Rodolphe (Chapitre 35)

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Rodolphe laissa ses longues mèches de cheveux bruns cacher sa figure. Il voulait que personne ne puisse voir ses yeux entièrement dorés à cet instant, pas même Theobald.

— Et elle ? Sais-tu ce qu'elle pense ?

Sa souffrance avait percé dans sa voix malgré tous ses efforts et son fils reposa une main ferme sur son épaule.

— Si je le pouvais... Je vous dirai tout. Mais c'est un secret qui ne m'appartient pas, et quel enfant serais-je pour trahir ma mère ?

L'empereur sentit un amère désappointement s'emparer de lui. Qu'avait il espéré ? Entendre qu'elle aussi l'aimait toujours et revivre éternellement le passé et ses souvenirs ? Theobald ne fermait pas la porte mais le laissait seul face au silence plein de doutes.

— Tu as raison. Désolé de t'avoir demandé ça.

Il releva la tête et son fils s'écarta légèrement. L'empereur afficha un sourire amusé sur ses lèvres, ignorant le regard brûlant de Saskia qu'il venait de surprendre dans sa direction et celui énervé d'Eden. Rodolphe avait l'habitude maintenant de reprendre le contrôle et cacher ses émotions.

Il se tourna vers le jeune prince qui lui faisait face et leurs regards se croisèrent sans plus se quitter. Il lui ressemblait tant... Mais avait quelque chose d'insondable qui rappelait dans tout son être sa mère, une attitude, une façon de pencher légèrement la tête lorsqu'il vous dévisageait...

— Assez parlé de moi. Theo, que pourrais tu me dire pour que je te connaisse mieux ?

Un franc sourire éclaira les traits du jeune homme qui conserva cependant lui aussi son regard illuminé d'une lueur grave, entré du haut de ses quatorze ans déjà dans le monde sombre des grands.

— Disons que je suis un prince, ça, c'est à peu près la première chose que tout le monde dit de moi. Ensuite que j'ai vos gènes mutants... Et moi dans tout ça ? Au fond quelqu'un d'un peu perdu qui tente de survivre entre deux identités qui se déchirent mon âme. J'aime Astra, mais j'ai été élevé comme un parfait eriquien et je me sens si souvent tellement à l'écart. Je n'ai pas votre fougue, votre désir de rentrer, votre émotion à la vue de ces paysages désolés... Il existe d'autres enfants d'exilés astrayens, mais eux ont été élevés comme tel. J'aimerais juste parfois me trouver moi-même...

Son regard se voila et il dû se forcer pour conserver son sourire. Il faisait soudain son âge, voire plus jeune, exposant ses peurs et son incompréhension d'une situation le dépassant. Il termina avec un air d'excuse :

— A vrai dire j'ai souvent l'impression de représenter quelque chose de trop haut pour moi. Je suis un adolescent, et pour certains je suis la preuve que l'amour est plus fort que la guerre, pour d'autres, je démontre que ma mère est une femme que vous avez su dominer, et encore pour d'autres, l'inverse. Qui faut-il croire ?

Une émotion forte traversa le coeur de Rodolphe. Il aurait eu envie d'épargner cette souffrance à son fils, qu'il sentait réelle, devant sa solitude imposée que lui même avait vécu dans son enfance, et un poids trop grand qu'il avait également bien connu.

— Theobald, je suis...

— Ne dites pas que vous êtes désolé, le coupa soudain durement l'adolescent. Que vous auriez voulu autre chose pour moi. Je suis un prince d'Astra, un de l'AM.Erica... Je serai fort, et j'ai besoin pour cela de votre aide mais surtout pas de votre pitié. Si vous me regardez ainsi... Je ne parviendrai jamais à tenir.

Il n'y avait rien d'autre à dire. Rodolphe se leva lentement puis tendit une main à son fils sans un mot qui la saisit. L'empereur se détourna pour rejoindre les autres présents, laissant Theobald debout derrière lui.

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant