Aileen (Chapitre 1)

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— L'alliance est-elle en train de sombrer ?

— Que pensez vous des attaques astrayennes des convois spatiaux de marchandises ?

— Que dites-vous du gouvernement neutre de Mars ? Des guerres civiles d'Egrabe en cours depuis sept ans ?

C'était toujours les mêmes questions à chaque nouvelle conférence avec les journalistes... Aileen cacha son agacement derrière un parfait sourire, assise sur le trône monumental de la salle aux colonnades.

Les journalistes se pressaient de toute part dans la salle immense et seul un cordon de sécurité instauré par les gardes les empêchaient de s'avancer encore pour la harceler de question.

Ils étaient venus en nombre conséquent à cause du dernier projet de loi validé par le conseil : ne pas intervenir militairement sur Mars. Il avait fallu des années pour que ce texte soit voté, alors que la haine des Eriquiens était à son comble mais qu'ils n'étaient plus tout à fait suffisamment puissant pour remettre au pas comme ils l'auraient voulu la gigantesque planète rouge.

La reine était vêtue pour l'occasion d'un tailleur bleu, chaussée de talons hauts et les cheveux coiffés en un impeccable chignon relevé. Cela lui conférait un air de sérieux et de gravité, adapté à la situation.

Andrei, le commandant de la garde, se tenait en retrait pour mieux surveiller la salle, appuyé sur la plus proche colonnade du trône à la gauche de la jeune femme. Damien, le garde du corps de la reine, se trouvait juste derrière elle, debout, vêtu d'un costume et non de son uniforme, pour tenter de donner une impression de sécurité à la réunion.

Le climat s'était considérablement tendu dans la capitale ces dernières années et Aileen avait adopté une politique simple lors de ses entretiens publics : donner l'impression qu'elle n'avait pas peur, et diminuer sa garde ou en tout cas la rendre plus discrète.

Proche d'elle, installé dans un riche fauteuil gravé quelques marches en contrebas du trône siégeait James, toujours là pour la conseiller.

Il avait revêtu un costume bleu marine, mais sans cravate et renvoyait l'idée de quelqu'un de détendu, participant ainsi à l'image qu'ils cherchaient à donner. Ses cheveux étaient de nouveau colorés en bleu électrique et son unique boucle d'oreille toujours présente.

Aileen porta alors son regard à sa gauche, sur le siège le plus proche d'elle de l'autre côté par rapport à son frère.

Elle croisa les yeux de son fils et son sourire s'agrandit sur ses lèvres. L'enfant de treize ans pouvait faire disparaître ses soucis d'une seule de ses mimiques amusées.

Il était vêtu d'un costume lui aussi, ajusté tant bien que mal aux épaules vu sa jeunesse, par une couturière-robot, et fixait la foule présente sans peur ni timidité. Le petit enfant craintif de naguère avait laissé place à un jeune garçon curieux, intelligent, prêt à découvrir le monde et commençant à réellement s'intéresser à la politique. Il maîtrisait presque parfaitement ses mutations maintenant, et Aileen craignait de moins en moins de l'exposer en public.

Elle reporta alors son regard devant elle, vers la foule de journalistes, et se pencha légèrement en avant pour prendre appui sur les accoudoirs de son siège et se lever d'un geste lent et gracieux de femme de pouvoir.

Un petit micro caché dans son col lui permis de prendre la parole sans avoir à attendre et elle s'avança au bord de la marche sur laquelle se dressait le trône.

— Mesdames, Messieurs, cela fait des années que le cas de Mars est discuté. La loi entérinée hier ne fait que mettre fin à la guerre froide qui avait lieu jusqu'alors... Rien ne change dans les relations galaxiennes à part un nouvel espoir de paix et...

— Mensonge ! coupa alors une voix rageuse dans la foule. L'AM.Erica a montré sa faiblesse ! Nous devions anéantir ce nouvel ennemi, pas pactiser avec lui !

C'était un homme qui venait de parler, grisonnant, les joues mangées d'une barbe broussailleuse.

Il ne devait cependant pas être le seul à penser ainsi parce que son cri fut soutenu et que plusieurs personnes présentent commencèrent à huer la reine.

— Hou... Hou...!

Aileen ne recula pas, stoïque, redressent même légèrement la tête. Tout le monde savait qu'elle avait beaucoup contribué à cette décision du conseil, mais elle en était fière. Elle avait évité un nouveau génocide dans le cas ou l'AM.Erica aurait gagné, et sinon la mort de dizaines de soldats et l'augmentation de la fragilité de leur planète. S'ils voulaient avoir une chance de tenir face aux revendications astrayennes, il fallait qu'ils conservent un maximum de leurs forces...

Aileen avait perdu ses illusions et ses rêves depuis bien longtemps, et ne voyait plus que froidement la politique. Aucun sentiment n'entrait dans ses calculs, et cela ne l'avait pas empêché de comprendre qu'une guerre avec Mars, à la victoire très incertaine, ne pouvait être qu'une des choses les pires possibles pour l'AM.Erica.

— Maman...

Elle tourna vivement la tête vers son fils, intriguée. Il ne l'interrompait jamais en public d'ordinaire, sachant que ce n'était pas le moment.

Il avait chuchoté d'une voix basse, mais était parvenu à attirer l'attention de la jeune femme, de Damien et de James pendant qu'Andrei s'avançait dans la foule avec quelques soldats pour la ramener au calme.

— Un homme vous regarde étrangement... Je crois qu'il...

L'enfant n'eut pas le temps d'en dire plus. Tout se passa en un éclair et Aileen se sentit violemment projetée au sol en même temps qu'une déflagration retentissait.

Sous le choc, elle roula au pied des quelques marches du trône, entraînée par un corps lourd sur le sien.

Que venait-il de se passer ? Le cœur battant la chamade, elle songea au moment de violemment heurter le sol que c'était le bruit d'une balle tirée qu'elle venait d'entendre.

— N'approchez pas ! hurla alors la voix d'un homme tandis qu'elle rouvrait péniblement les yeux.

Qui était-ce ? Andrei. La réponse lui vint spontanément aux lèvres mais cela ne l'empêcha pas de blêmir. Pour un peu, elle n'aurait pas reconnu la voix de son commandant tant la panique la déformait.

Elle se reprit alors et entreprit de relever la tête puis de regarder autour d'elle. La foule avait reculée, figée en une expression de profonde horreur. Trois soldats entraînaient à l'écart un homme qui se débattait et à qui on venait d'arracher violemment l'arme qu'il avait à la main. Andrei faisait barrage de son corps, figée en une posture menaçante, entre la foule et Aileen.

Ce qui captait tous les regards n'était cependant ni l'homme qui venait de tirer ni la reine à terre. C'était l'énorme loup au poil argenté qui venait de lui sauver la vie en se précipitant devant elle au moment où la balle allait la transpercer.

Il était campé devant elle, grondant et menaçant, et du sang perlait de son épaule blessée, tandis qu'il contemplait la foule de son regard animal.

Des poils blancs, argentés... Les mutations... Un gémissement s'échappa des lèvres d'Aileen et le mutant se retourna lentement vers elle, titubant sur sa patte blessée.

Elle avait eu tort de croire que tout irait bien et qu'elle pourrait cacher le secret de son fils. Tort encore une fois, toujours les mauvaises décisions !

Leurs regards se rencontrèrent et elle murmura, retombant à terre sous le choc :

— T... Theobald...

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant