❛ epilogue | save you

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Les lumières de la ville dans laquelle je n'avais pas mis les pieds depuis près d'un mois éblouissaient mes rétines irritées tout en paraissant d'une angoisse incommensurable. L'action nocturne de Séoul me donnait envie de me cloîtrer pour ne pas affronter l'extérieur. J'avais de la difficulté à penser clairement, rongé par la route éternelle qui venait de s'écouler, elle avait été plus longue que l'attente pénible dans le stationnement emplit de carcasses de voitures inutilisées le temps de vacances. Ce mot semblait d'une joie étrange, comme si je n'avais jamais vécu des congés estivaux, comme si tous les souvenirs joyeux de mon existence s'éloignaient dans ma mémoire jaugée de racines vicieuses, de mauvais herbes et d'humidité fumante. Ça me faisait penser à un labyrinthe d'arbres morts et rabougris recouverts de mousse protubérante, envahit de pièges et de terreurs ineffaçables. Il n'y avait qu'une odeur d'eau stagnante saupoudrée d'une vapeur de feuillages et des flaques à l'allure de minuscules marécages lugubres. Ce paysage morne ainsi que délabré fut autrefois des territoires magnifiquement boisées, possédant une forêt luxuriante aux fragrances de fleurs flamboyantes et d'herbes fraîches où un ruisseau d'eau cristalline coulait le long d'une pente rocheuse. Seul le chant des petits oiseaux bucoliques perçait l'atmosphère ensoleillée et non celui de corbeaux austères impossible à situer dans l'obscurité d'un horizon sans lendemain. Toute ma vie avait fanée en quelques heures.

- Mon chéri, tu es resté silencieux depuis le début. Articula ma mère, coupant le mutisme flottant à l'intérieur de la voiture qui roulait toujours, traversant un boulevard où de chaque côté se dressaient de grands buildings vitrés.

- Je n'ai pas envie de parler maman. Avouais-je en observant l'urbanité de la capitale.

- Jinyoung tu me dois quand même des explications, je suis venu te chercher là-bas car tu veux aller à l'hôpital pour voir ton copain, c'est beaucoup d'informations en une seule conversation. Dit-elle d'un ton plus ferme.

- Je t'expliquerais tout après que j'ai la certitude que Jaebeom est toujours vivant. Lui promis-je en me contenant pour ne pas faiblir suite à ma phrase que ma tête n'appréciait pas.

- Bon sang, qu'est-ce qu'il lui est arrivé? S'interrogea ma génitrice, complément de balancée.

- L'hôpital est là. Informais-je, fixant l'immense bâtiment déprimant pour ce qui se trouvait à l'intérieur.

Elle pénétrait dans le stationnement, s'avançant vers les portes principales desquelles une lumière vive s'échappait. J'ouvrais la portière, n'écoutant pas ce que ma mère me disait, passant les battants automatiques comme un survivant apocalyptique qui trouvait un endroit sécuritaire pour se réfugier. Je me dirigeais hâtivement vers la réceptionniste qui me jetait un coup d'œil avant d'à nouveau se concentrer sur l'écran de son ordinateur.

- J'ai besoin de voir un certain Lim Jaebeom. Demandais-je, la respiration qui s'affolait.

- Je suis désolé, mais les visites sont terminées. Refusa la coréenne, m'arrachant mes raisons de persévérance.

- S'il vous plaît, j'ai fais presque deux heures de route pour venir le voir, c'est important. Dites-moi au moins s'il est dans une chambre et pas à la morgue. Terminais-je dans un soupir affaibli par la surcharge émotionnelle dont j'étais la pauvre victime.

- Chambre 128. Capitula la réceptionniste après avoir fait une courte recherche dans le registre électronique.

Je courais dans ces couloirs aux effluves de détergeant et de médicaments, voyant l'éclairage chimique défiler au dessus de ma tête, sentant mon cœur se gonfler d'un renouveau, d'une espérance qui faillit pousser son dernier souffle, signe de capitulation. Mon corps était plus léger, soulagé de savoir que Jaebeom avait esquivé une potentielle disparition terrestre. Le nombre 128 apparaissait devant mes yeux fébriles tandis que j'ouvrais la porte coulissante me menant à une chambre dans laquelle je pénétrais en remarquant la lampe illuminant la pièce hospitalière d'une teinte dorée offrant à l'intérieur une ambiance apaisante. Je refermais le battant en bois clair, m'aventurant à l'intérieur de la chambre. L'ébène était étendu sur le lit terne, m'observant d'un regard criant une attristante culpabilité, les lèvres tremblantes, démontrant qu'il combattait son envie de pleurer.

𝐓𝐄𝐄𝐍𝐀𝐆𝐄 𝐃𝐑𝐄𝐀𝐌 𝐈𝐈 | 𝐣𝐣 𝐩𝐫𝐨𝐣𝐞𝐜𝐭Where stories live. Discover now