Aileen (Chapitre 47)

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Le campement s'était transformé en un immense cauchemar. Certaines tentes avaient pris feu et les combats animaient le moindre espace disponible.

Aileen elle même, en retrait derrière un espace sécurisé par leurs boucliers magnétiques avec ses chefs stratégiques et Damien contemplait la catastrophe en cours.

Elle n'avait pas tout de suite compris lorsque des centaines de nouveaux vaisseaux avaient envahis le ciel... Avant de saisir que l'idéalisme d'Astra avait enfin triomphé. Peut être que tous avaient tort et que chercher à être juste était la bonne façon de gouverner.

Une violente explosion proche d'eux fit trembler le bouclier et instinctivement une femme en uniforme vint se déporter devant la reine dans une illusion de protection.

Aileen n'avait pas fait un mouvement.

— A t-on encore la moindre chance de l'emporter ?

Un vaisseau spatial était couvert par la protection invisible derrière eux. Elle savait pertinemment quel était désormais son usage dévolu : leur permettre de fuir. Au fond elle connaissait déjà la réponse, comment lutter contre une révolte de la galaxie entière ?

Ses yeux ombragés rencontrèrent ceux de son nouveau commandant qui venait de fermer son oreillette.

— Non. Les Astrayens sont sortis d'Ivy, ils nous attaquent par devant et nous coupent toute voie de retrait... Et la plupart de nos vaisseaux à terre ont été détruits. Nous sommes en sous nombre mais nous pouvons sans doute tenir quelques jours vu la supériorité de notre armement...

Elle tourna la tête vers le ciel pour contempler l'éclatant soleil de cette funeste journée et du ciel bleu qui brillait comme une provocation. Peut être que tout devait finir comme ça après tout, et aussi vite.

— Majesté...

C'était la soldate qui venait de prendre la parole, repoussant ses cheveux tressés pour la fixer d'un air à la fois intimidé et décidé.

— Il faut prévoir votre fuite. A l'abri vous pourrez réunir des renforts sur l'AM.Erica, ils ont besoin de votre soutien là-bas...

Aileen se contenta de sourire, presque avec indulgence. Elle sentait la tension de son entourage, habituée à sa forte tête, et particulièrement de Damien.

— Ils ont James. J'ai fais ma part... Je ne repartirai pas d'ici, alors que mes soldats y sont bloqués. On m'a appris à me battre pour empêcher le retour des enfants d'Astra chez eux... J'ai fais tout ce que j'ai pu. Laissez moi maintenant enfin retrouver ma liberté.

Elle détacha sa cape d'apparat, parfaitement immobile en absence de vent filtré par le bouclier pour éviter des gaz nocifs et la laissa tomber à terre.

Un homme de sa garde personnelle cria pour la retenir tandis qu'elle faisait un pas vers le bouclier la séparant à quelques distance du campement transformé en champ de bataille.

— Majesté ! Non, qu'allez vous faire ?

Son sourire s'accentua, se teintant d'ironie, et elle se retourna brièvement vers eux tous, inclinant la tête en remerciement de l'avoir suivie de si longues années partout.

— Retrouver ma véritable place... Une femme parmi tant d'autres. Je vous rends votre couronne... Et je vais me battre, mourir auprès des miens ! Ce n'est pas moi qui choisit stratégiquement de sacrifier une partie de mes soldats... ce qui s'avère de plus inutile. J'ai toujours préféré agir à rester en arrière.

— Aileen !

C'était le hurlement de l'homme qui l'aimait cette fois, pas celui inquiet pour sa souveraine. Elle fronça légèrement les sourcils et pour lui ne marqua même pas un instant d'arrêt.

Elle appuya sur une commande de son poignet au moment de franchir en courant la barrière magnétique, qui la laissa passer grâce au code transmis, et se mit à courir en arrachant de sa ceinture son arme.

Tout de suite la chaleur se dégageant des explosions et les fumées âcres là prirent à la gorge. Elle entendit des pas derrière elle mais se rua en avant sans réfléchir, profitant du désordre général pour s'éclipser.

Elle s'immobilisa quelques minutes plus tard lorsqu'elle fut bien certaine d'avoir semé ses poursuivants. Elle s'accroupit derrière un énorme débris de métal arraché pour ne pas se faire repérer, même si elle demeurait derrière la ligne formée de ses soldats, qui n'avaient plus d'autres choix que de se battre.

Esquissant une horrible grimace et luttant contre la chaleur pour ne pas succomber et les émotions, elle leva la main sur sa poitrine et commença à méthodiquement arracher les insignes royaux et tout ce qui permettait de la reconnaître. Ses médailles qu'on lui avait fait porter pour encourager de loin ses hommes. Elle glissa ensuite ses doigts sur ses épaules et détruisit de même toute marque de sa position.

Elle jeta ensuite un coup d'œil à sa tenue, s'assurant mécaniquement de sa neutralité. Une combinaison noire renforcée sans plus rien de particulier.

Elle essuya son front d'un revers de manche et se redressa avant de se remettre à courir sans aucune réflexion supplémentaire.

Rejoindre ses soldats en train de se battre... C'était tout ce qui comptait dans son esprit brûlant qui ne pensait plus à rien.

Elle bondissait par dessus les débris, évitait les restes de tente enflammée, escaladait de temps en temps des objets presque impossibles à analyser.

Elle ne tarda pas à rejoindre la ligne de front qui s'était presque naturellement formée, de tout objet récupérable pour esquisser une dérisoire protection devant la vague qui déferlait sur eux.

En quelques heures tout l'équilibre de la bataille s'était inversé.

Le lieu de combat était encore plus proche que ne le pensait Damien, ou du moins que celui ci ne l'avait compris, et elle eut un sourire amer. Ce n'était même pas quelques jours qu'il leur restait.

Le long de la barricade hâtivement dressée s'agitait ici une cinquantaine d'hommes visiblement sous le commandant d'un capitaine, noir de peau et au bras gauche blessé, qui l'avisa avec une rapidité étonnante et l'apostropha avec violence.

— Qu'est ce que tu fais ? T'as une arme ? Bats toi si tu veux quelques minutes de plus de ta vie ! Ou à défaut pour les camarades !

Depuis combien de temps n'avait elle pas été traitée ainsi ? Peut être jamais en fait. Elle ne fit pas un geste de recul mais obéit, presque instinctivement, allant rapidement se glisser dans un espace disponible entre un homme à la vingtaine et une femme aux cheveux roux flamboyants. Elle s'agenouilla, songeant que son entraînement militaire de secours allait s'avérer utile.

La barrière de protection ainsi dressée était renforcée de part et d'autres de boucliers magnétiques à l'énergie si épuisée qu'ils n'empêchaient plus qu'à un tir sur deux de passer à peu près contre eux. Elle glissa son arme dans une fissure entre deux débris de métal, rendus brûlant par les feux, le soleil toujours aussi ironiquement triomphant, et se mit à tirer.

En face, un jeune, un adolescent, avait essayé de s'avancer vers eux, quittant leur protection à peu près similaire.

Il s'effondra, touché dans la poitrine et Aileen hoqueta, les yeux rougeoyants de larmes contenues avant de redresser la tête et poursuivre, mécanique.

Ne plus penser. Ne pas comprendre qu'elle venait de tuer un Astrayen, que derrière là bas se tenaient peut être tous ceux qui lui restaient...

Une grimace de souffrance traversa son visage sur une dernière pensée pour son fils, puis elle reprit le tir, puisant en elle des réserves d'énergie qu'elle ne pensait plus avoir, perdue au fin fond d'elle même.

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant