Aileen (Chapitre 7)

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Le conseil venait de décider à une courte majorité de la relâcher, sans que de décision n'ait encore été officiellement prise concernant le sort de Theobald. On lui avait fait part de cette décision dans l'un des bureaux de télécommunication par écran interposé sans l'autoriser encore à rejoindre les délibérations restantes à faire du parlement.

A l'heure actuelle la jeune femme n'avait qu'une préoccupation : courir le retrouver et vérifier qu'il allait bien. Lorsqu'elle franchit la porte de ses appartements où elle savait retrouver l'enfant, elle marqua cependant une hésitation et se retourna vers Andrei qui la suivait de près.

— S'il vous plaît... Laissez nous. Je sais que le conseil vous a demandé de garder un œil pour moi mais je ne compte que parler à mon fils. Rien de plus, pas de déclaration publique ou quoi que ce soit du même genre...

Elle avait de toute façon encore besoin de réfléchir à la façon dont elle allait s'exprimer devant la population eriquienne. Sans se l'avouer, elle préférait aussi attendre encore un peu pour voir si Rodolphe Astra, le banni des étoiles, comme l'appelaient parfois les journaux, allait s'exprimer publiquement... Elle avait peur, et préférait réserver son intervention le plus tard possible pour pouvoir éventuellement rattraper ce qu'il dirait s'il se décidait réellement à prendre le risque de révéler sa pensée sur une chaîne publique. Comment pourrait il faire ? En la piratant ? Aileen haussa les épaules, s'efforçant de diminuer l'importance qu'elle attachait au point de vue de son mari.

Andrei hésita, fatigué et étant visiblement sur le pied de guerre depuis la matinée.

— Très bien, je vous fais confiance. De toute façon cette mission de vous surveiller ne m'allait pas...

Une pensée désagréable se fraya alors un chemin dans l'esprit de la jeune femme qui attendit encore un instant, la main sur le chambranle de la porte.

— Où est Damien ? Et Glenda ? Ils détestent les mutants... Et ont été formés pour les détruire. Comment prennent ils la nouvelle ?

Son commandant pâlit un peu plus, ce qu'elle n'aurait pas cru possible un instant plus tôt et qui accentua son anxiété.

— Je ne les ai pas vu... J'ignore où ils sont passé depuis la nouvelle. Majesté, je les fais rechercher tout de suite.

— Et... mon frère ? questionna-t-elle encore, fermant les yeux à la pensée douloureuse qu'il était peut être en train de plier bagage au moment même.

Il devait la détester de lui avoir caché une pareille information... et penser une fois de plus que Sandrine aurait fait une reine bien meilleure et responsable.

Andrei poussa un soupir las.

— J'ignore ce qu'il pense, il ne m'a pas adressé un mot depuis la révélation. Mais il est à son siège de parlementaire depuis que le conseil restreint a ordonnée une réunion extraordinaire et il se bat bec et ongles pour vous et le gosse. Si vous avez le droit de circuler maintenant, c'est grâce à lui, et c'est aussi votre frère qui a permis que les ultras n'obtiennent pas tout de suite gain de cause et rayent de la succession royale Theobald.

Une vague de reconnaissance envahit la reine qui inclina la tête avec un petit sourire.

— Même s'il ne l'a fait que par esprit de famille ou en pensant qu'il fallait à tout prix que je reste forte pour que les Erica restent au pouvoir... Je l'en remercie.

— Je ne pense pas qu'il l'ait fait pour des considérations politiques ou familiales. James a changé depuis l'époque où il soutenait aveuglement Sandrine, mais il a toujours eu en lui ce tempérament protecteur. Sa nouvelle protégée c'est vous, et il l'a fait dans l'unique but de vous aider je pense.

Andrei tourna ensuite les talons, la plantant là devant la porte, trop surprise pour réagir. Cela faisait des années qu'elle voyait son aîné comme un danger potentiel ou plus sporadiquement un allié. Les mots de son commandant venaient de lui faire comprendre qu'il était peut être temps de mettre à jour sa vision de son frère... et peu d'autres nouvelles auraient pu ramener un sourire sur ses lèvres à cet instant.

Le coeur un peu plus léger, elle se décida à entrer dans son salon puis laissa la porte se refermer d'un clic derrière elle. Theobald ne s'y trouvait pas.

Elle poursuivit donc son exploration jusqu'à gagner sa propre chambre. Elle découvrir le jeune garçon assis à terre en tailleurs, le menton entre ses mains dont les coudes étaient appuyé sur ses genoux, un air pensif au visage. Il réagit à peine à l'arrivée de sa mère, se contentant de lâcher quelques mots.

— Salut Maman... Content qu'ils vous aient relâché.

— Théo...

Elle hésitait maintenant à se rapprocher de lui mais il tourna la tête vers elle et, pendant quelques secondes, elle eut l'impression que c'était Rodolphe qui la fixait de ses yeux pailleté d'or.

— Ne vous inquiétez pas, je vais bien, si c'est votre question. À vrai dire toute cette histoire me laisse plus perplexe qu'autre chose. Alors comme ça, je suis le fils de l'empereur ? Vous m'en avez caché des choses Maman...

Il riait sur la dernière phrase, plaisantant gentiment, et cette attitude rassura Aileen qui vint s'asseoir sur l'un des sièges à propulseur de la pièce avant de l'amener face à l'adolescent.

— Et qu'est ce que tu en penses ? questionna-t-elle, intriguée maintenant que son fils l'avait rassurée quant à sa réaction.

Au fond, si elle n'avait été si perturbée et affolée par la tournure des événements, elle aurait pu supposer qu'il réagirait ainsi. Ils s'aimaient trop tous les deux pour qu'il puisse désirer briser le lien qui les unissait, et Theobald réagissait toujours avec un calme et une patience que sa mère ne possédait indéniablement pas. Il réfléchissait avant d'agir, pesant ses mots et ses actions. Lui n'aurait jamais confirmé avec colère les pires suppositions des journalistes, et cela amena un regain de culpabilité dans l'esprit d'Aileen avant qu'elle se reprenne. Ce qui était fait l'était justement, et elle ne pouvait rien y changer.

Theobald paraissait cependant plus perturbé de la question qu'il ne voulait l'admettre.

— Je ne sais pas. Je me suis toujours vu comme votre héritier... Je crois que, quelque part, je m'étais déjà demandé si je pouvais être le fils de... de l'empereur. Ça aurait expliqué ma mutation et le secret dont vous avez toujours entouré ma naissance, même à mes propres yeux. Mais j'ai toujours rejeté cette possibilité, la jugeant ridicule. Moi, le fils de Rodolphe Astra ?

Il frissonna et Aileen se mordilla pensivement les lèvres, tic qu'elle avait toujours eu chaque fois qu'elle était face à une question ou un problème. Elle se pencha sur son siège pour être à la hauteur de son fils assis à terre et demanda après une hésitation :

— Tu as peur de lui ? Beaucoup de monde le craint dans la galaxie, murmura-t-elle pour justifier sa question.

Il secoua sa tête auréolée de mèches brunes, lui retournant un regard franc.

— Non. Je n'ai pas peur de... mon père. Mais vos cours de politiques me permettent de saisir la situation... C'est tellement étrange ! Dites moi si j'ai raison... Je suis l'héritier de l'AM.Erica et celui d'Astra, alors que ces deux puissances se font la guerre, c'est bien ça ? Comment puis-je diriger deux pays, l'un en guerre contre l'autre ?

A regret et la gorge serrée, Aileen ne put qu'acquiescer.

— Tu as parfaitement saisi le problème. Tu ne peux pas être l'héritier des deux... Bientôt, les journalistes de toute la galaxie et le conseil lui-même te demandera ton choix. Seras tu pour l'AM.Erica ou pour les ruines d'Astra ?

La jeune femme se rendit soudain compte qu'elle ne parvenait pas à imaginer la réponse de son fils, et qu'elle l'appréhendait. Pouvait-il réellement choisir son père plutôt qu'elle même ?

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant