Chapitre 8

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Le jeudi suivant, même heure, même porte, Ink s'asseyait sur un fauteuil de la salle d'attente. Vingt minutes d'avance. Ses cours avaient fini plus tôt que prévu et il avait préféré dessiner sur place plutôt que de rentrer chez lui et de se re-déplacer dix minutes après. Interrompre un dessin pour le continuer pour le plaisir de se compliquer la vie ? Très peu pour lui.

Quand Error fit sortir son patient précédent, il fut assez surpris de voir Ink dessiner, son casque sur les oreilles.

– Ink ? Tu es déjà là ?

Le concerné retira arrêta sa musique et hocha la tête.

– Oui. Mais je peux attendre dix minutes, c'est pas encore l'heure...

– S'il y a un laps de temps entre chaque rendez-vous, c'est pour que mes patients ne se voient pas entre eux. Pour qu'il n'y ait pas de malaise s'ils se connaissent.

– ... Oh. Désolé.

– Mais entre, pas de soucis.

Ink se leva et rangea doucement son casque, un peu honteux, laissant ses affaires de cours dans la salle d'attente. Au moins, il le saurait pour la prochaine fois...
Il s'assit, comme à son habitude, en face de son psychologue. Le soleil, qui passait par la fenête en haut du mur de droite, l'aveugla un peu et il se décala.

– Tu veux que je mette le rideau ?

– Parce que vous êtes assez grand pour atteindre la fenêtre ? répondit Ink, surpris, avant de remarquer la marche en plastique.

Error y monta et tira le rideau et se rassit.

– Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé cette semaine ?

– Je suis peut-être en train de guérir, finalement, lâcha l'artiste. J'ai l'impression d'avoir six ans dès que quelque chose ne va pas, que mon corps en a quatorze et c'est insupportable.

– Oh. Tu ne sais toujours pas quel est ton élément déclencheur ?

– C'est obligatoire, d'en avoir un ?

– Et bien, jusqu'à preuve du contraire, oui. Ou en tout cas, ce n'est jamais arrivé.

Ink baissa la tête. Il oscillait entre la peur de se faire de faux espoirs et la constatation que cette même peur était la preuve qu'il ne s'en faisait pas.

– Est-ce que c'est possible qu'une personne s'invente des sentiments ? Comme quelqu'un qui s'invente un TDI ?

– Ce n'est jamais arrivé, à ma connaissance... Et je ne pense pas que ce soit comparable. Mais si tu ne sais pas vraiment ce qu'on ressent sans ta maladie, j'imagine mal. Qu'est-ce que tu ressens, en fait ?

Ink tourna la tête, fixa le mur un moment. Error attentit patiemment. Après une vingtaine de secondes, il soupira.

– C'est comme... C'est pas original du tout, mais c'est comme si un verre rempli à ras bord était mis dans un bol. Des fois, ça tangue un peu et une goutte tombe dans le bol, mais elle s'évapore tellement vite qu'on ne s'en rend même pas compte. Puis, un jour, quelqu'un prend un marteau et dégomme le verre. Et tout va dans le bol. Mais y'a encore les morceaux de verre et ça fait mal, quand ça tangue...

Il s'arrêta quelques secondes avant de conclure :

– Vraiment mal.

Il restèrent tous deux silencieux pour une dizaine de secondes et Error analysa simplement à voix haute.

– Le verre, c'est ta maladie, le bol, tout le monde l'a, le marteau, c'est l'E.D. et les morceaux de verre c'est parce que tu n'es pas habitué à ressentir, surtout ce qui est négatif. Et ça te fait mal.

ErrInk - TherapistWhere stories live. Discover now