Chapitre 38 (partie I)

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A dix-neuf heures, je me faufile parmi les groupes de jeunes assis à même le sol dans le grand hall, en direction de l'extérieur. Nerveuse, je passe une main dans mes boucles brunes, soigneusement posées sur mes épaules par la main experte de Madigan, qui s'est proposé de les brosser. 

Elle m'a également demandé si je souhaitais me changer et mettre une robe, mais j'ai opté pour un pantalon kaki et un haut blanc, le tout agrémenté d'une jolie veste de la couleur du pantalon et de basket haute blanches. 

C'est avec une petite moue que la jeune médecin a essayé de me faire changer d'avis pour me faire porter une petite robe mauve, mais j'ai refusé net. Je ne saurais dire si c'était à cause de la forme ou juste de la couleur, mais je ne me voyais simplement pas porter une telle chose pour une fête dans le QG. 

La jeune femme a fini par céder et me laisser partir, ce qui m'amène donc dans le grand hall à slalomer entre les verres et les mains posées sur le sol, ou entre les couples qui dansent au milieu du hall au son de la musique créée par les instruments confectionnés par les Artistes. 

Plus j'avance vers l'extérieur, plus je me sens nerveuse, ne sachant que dire si je croise Aksel. Heureusement pour moi, la première personne à me remarquer lorsque je m'extraie de la foule du hall est Benny.

— Feli', tu es venue, se réjouie le grand tatoué, me prenant dans ses bras.

Je réprime un fou-rire en sentant la légère odeur de l'alcool sur ses vêtements et me contente de hocher la tête et brièvement signer mes salutations. D'ici, la musique est moins forte et il n'est pas obligé de me crier dans les oreilles pour se faire entendre. 

Benny sourit en me voyant signer, avant de reporter son regard vers la foule de jeunes dansant dans le hall, d'où s'élèvent également des cris de joie, d'allégresse. Jetant un œil au jeune homme, je remarque son verre pratiquement vide dans sa main droite et manque de m'étouffer sur ma salive en l'entendant marmonner :

— Tu es plus ponctuelle pour venir à cette fête que pour venir me voir pendant ma Cure, lâche le jeune homme avant de finir son verre cul-sec, le sourire aux lèvres.

Cependant, lorsque son sourire retombe, je comprends aussitôt que j'ai eu tort. Benny n'est pas alcoolisé, en tout cas pas assez pour divaguer et être anormalement heureux. Il a clairement quelque chose en tête, que ce soit une confession ou simplement une accusation. 

Ravalant mon sentiment de culpabilité face à cette incongrue révélation, j'attrape alors sa main pour l'entraîner un peu à l'écart, entre les arbres, afin que la musique ne soit plus qu'un bruit de fond et que nous puissions discuter seul à seul, pour la première fois depuis bien trop longtemps.

— Je suis désolée de ne pas être venue te voir plus tôt, pendant ta Cure. J'avais peur de t'entendre parler de ton ancienne vie alors que je ne me souvenais de rien. Et puis après, il y a eu mes débuts au Labo', la découverte de l'I.A, je n'y ai simplement plus pensé. Je suis désolée si tu penses que ça fait de moi une mauvaise personne. Tu m'as sauvé la vie à l'hôpital et depuis qu'on est arrivé ici, j'ai l'impression que nous sommes devenus des étrangers. Bon, d'accord, on ne se connaissait pas tant que ça à l'hôpital, mais au moins on se parlait plus souvent. Et là, j'ai l'impression d'avoir perdu mon meilleur ami et confident, je commence, tâtant le terrain.

Si Benny est surpris par mon discours, il n'en montre rien. Il soupire, passe une main dans sa barbe et ferme les yeux quelques instants.

— Tu n'es pas une mauvaise personne Fel'. Je comprends. J'avais peur de t'entendre parler de ta vie aussi, me raconter tes souvenirs d'enfants... Je ne savais pas comment j'allais réagir. Et ma Cure avait déjà pas mal duré, alors j'ai quand même demandé à sortir... Et là, Madigan me dit que je ne peux pas te voir. Et je me suis senti coupable d'être soulagé. Mais ça ne veut pas dire que tu n'as pas cessé d'être la petite sœur parfois ennuyeuse, parfois tête brûlée, que j'ai toujours rêvé d'avoir, avoue-t-il.

Felidae [Parties III et IV]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant