"C'est ainsi que je découvris l'identité de mon 'maître' : c'était un ancien scientifique retraité. Il fut un homme de taille moyenne, avec une physionomie lambda : cheveux noirs, yeux bruns, nez en forme de triangle aux angles arrondis, barbe rasée, tout ce qu'il a de plus normal. Je ne me souviens plus de son nom, mais je rappelle qu'il se faisait appeler 'le Professeur'. Il habitait en solitaire, et fut passionné par toute sortes de domaines, mais il semblait être obsédé par une photo qu'il possédait en particulier. Il avait une étrange relation avec cette photo, semblant à la fois la haïr tout en étant éperdument amoureux d'elle."

"Cette photo côtoyait auparavant l'ordinateur de son bureau, avant d'être déplacée sur la table à manger, puis sur le troisième étage d'une étagère du salon, suivi de la table de nuit avant de revenir vers le bureau. Elle était disposée à l'intérieur d'un cadre doré aux bords ayant des dentelles. Sur cette photo, on voyait 'le Professeur', dans un costard noir à la chemise blanche. Il était en dessous d'une arche de fleurs, un sourire sincère sur son visage. Sa main gauche tenait l'épaule gauche d'une femme aux longs cheveux blonds et aux yeux olive ; elle aussi tenait un sourire chaleureux sur son visage. La femme portait une robe blanche, sa longue jupe traînant sur le sol."

"Souvent l'homme regardait cette photo, et dès qu'il le faisait, son visage se remplit de tristesse. En général, l'homme allait par la suite chercher une bouteille dans un placard qui créait du froid, et retourna voir la photo. Il commençait par murmurer des phrases, sa voix remplie de mélancolie, de tristesse et de désespoir : "

-Pourquoi ?... Pourquoi toi ?

-Tu avais besoin de le faire, hein ? ...

-C'était beaucoup trop tôt...

"Par la suite il prenait une grande gorgée du liquide dans la bouteille, buvant parfois celle-ci cul sec. Il répétait par la suite les phrases précédentes, plus fort, la mélancolie remplacée par une colère et rage incroyable. Il avait déjà cassé quelques meubles, et des décorations tels que des vases et autres objets durant ses crises."

"Même si au début, je ne m'intéressai pas à ces crises, je finis par comprendre rapidement que l'homme était en détresse, et qu'il avait besoin d'aide. Je pouvais facilement m'échapper de sa maison pendant ses crises, et pourtant je n'y arrivais pas. Je développais une sorte de compassion pour cet homme : une telle consternation de sa part me faisait mal au cœur."

"Une fois, cela faisait quelques lunes déjà que j'habitais chez lui, et, après avoir piqué sa crise quotidienne, il se dirigea vers moi et se mit à me cajoler, avant de me parler, prenant un ton parental : "

-Tu dois sans doute me prendre pour un fou, pas vrai ? C'est parce que tu n'es pas encore passé par la case 'amour'. Tu verras, mon vieux, mais l'amour nous transforme, que tu le veuilles ou non.

"C'est à ce moment-là, que je voulu lui répondre. Afin de lui prouver mon affection, j'émis un doux ronronnement se voulant rassurant, avant de penser : "

"Qu'est-ce que c'est, l'amour ?"

-C'est une étrange sensation mon cher, une bien étrange sensation. - me répondit-il avec nostalgie, et un grand sourire sur son visage.

Sur le coup, je fus confus, car je l'avais pensé, mais il avait réussi à l'entendre. De plus, il n'avait même pas l'air surpris que je réussis à lui parler. Je me réessayai à communiquer :

"Comment peux-tu m'entendre ? Je suis en train de penser, et pourtant... ?"

-C'est assez compliqué, - m'interromps-t 'il, avant d'ajouter avec un rictus nerveux - mais en gros : lors de ta première fois ici, je t'ai injecté un produit chimique. Ce n'est qu'un prototype, et il est censé donner la parole à un être ayant déjà un moyen de communiquer, mais n'ayant pas de langue particulière...

"Hu-hum. Donc, tu as injecté le prototype d'un sérum dans un chat, qui aurait pu le tuer, parce que tu voulais qu'il parle."

"Je changeai de ton afin d'en prendre un coléreux rempli d'amertume, et mon maître l'avait remarqué, car il laissa échapper un rire tendu, avant d'essayer de s'expliquer : "

-C'est vrai que dit comme ça, ça fait vraiment égoïste, mais j'espère que tu comprends que, au moment où je t'ai trouvé, ma femme venait de me quitter, et, je ne me sentais vraiment pas bien. J'ai songé à mettre fin à mes jours. - il expira - J'ai donc décidé de faire une balade en forêt, afin de me changer les idées, et à ce moment-là, je t'ai trouvé... et... je ne sais pas trop ce qui est passé dans ma tête... mais... je me suis dit que..."

"Son débit ralentissait, et voyant qu'il commençait à se perdre, je me décidai à intervenir : "

"Ça va. Je suis sûr que tu as tes raisons. Et puis, je ne pense pas que ce soit si mal que tu l'as fait. Je suis bien plus heureux ici que quand j'étais dans la forêt, et... tu es un bon deux-jambes."

"Je me vis forcé de mentir un peu, mais il avait clairement besoin de mon support, et essayer de l'agresser n'aiderai en rien la situation. Toutefois, je ne m'attendais pas à sa réaction, car il prit une mine éberluée avant d'ajouter : "

-Un deux-jambes ?

"Oh, c'est vrai, tu ne le sais pas. Les chats vous appelle vous, les humains, des 'deux-jambes'."

-Huh. Intéressant... Mais... cela veut dire que vous savez communiquer entre vous, et que mon sérum n'aurait pas dû fonctionner. - son ton se métamorphosa de curieux à excité et énergétique - Est-ce que cela veut dire que tu peux encore communiquer avec d'autres chats ? Est-ce que cela fonctionne avec d'autres animaux ? À partir de quelle distance est-ce que tes pouvoirs télépathiques fonctionnent encore ? J'ai tellement de questions !

"Et je me ferai un plaisir de t'aider à trouver leur réponse." ajoutai-je avec un chaleureux et affectueux ronronnement."

C'est à peu près à ce moment-là que notre relation fut créée. Nous passâmes de plus en plus de temps ensemble. Nous n'étions humain et animal. Nous n'étions plus animal de compagnie et propriétaire. Nous étions à présent des amis. Nous avions tous les deux tellement de questions, lui à propos de moi, et moi à propos de son monde : le monde des humains.

LE RETOUR : une fanfiction SplatoonWhere stories live. Discover now